Chapitre Premier

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Il était exactement neuf heures du matin lorsque Nicolas se réveilla, comme tous les jours depuis deux mois. Ce n'était pas une quelconque alarme qui était responsable de ces horaires, mais une sorte de mécanisme qui lui était interne. Son cerveau paraissait avoir été formaté pour démarrer la journée à neuf heures précises...

L'homme se leva donc et après s'être longuement étiré se glissa sous une douche à peine tiède après avoir tout de même pris le temps d'allumer la radio portable qu'il s'était acheté. Laissant l'eau glisser sur lui il s'imprégna des informations qui se déversaient au creux de son oreille. C'était un moyen pour lui de comprendre ce monde étrange qui l'entourait. Depuis l'incident il avait été obligé de ré-apprendre de nombreuses choses en un temps extrêmement limité. Ce qui pouvait sembler logique à un collégien n'avait plus aucun sens pour lui. Ainsi le nom de l'actuel président des États-unis ou les résultats des derniers Jeux olympiques lui était totalement inconnu. En revanche il était capable de nommer la capitale de tous les pays d'Europe ou les plus hauts sommets du monde sans problème. Beaucoup de théories concernant cette mémoire sélective avaient été élaborées. Seulement aucune d'entre elles n'avait pu réellement être justifiée et Lecompte n'en connaissait toujours pas la cause.

Tandis qu'il essayait de donner un sens aux nouvelles qu'ils continuaient d'entendre Nicolas se saisit d'une serviette de bain et se dépêcha d'enfiler ses vêtements. Depuis qu'il avait emménagé seul, il préparait toujours sa tenue la vielle au soir. Son imagination s'était laissé dire que c'était là les méandres de l'homme organisé qu'il avait dû être autrefois... Autrefois étant un terme auquel il ne pouvait réellement donner de sens. Cela signifiait sans doute avant son réveil au milieu de Paris une chaude après-midi de fin d'été. Mais ce autrefois avait du mal à avoir une existence propre pour l'homme. Il lui était difficile de se rendre compte qu'il avait vécu avant ce moment. Ce qui était pourtant une évidence, il était inconcevable qu'il soit né à quarante ans en sachant parler, écrire ou encore conduire. Ce dernier fait avait d'ailleurs étonné les médecins puisque Lecompte ne savait plus se servir d'un téléviseur à son réveil. Seulement l'équipe médicale s'occupant de lui n'était plus à une étrangeté près, aussi s'était-elle contenté d'ajouter cette dernière à la longue liste d'événements inexplicables qui entouraient Lecompte. L'autre preuve de son existence passée était bien sûr son certificat de naissance ayant été établis quarante auparavant, témoignant de sa venue au monde. Pourtant, sans souvenir, s'imaginer avoir accompli quelque chose qui précédait la fameuse date marquant son réveil était à la limite de l'impossible.

Après avoir récupéré ses lunettes et mis un peu d'ordre dans ses cheveux Nicolas saisis les clés du studio dont il avait hérité suite à la découverte de son handicap, il avait été jugé inapte à reprendre le travail pour le moment par les médecins et vivait donc aux frais de l'état. L'homme avait tenté d'aménager les quelques mètres carrés dont il disposait en accord avec ses goûts, espérant qu'un jour la mémoire lui revienne en observant l'agencement de la pièce. Seulement l'un des infirmiers venant régulièrement prendre de ses nouvelles lui avait fait remarquer que la décoration semblait tout droit sortie d'un magazine et après quelques recherches l'amnésique s'était rendu compte que c'était littéralement le cas. De la couleur du canapé à la forme des cadres sur les murs tout ce qu'il avait tenté de mettre en place seul sortait de la troisième page d'une revue d'architecture d'intérieur. Son inconscient l'avait sûrement enregistré mis en place à son insu. Autrement dit rien de ce qu'il voyait ne pouvait lui rappeler son ancienne vie. Lecompte soupira à cette idée et quitta la pièce.

Une fois dehors Nicolas rejoint la foule de travailleurs en retard du lundi matin. Lui n'était pas pressé. Personne ne l'attendait nulle part, ce qui avait le mérite de lui offrir une liberté enviée par des milliers sinon des millions de personnes autour du monde... Sans doute ces dernières se rendraient-elles compte qu'il n'y avait rien d'amusant à vivre seul sans contrainte une fois réellement confrontée à cette indépendance. Ou peut-être tenteraient-elles de se mentir à elles-mêmes annonçant que c'était exactement ce calme qu'elles recherchaient. Durant ses deux mois d'existence, Nicolas avait été obligé d'apprendre de nombreuses choses sur la nature humaine, l'une d'entre elles étant que le mensonge était omniprésent dans la société qui l'entourait. Loin de détester le monde à cause de cela il comprenait la nécessité de devoir dissimuler ce qu'on le ressentait, ce qu'on l'en pensait ou même ce que l'on était à l'autre. Contrairement à l'image qui en était véhiculée, mentir faisant sans doute plus de mal que de bien. Lecompte le savait. Parce que contrairement aux autres il était constamment confronté à la réalité et que c'était sans doute cela qui le poussait à la solitude.

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant