Chapitre Trente-Quatrième

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D'abord Nicolas ne trouva rien. Les yeux fermés, il entendait seulement le bruit de sa respiration et de celle de Vincent. Il n'arrivait pas à accéder à la partie de son cerveau gardienne des secrets de son ancienne vie. Il pensa un moment être parvenu à l'enfouir durant sa crise de panique et douta de pouvoir un jour la retrouver. Mais il se trompait et bientôt les images et les sons lui revinrent.

La salle blanche fut la première à faire son apparition, très proche de la chambre d'hôpital dans laquelle il se trouvait. Il y était allongé. Était-il malade ? Non. Il sentait des sangles serrer ses bras, ses jambes et son torse. Il était attaché. La question qui le terrifia lui revint : pourquoi ? Pourquoi avait-on décidé de l'attacher ainsi ? Il tenta de bouger avant de se rendre compte que c'était impossible parce qu'il n'était plus là. Ce n'était qu'un souvenir auquel il avait accès, et dans ce souvenir il ne faisait que regarder le plafond sans tenter de se libérer. Il attendait quelque chose.

Ce quelque chose ne se fit pas attendre: un visage apparu au-dessus du sien, mais il ne parvenait pas à en voir tous les traits, il n'avait pas ses lunettes et voyait flou. Mais cette difficulté à identifier l'inconnu semblait aussi venir du souvenir en lui-même, on avait essayé de l'altérer, de lui faire oublier ce qu'il avait vécu, on avait endommagé sa mémoire.

« Je suis vraiment désolé qu'on en arrive là, dit la voix qui sonnait métallique. J'aurais aimé que cela se finisse autrement... mais vous savez comme moi que c'est impossible.

— Vous les avez tués... »

C'était sa voix, Nicolas parlait. Pourtant il ne parvenait pas à se reconnaître, cette voix était plus affirmée, plus sûre d'elle. Ce n'était pas celle avec laquelle il était familier et pourtant c'était la même.

« Non. Vous savez bien que l'on ne tue personne, on réhabilite seulement.

— Vous mentez. Je les ai vus mourir.

— Mais ce n'était pas notre faute. Souvenez-vous, c'étaient deux hors-la-loi. Nous n'avions rien à voir là-dedans, ils se sont entretués.

— Vous mentez.

— Non, je ne mens pas. Mais je comprends que vous ayez du mal à me comprendre. Après tout, on vous a fait croire à un autre mensonge. Il va falloir du temps, mais vous serez soignés. Ne vous inquiétez pas...

— Je ne.... »

Le souvenir disparaissait peu à peu, Nicolas ne parvenait pas à garder le contrôle. Des images défilèrent devant ses yeux à une vitesse folle : un jardin, un souterrain, une école. Des visages s'y mêlaient aussi, des visages inconnus: un homme roux, un adolescent brun, une femme au visage sévère... Mais aucun nom ne les accompagnait. Le son du diaporama semblait avoir été coupé.

Une scène se détacha alors du reste. Il était encore allongé dans un lit, attaché. Mais la salle était différente, elle n'était plus blanche, mais grise.

« Vous êtes vraiment sûrs qu'il n'y a pas de danger à l'envoyer là-bas, disait une voix.

— Presque aucun, lui répondit une autre.

— Je n'aime pas ce presque.

— Il n'y aura pas de dangers pour nous. Une fois là-bas il ne pourra pas revenir. Le risque est qu'il meurt pendant le transfert ou qu'il se souvienne de quelque chose. On ne sait pas vraiment où il va atterrir, s'ils sont aussi avancés que nous ils pourraient tenter de venir nous rendre visite...

— C'est possible ?

— Une porte marche forcément dans les deux sens, si on arrive à le faire partir ça veut bien dire que quelqu'un de l'autre côté peut aussi essayer de venir.

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant