Chapitre Vingt-neuvième

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Vincent Richards dormit trente-six heures en revenant de sa mission. Il s'était d'abord occupé à la va-vite de la paperasse qui lui avait été laissée et avait pris un long bain brûlant avant de se glisser sous sa couette et de fermer les yeux. Il n'avait pas mis de réveil et savait de toute façon que personne ne pourrait lui reprocher son absence au travail étant donné les circonstances. Cependant, il n'avait pas eu dans l'idée de dormir autant. Aussi lorsqu'il ouvrit les yeux pour remarquer qu'il faisait toujours nuit alors qu'il sentait bien les heures de sommeil qu'il avait derrière lui il eut du mal à intégrer ce que ce ciel noir signifiait.

L'horloge électronique près de son lit indiquait deux heures et demie du matin. Ce qui aurait voulu dire qu'il n'avait dormi que douze heures, information étonnante puisqu'il se sentait parfaitement reposé et qu'il avait bien plus d'heures de sommeil à rattraper. Il jeta alors un coup d'œil à la date et se rendit compte qu'elle avait avancé de deux jours. Après un temps, les connexions se firent dans son cerveau et sa terrible envie d'aller aux toilettes trouva une explication.

Après s'être soulagé de ce côté-là, ce fut son estomac qui commença à gronder. Dans l'espoir de calmer sa colère, Vincent ouvrit son frigo et ses différents placards pour découvrir qu'il n'avait pas fait les courses depuis une éternité et qu'il n'avait plus rien de comestible dans sa maison. En revanche, un ménage des produits périmés s'avérait nécessaire dans un avenir proche.

Le policier ne put s'empêcher de grogner face à cette mauvaise nouvelle. Il n'avait aucune envie de sortir, mais savait qu'il ne pourrait rien faire, pas même continuer à dormir, le ventre vide. Il prit donc son blouson, ses clés de voiture et la direction du fast-food le plus proche. C'était sans doute le seul endroit où il pourrait trouver de quoi se rassasier à une heure pareille. Et le seul endroit qui l'accepterait alors qu'il était encore en pyjama. Il alluma la radio et laissa les douces compilations de soirées le bercer alors qu'il parcourait la ville de nuit, il ne pouvait s'empêcher d'admirer les rues vides et les illuminations devant lesquelles il passait. Dans ces moments il se disait que Paris était définitivement mieux vide.

Il parvint enfin dans le restaurant qu'il avait en ligne de mire, se gara sur le parking désert et entra dans l'établissement qui l'était à peine moins. Un sans-abri dormait dans un coin, les restes d'un menu sur la table devant lui. Un couple de jeunes avec de gros sacs à dos de voyages mangeaient en silence un air épuisé sur le visage. Les employés somnolaient derrière le comptoir, l'un d'eux entrouvrit les yeux en entendant la porte s'ouvrir et se redressa, prêt à servir ce nouveau client.

Le policier s'approcha du comptoir en se demandant si commander deux menus serait vraiment un choix raisonnable pour son cholestérol... Il décida que oui.

« Bonsoir monsieur, fit le jeune serveur.

— Bonsoir, je vais vous prendre deux menus DoubleBurger.

— Sur place, ou à emporter ?

— À emporter.

— Est-ce que vous souhaitez un café ou un dessert ?

— Non, ce sera tout merci.

— Ça fera seize euros et quarante centimes, s'il vous plaît. »

Richards paya et l'employé disparu dans l'arrière-cuisine, sans doute pour préparer lui-même la commande. Vincent s'appuya sur le comptoir sans savoir où regarder. Il n'avait jamais apprécié attendre, comme tout le monde, mais attendre seul au milieu de ce restaurant vide était encore pire, il préférait de loin les fois où il avait dû attendre entouré d'une foule qui lui offrait l'anonymat et attendait avec lui.

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant