Chapitre Septième

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La nuit commençait à tomber lorsque l'inspecteur Richards prit enfin le temps de regarder par la fenêtre. Il avait passé la journée à s'occuper de la paperasse que l'affaire de la famille Terno avait entraîné. Les circonstances du crime étaient particulières, c'était certain. Aussi le jugement n'aurait sans doute pas lieu avant pas mal de temps. Le système judiciaire était, de toute manière, débordé, même pour les histoires les plus basiques. Alors lorsque le cas concernait un enfant avec de sérieux problèmes psychiques... Rose aurait peut être le temps d'être majeure avant de passer devant un juge, avait pensé en plaisantant le policier, priant pour avoir tort...

Sylvie lui avait envoyé un message pour le féliciter, message auquel il avait longuement cherché une réponse qui n'était pas venue avant d'abandonner et de ne rien envoyer. Lui qui pensait pourtant connaître la nature humaine, y étant constamment confronté et ayant appris à suivre les traces de certains des plus fameux membres de l'humanité, se retrouvait à ne plus comprendre la personne avec qui il avait passé plus de dix ans de sa vie. En y repensant il se dit qu'il ne l'avait jamais réellement comprise. Les derniers souvenirs d'eux consistaient à de longues et violentes disputes. Maintenant qu'il reconsidérait la situation, cette demande de divorce qui l'avait tellement surpris était à prévoir. Lui avait été l'exemple parfait du connard de première, égoïste et égocentrique pensant le monde à ses pieds. Il suffisait qu'une affaire lui pose problème pour qu'il soit irritable à souhait... Sylvie avait tenté de l'aider plusieurs fois, cela l'avait mis hors de lui. Vincent avait été trop stupide pour penser qu'il était le seul à avoir des problèmes et que sa femme n'avait aucun moyen de le comprendre. Enfin lorsqu'elle en avait eu marre de l'écouter parler des difficultés qu'il rencontrait il s'était tourné vers son nouvel ami : l'alcool. Rien que le mot le faisait se tendre sur place. Non seulement parce qu'à partir de là il avait connu une longue descente en enfer. Mais surtout parce que sa famille en avait été témoin. Sa famille qui avait tenté de le rattraper alors qu'une fois de plus, son ego parlant pour lui, il avait décidé qu'il n'avait besoin de personne. Si la possibilité de revenir dans le passé c'était offerte à lui il l'aurait sûrement saisie pour se mettre une claque... or c'était impossible et maintenant il était seul avec son travail. Ce travail dont la violence et l'horreur avait déteint sur lui alors même que la barrière familiale qu'il s'était créée contre cet univers impitoyable s'effondrait. Ce travail qui finirait par le tuer ou par le rendre fou. Il en avait pleinement conscience. Pourtant il lui était impossible d'arrêter. C'était comme marcher au bord d'un toit et regarder la mort en face sans pouvoir revenir en arrière. Attendant que le vent le pousse dans le vide ou le ramène en arrière...

Quelques coups frappés à sa porte le sortirent de ses sombres pensées. Ce fût Romane qui entra quand elle en reçut l'assentiment. Des cernes sous les yeux, elle aussi n'avait pas beaucoup dormi ces derniers temps.

« Bonsoir Vincent, commença-t-elle.

— Bonsoir Romane, assis-toi je t'en prie. Tu as besoin de me parler ?

— Hum... On peut dire ça, répondit la jeune femme en s'installant. Disons que c'est à propos de l'enquête.

— Oui ?

— Tu n'avais aucun moyen de savoir que les preuves que nous avons trouvés étaient au domicile des Terno. J'ai revisionné tout les enregistrements des interrogatoires. À aucun moment l'un d'eux ne parle de la fameuse vidéo ou même du fait qu'ils étaient abonnés à ce service pour personne âgés... Donc, comment est-ce que tu étais au courant ? »

Si le silence qui suivit cette question ne dura qu'une seconde l'esprit de Vincent eût bien l'impression qu'elle s'étendit à l'infini. Son cerveau tentant de trouver une réponse plausible sans dévoiler la vérité et surtout sans mentionner Nicolas. Il savait Romane intelligente, il fallait donc qu'il fasse attention. La moindre erreur déclencherait sa curiosité et il ne voulait pas que l'une de ses collègues se mette à enquêter sur lui.

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant