Chapitre Vingt-Cinquième

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La phrase avait mis un certain temps à être comprise par Richards. Premièrement parce qu'il n'avait pas du tout abordé le sujet, secondement parce qu'il avait déjà parlé de l'enquête à l'amnésique auparavant et que ce dernier ne lui avait rien dit. Alors pourquoi, soudainement, avait-il déclaré qu'il savait où se terrait l'assassin présumé ? L'inspecteur doutait que mener l'enquête depuis un lit d'hôpital soit très pratique, voire seulement possible.

Toutes ces pensées tourbillonnaient dans son esprit, ce qui expliquait le moment de silence qui suivit les paroles de Nicolas. Les deux hommes se dévisageaient sans réellement savoir quoi faire. Lecompte sentait que son ami était confus, en plus d'être fatigué, aussi voulait-il s'assurer qu'il digère bien l'information avant de continuer.

« Tu... sais où se trouve Adrian ? articula alors Vincent en détachant bien tous les mots.

— Oui.

— Et... je peux savoir comment ? Est-ce qu'en plus de pouvoir lire dans n'importe qui les moindres détails de sa vie tu peux à présent les repérer sur toute l'étendue du territoire ?

— Hum... non. Pas vraiment. Est-ce que tu veux que je t'explique comment je le sais, ou tu préfères que je te dise tout de suite où il est ?

— En temps normal je t'aurais demandé de me donner l'adresse. Mais je ne pense pas qu'une heure de plus ou de moins change grand-chose à présent... Sans compter le fait que, et je te demande de m'excuser, je ne sais pas vraiment si je peux te faire confiance. »

Il n'avait pas besoin d'expliciter les raisons qui le faisait douter de ce que venait de dire son ami,ce dernier pouvait parfaitement lire en lui ses réserves.

« Oui, je sais. Mais je suis sûr que si tu n'étais pas aussi fatigué tu te rendrais compte que c'est preque logique. Quand je me suis retrouvé face à Adrian j'ai compris tout de suite que je ne ferrais pas le poids contre lui... d'ailleurs mon état le prouve. Passons, je savais donc qu'il allait me battre et que ma seule chance de m'en sortir c'était la fuite. Mais ça supposait que je le laisse lui aussi partir si je m'en contentais de fuir comme ça... Or, je savais que tout ça risquait de te retomber dessus... j'en suis désolé d'ailleurs...

— Ce n'est pas important pour le moment, l'interrompit Vincent qui avait sentit sa gorge se serrer. Continue.

— Du coup j'ai cherché en lui si il avait un plan B, une planque où se réfugier si la police mettait la main sur lui. Et je l'ai trouvé. »

Le cœur du capitaine s'accéléra soudainement. Maintenant qu'il y pensait cela n'avait rien de très surprenant! Avant de tomber dans le coma Lecompte avait longuement fait face à Adrian si on en croyait l'heure à laquelle il l'avait appelé et celle où il l'avait été retrouvé inconscient baignant dans son sang. Forcément, cela lui avait ouvert des centaines d'occasions de lire en lui. Vincent était même persuadé que l'amnésique n'avait pas seulement connaissance du lieu actuel de résidence d'Adrian mais qu'il en savait bien plus. Il l'interrogerait cependant plus tard à ce sujet. Pour l'instant l'adresse que lui donnerait Nicolas était plus importante.

« Tu as lu en lui... Nicolas tu... vraiment bravo !

— Je sais que ça ne rattrape pas réellement mon erreur mais... je me suis dit que je pouvais limiter les dégâts...

— C'est vraiment parfait, tu as bien fait !

— Du coup je te donnes l'adresse tout de suite ?

— Oui, approuva le policier en sortant son téléphone pour la noter.

— D'après ce que j'ai lu il y a une ferme dans laquelle il était sûr de trouver refuge dans les Ardennes, près de Charleville Mezière. Elle se trouve au nord de la ville, à une dizaine de kilomètres. C'est le numéro trente-et-un. Il a fait de grosses réserves de nourritures et à une source d'eau pas loin, tout pour vivre coupé du monde pendant presque six mois, il pensait que ce serait une durée assez longue pour que son visage soit oublié et que l'affaire n'intéresse plus les médias. Est-ce que c'est assez précis ? »

Richards ne répondit d'abord pas, continuant de noter les informations qu'on lui avait donné. Il ne pouvait se résoudre à croire qu'une telle chance lui tombait enfin dessus. La roue tournait enfin pour lui.

« C'est parfait, fit finalement le policier. À moins que tu saches si il est armé, ou si il a un moyen de nous voir arriver ? »

Allongé dans son lit, l'homme sembla faire un dur effort de concentration. Ses sourcils se froncèrent, lui donnant une expression sérieuse que Vincent n'était pas habitué à voir. Le blessé avait un moment perdu l'air innocent qui flottait constamment sur son visage depuis son réveil. Il le reprit néanmoins bien assez vite lorsque sa mine s'éclaira.

« Si, je crois qu'il a seulement un fusil de chasseur. Mais c'est tout. Et son nombre de cartouche est limité. Par contre, je ne sais pas si il a le moyen de vous voir venir..

— Pas de soucis. Tout ce que tu m'as dit est déjà inespéré, merci beaucoup. Je suis désolé de te laisser aussi abruptement, mais je vais devoir y aller pour organiser l'intervention. Merci encore, et bravo pour t'être souvenu de tout !

— De rien, tu me diras comment ça s'est passé ?

— Je vais sans doute être obligé d'aller sur place. Mais je t'appellerais quand l'opération sera finie pour te prévenir ? D'accord ?

— D'accord, merci.

— Sur ce, reposes toi bien. Je crois déjà que je t'ai trop épuisé. Je ne voudrais pas nuire à ton rétablissement. »

Richards se leva, serrant une dernière fois la main de son ami dans la sienne, et quitta la pièce en coup de vent. À peine était-il sorti que la fatigue déferla sur lui. Il avait mal à la gorge et était conscient qu'il n'était pas encore assez rétablis pour parler autant. Mais il n'avait pas eu d'autres choix. Il enfonça donc sa tête dans son oreiller et ferma les yeux. Il ne tarda pas à s'endormir d'un profond sommeil.

Vincent Richards avait rarement ressentit un mélange d'excitation et d'appréhension aussi confus que lorsqu'il qu'il quitta l'enceinte de l'hôpital. Il n'avait plus aucune raison de douter des dires de Nicolas pourtant les informations qu'il lui avait fournis dataient déjà une semaine. Rien n'assurait le capitaine qu'Adrian n'avait pas soudainement décidé de changer de lieu. Seulement il était persuadé que ce n'était pas le cas. Il avait le sentiment qu'il était à deux doigts d'enfin mettre la main sur lui. Cette perspective l'avait réveillé aussi violemment que l'aurait fait une tasse de café noir sans sucre.

Il ne pouvait pourtant pas agir immédiatement. D'abord il devait s'assurer que le lieu que lui avait décrit Lecompte existait vraiment. Ensuite il lui faudrait des images satellites de la dîtes ferme pour pouvoir préparer l'opération, mais aussi pour s'assurer que quelqu'un se trouvait réellement dans l'habitation. En théorie il pouvait faire une demande à son supérieur pour obtenir ce dont-il avait besoin. En pratique la paperasse prendrait sans doute trop de temps, or il avait justement quelqu'un sous la main qui pourrait s'occuper de cela.

Il téléphona immédiatement à Camélia et lui donna toutes les informations dont-il était en possession, espérant que cela suffirait. La jeune femme l'informa qu'elle se mettait tout de suite en quête de ce qu'il cherchait avant de raccrocher.

L'inspecteur prit le volant en faisant mentalement la liste de ce dont-il aurait besoin si ce que Camélia trouvait était concluant. Il savait que l'homme avait une puissance de feu limité, aussi le nombre d'homme nécessaire ne devrait pas être très important. Cela l'arrangeait, le groupe serait plus rapide à monter et plus discret à agir. Maintenant que le poisson était dans ses filets il ne comptait pas le lâcher. Il allait enfin prendre sa revanche sur le tueur, lui faire payer ce qu'il avait fait à ses enfants mais surtout, et l'inspecteur ne l'aurait sans doute jamais admis, ce qu'il avait fait à Nicolas.

Le visage de l'amnésique lui revint en tête pour une raison étrange. Certes, ces derniers temps c'était constamment le cas. Seulement c'était compréhensible, il s'inquiétait pour lui. Mais il se rendait compte peu à peu que ce n'était pas la seule raison. Il savait qu'il s'était attaché plus rapidement à Lecompte qu'il ne l'aurait cru. Il en avait pris conscience quand il avait vu les secours l'emmener une semaine auparavant. Pourtant il n'avait toujours pas réussi à mettre le doigt sur ce qui le rapprochait de lui... C'était peut-être pour ça que son image hantait constamment son esprit ? Il se dit que oui, mais qu'il y réfléchirait plus tard. Pour l'instant il avait plus urgent à faire. 

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