Chapitre Second

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Nicolas s'était effectivement présenté à dix-sept heures au commissariat plus tard dans la journée sans savoir ce que Vincent lui avait réellement préparé. L'inspecteur, qui occupait en réalité le rang de capitaine bien qu'il n'utilisât quasiment jamais le terme, était conscient qu'il lui serait impossible de faire rencontrer les suspects à un total inconnu si celui-ci n'avait pas le moindre lien avec l'affaire dans un cadre officiel. En revanche, il pouvait convoquer la famille au complet sous prétexte de leur faire passer des interrogatoires plus poussés quand il le souhaitait. Ce pouvoir en main, l'homme s'était arrangé pour que le groupe de suspect rencontre, fortuitement, Lecompte en quittant le bâtiment policier. Le pari était risqué et de nombreuses variables entraient en jeu ce qui compliquait la tâche. Rien ne disait que Nicolas serait à l'heure, rien ne disait que la famille ne parviendrait pas à quitter les lieux plus tôt. Pourtant c'était exactement ce qu'il s'était passé.

À peine avait-il franchi la porte que les yeux de Nicolas se posèrent sur un homme d'une trentaine d'années parfaitement coiffé et habillé au visage sûr de lui. Ce qui paraissait étonnant étant donné qu'il avait indirectement participé à l'assassinat de son père à peine quelques jours auparavant. L'amnésique retint à grande peine une exclamation qui se serait sans doute muée en accusation publique avant que son regard se pose sur la petite fille que Jérôme Terno tenait par la main. Il ne se rendit pas compte que cela lui évita une scène gênante et compliquée à expliquer trop concentrée sur le regard vide de l'enfant qui le traversait sans le voir. La fillette ne le voyait pas, tout simplement parce qu'elle n'était pas là, mais plongé dans ses souvenirs. Tentant de se remémorer avec exactitude le moment où elle avait mis le feu à son grand-père... Elle ne s'était pas attendue à ce que ce dernier se mette à hurler. Au début elle avait eu peur quand il s'était relevé éclairé par les flammes. Néanmoins une fois qu'il avait commencé à se rouler par terre le spectacle l'avait fait beaucoup rire. Elle aurait d'ailleurs aimé pouvoir l'admirer plus longtemps. Mais sa mère était venue la chercher pour l'écarter du danger, en pleurant. Rose, comme elle se prénommait, s'était juré de se venger. Si elle n'avait pas pu profiter totalement de ce qu'il s'était passé, c'était la faute de sa mère. Son père au moins la comprenait. Il lui avait dit que ce n'était pas grave, qu'ils trouveraient une solution tous les deux.

« Papa... le monsieur il me regarde bizarrement, fit alors l'enfant d'une voix douce et angélique. »

Nicolas secoua la tête, surprise. Il s'était laissé emporter dans ses pensées... Face à lui Jérôme, le fameux parent de l'assassin plissait les yeux.

« Un problème, monsieur ?demanda-t-il.

— Ah... Euh... Non. Je ne crois pas. C'est que votre fille a un regard mortel... si je puis dire...

— Hum. Ce commentaire est extrêmement déplacé. Nous sortons d'ici pour une histoire sordide vous n'avez pas besoin de lui rappeler de mauvais souvenirs.

— Bien sûr. Je comprends... Mais là je crois qu'elle sourit ? Oui elle sourit... Elle n'a pas l'air si traumatisée que cela cette gamine. »

Le père jeta un regard vers sa fille, qui affichait effectivement une mine des plus joyeuses et seul Nicolas fut témoin du mélange de peur et d'admiration qui s'empara de lui. Pour tout autre spectateur, il avait simplement l'air d'un homme inquiet pour sa progéniture. Son ton monta :

« Écoutez monsieur ! Vos propos sont extrêmement déplacés et j'espère bien que nos routes ne se croiseront plus. Vous devez avoir de sérieux problèmes psychiatriques pour parler ainsi ! Allez, viens Rose. »

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