Chapitre Quatrième

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Le temps est une donnée subjective. C'est une phrase que l'on entend souvent tout au long de notre vie. Ce matin là Vincent et Nicolas en firent l'expérience. Richards avait quitté la salle d'interrogation pour tenter de mettre en place une arrestation avant que le drame ne se produise. Une course contre la montre en soi. À chaque minute qui passait, les battements de son cœur s'accéléraient. Obtenir un mandat autorisant la perquisition d'un domicile était déjà une tâche relativement compliquée en temps normal. Au milieu de la nuit, cela devenait une mission impossible. La seule juge capable de lui délivrer ce qu'il souhaitait était la dernière personne qu'il voulait voir ou déranger. Pourtant il n'hésita pas une seule seconde à composer son numéro en espérant qu'elle lui réponde. Ce qui advint finalement après quelques sonneries.

« Vincent ? Qu'est-ce que tu me veux à une heure pareil ? Ne me dis pas que tu vas te suicider...

— Je... Non ! Je n'étais pas sérieux quand j'ai dit ça !

— Bien, alors je peux raccrocher...

— Non, Sylvie ! Attends ! Il y a une urgence ! J'ai besoin que tu m'autorises à perquisitionner une maison dès ce soir !

— Qu'est-ce qu'il se passe Vincent ? La voix de la femme était devenue sérieuse.

— On a une gamine pyromane qui prévoit de mettre le feu à sa mère tout à l'heure et qui est couverte par son père ! Il faut que j'empêche ça !

— Une gamine pyromane, tu dis ?

— Oui, ça peut sembler fou, mais il faut que tu me croies et vite ! Si je perds trop de temps, je ne pourrais pas la sauver.

— Est-ce que tu es totalement sûr de toi ? Parce que je ne suis pas sur cette enquête et si c'est une connerie je risque gros.

— Pourquoi je mentirais ?

— Je sais pas, peut être que tu es retombé dans la boisson et que tu t'es dit qu'une petite vengeance personnelle ne ferait pas de mal ?

— Je... Non. Sylvie. Écoute-moi. Tout ça, c'est derrière moi. Je t'en prie j'ai vraiment besoin de toi, tu sais bien que sinon j'aurais eu recours à quelqu'un d'autre ! »

Un silence accueillit cette dernière réplique. Seule la respiration de la femme trahissait encore sa présence à l'autre bout du fil. Elle réfléchissait. Vincent ne pouvait pas lui en vouloir. Pourtant il avait envie de lui hurler de se dépêcher.

« D'accord. Tu es où ? Au commissariat ?

— Oui.

— Mets-toi en route je ferai en sorte qu'il soit prêt lorsque tu arriveras. Donne-moi toutes les informations maintenant... »

Tandis que Vincent s'exécutait tout en prenant le chemin de sa voiture et en faisant signe à Romane Lesly — une femme avec qui il faisait parfois équipe de le suivre — Lecompte découvrait l'une des cellules du bâtiment policier.

Ce fut à ce moment-là que la subjectivité du temps le toucha, bien qu'il n'en ait jamais entendu parler. Le capitaine Richards avait passé seulement quelques minutes au téléphone, minutes qui semblaient couler entre ses doigts comme du sable fin. L'amnésique avait été enfermé durant la même période et avait déjà l'impression d'être dans l'étroite salle depuis des années, les secondes s'étaient, pour lui, cristallisées en heures...

Depuis son fameux réveil, il n'avait jamais été habitué à cela : le silence, le manque de divertissements, l'absence de distractions. En effet il lui suffisait de jeter un coup d'œil par la fenêtre pour que des vies s'étalent devant lui dans tout ce qu'elles avaient de complexe et passionnant. Mais seul, face à son miroir il était contraint de se réfugier dans son esprit. Or ce dernier était quasiment neuf. Deux mois d'existence, un grain de poussière. Rien ne l'inspirait. Rien ne l'intéressait. Une impression affreuse saisit alors l'homme. Celle de disparaître.

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant