Chapitre Troisième

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Le problème qu'avait posé Nicolas à Vincent avait occupé son esprit une bonne partie de sa fin d'après-midi et du début de sa nuit. L'amnésique lui avait expliqué qu'il avait accès à toutes les données qu'il souhaitait à l'aide d'un regard, mais qu'automatiquement son cerveau reléguait certaines informations au second plan et il les oubliait. Ainsi il avait donné à l'inspecteur toutes les informations dont il se souvenait. Lecompte avait d'ailleurs eu l'air vraiment désolé de ne pas pouvoir faire plus en quittant le commissariat. Durant tout leur entretien, le policier avait cherché un moyen de rattraper la situation tout en ayant conscience que de toute façon dès qu'il poserait les yeux sur lui Nicolas saurait exactement quel serait son objectif. Impuissant il l'avait donc vu quitter son bureau sans le moindre regard en arrière.

Le policier jeta un coup d'œil à son réveil. Il n'était pas loin de minuit et il commençait tôt le lendemain matin. Il aurait dû être en train de dormir, mais était allongé dans son lit un livre à la main, tentant de se persuader qu'il le lisait tout en étant parfaitement conscient que ses yeux se contentaient de suivre les lignes et ses mains de tourner les pages sans y prêter réellement attention. Dans son esprit plusieurs visages tournaient en boucle. Notamment celui de Rose. Une fillette à l'air innocent qui lui rappelait sa propre fille : Juliette. Cela faisait bien deux mois qu'il ne l'avait pas vu. En réalité, elle n'avait rien à voir avec Rose si ce n'était son âge. La petite tueuse, selon les allégations de Nicolas qu'il n'avait aucune raison de mettre en doute, avait de longs cheveux bruns, légèrement bouclés et était toujours affublée de robe aux tons roses ou violets. Le parfait cliché d'une gosse de primaire en somme. Juliette, elle, détestait les robes et passait son temps à trouer les pantalons et t-shirts qu'on lui achetait. La petite Richards avait aussi fait comprendre à ses parents qu'elle préférait ses cheveux courts en se chargeant elle-même de leur donner la longueur souhaitée, seule devant sa glace. Le résultat n'avait pas été terrible heureusement un réel coiffeur avait pu arranger la chose. Quoi qu'il en soit la fillette qui était constamment prise pour un garçon n'avait rien de commun avec Rose Terno. Si ce n'était ces traits fins communs à tous les enfants et qui leur donnaient un air angélique.

Vincent posa son livre et se leva. Son corps lui hurlait de prendre du repos, mais son esprit ne semblait pas être du même avis. Pourtant celui-ci aussi était embrumé. Ne pouvant se concentrer sur le cœur du problème. Comment arrêter Rose avant qu'elle ne frappe à nouveau sans passer pour un fou ? L'inspecteur passa une main dans ses cheveux qui commençaient à prendre de la longueur, peu sûr de lui. Il avait très envie de faire de nouvel appel à Nicolas. L'amnésique pourrait bien déceler quelque chose chez la famille qui pourrait les faire tomber... Ou l'inspecteur pouvait procéder à un nouvel interrogatoire de la fille en insistant plus. Cette idée le répugnait pourtant. Rose avait beau être une tueuse c'était toujours une enfant... De plus il ne pouvait pas demander à son collègue psy de se charger d'elle sans autres raisons que : « Cette fille est une tueuse c'est mon pote amnésique qui ne sait pas toquer aux portes ni faire de café, mais qui lit dans les pensées qui me l'a dit » au risque d'être celui que l'on enfermerait dans un centre spécialisé.

D'un pas las le policier quitta sa chambre et descendit une volée de marches avec pour but d'atteindre la cuisine où il pourrait avaler de quoi dormir. La nuit était calme. D'autant plus que la grande maison qu'il avait gardée après le divorce était à présent seulement habitée par ses souvenirs. Si on mettait à part les rares fois où ses enfants venaient y passer quelques jours... À peine venait-il de se servir un verre d'eau et de sortir les cachets synonymes de repos que le téléphone de la maison habituellement muet se mit à sonner lui arrachant un sursaut. Après un moment d'hésitation il reposa les médicaments et décrocha, se demandant ce que l'on pouvait lui vouloir à une heure aussi tardive.

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant