Chapitre Huitième

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Le repas préparé par Vincent n'aurait sans doute pas décroché une étoile mais n'était pas mauvais non plus. Loin de là. Aussi Nicolas, en dégustant son plat de pâtes à la sauce au poivron se résolut définitivement à apprendre à cuisiner le plus rapidement possible... ou à inviter Vincent plus souvent. Les deux options lui allaient. L'amnésique n'avait eu aucun mal à se rendre compte de la solitude de Richards. Dès le premier regard il l'avait perçue, tout comme il avait perçu ses problèmes de sommeil et son attrait croissant à reprendre la boisson. Cette dernière information l'avait d'ailleurs alarmé et il comptait bien tout faire pour que l'inspecteur ne se laisse pas aller à ses vieux démons. Rendre service à l'homme qui s'efforçait de l'aider à retrouver une vie normale lui semblait plus que normal, c'était nécessaire. Alors que ces pensées le traversaient, ses yeux fixés sur la nourriture, il ne découvrit le questionnement de Vincent que lorsque celui-ci l'eût formulé à voix haute. Ce dernier ayant parfaitement conscience qu'il était inutile d'essayer de cacher ses interrogations à Lecompte.

« Du coup, à propos d'Atsuko... est-ce que ce serait possible d'en savoir un peu plus sûr elle ? »

Nicolas releva les yeux pour les fixer sur ceux de son interlocuteur et fût immédiatement bombardé d'une armée de connaissances. Chercher le but de cette question dans l'esprit de Vincent n'était pas très honnête et il le savait. Il s'efforça donc de parler avant d'obtenir une réponse à sa question muette.

« Bien sûr ! Alors... mis à part qu'elle est d'origine japonaise et qu'elle fait des études physique elle adore l'art. D'ailleurs elle m'a beaucoup aidé hier pour rattraper un peu mon retard en culture générale, j'ai même commandé un livre sur le sujet pour me renseigner. C'est vraiment intéressant ! Mais je dois avouer que je préfère quand même les livres aux peintures... Certaines n'ont aucun sens pour moi... »

L'homme avait dit cette phrase avec un air dépité un peu honteux de ce qui sous-entendait chez lui une différence l'empêchant de comprendre les œuvres humaines, n'étant pas assez familier avec. Ce qui était loin d'être vrai.

« Tu sais Nicolas, l'art c'est un peu compliqué même pour les gens qui ont toute leur mémoire. Je dois t'avouer que je n'ai pas dû mettre le pied dans un musée ces dix dernières années... Avant je faisais des efforts j'essayais de comprendre ce que l'artiste voulait me dire, au bout d'un moment j'ai abandonné en me disant que j'étais trop con pour y arriver ou que l'artiste était trop con pour se faire comprendre. Dans tout les cas on était pas fait pour se rencontrer !

— C'est vrai ? Tu dis pas ça pour essayer de me rassurer pour que je me sente pas différent ?

— Nicolas, tu sais très bien que c'est vrai, je te rappelle que tu sais tout sur tout le monde au cas ou tu l'aurais oublié... »

Un silence suivit cette dernière phrase. Lecompte ne l'avait pas oublié. Même si il avait voulu cela était impossible. Mais le problème ne venait pas de lui, seulement il était dans l'incapacité de s'en rendre compte. Le fait qu'il ait accès à la vie de chaque personne qu'il rencontrait nuisait, certes, légèrement à sa sociabilité. Pourtant la principale cause de son isolement était l'autre. Il découlait des gens eux-mêmes lorsqu'ils se savaient mis à nu. Si il avait passé une soirée agréable avec Atsuko c'était parce qu'elle n'avait pas conscience que sa vie entière défilait sous les yeux de son nouvel ami. Si sa soirée avec Vincent venait de se tendre c'était parce qu'il se savait exposé et tentait de se défendre comme il le pouvait.

Nicolas était conscient d'être différent. Or, lorsqu'on se pense différent la cause du rejet que l'on subit doit logiquement découler de notre différence. C'est ce que la société apprend à ses membres dès leurs premières années d'existence. Nicolas en trois mois avait intégré cette règle, il ne pouvait donc comprendre que c'était de la faute de Vincent si la discussion venait de s'arrêter brusquement. Si il avait les yeux posées sur ce dernier peut être aurait-il pu lire en son ami un raisonnement qui aurait remis en cause son système de pensée.

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