Chapitre Trentième

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Nicolas commençait sérieusement à s'inquiéter pour Vincent. Il était censé rentrer deux jours auparavant, mais l'amnésique n'avait reçu aucune visite. Pire le policier ne répondait plus à ses appels ni à ses SMS, il semblait avoir éteint son téléphone. De point de vue de Lecompte il était plus que probable que l'agent ait fait une connerie, et pas une petite. En effet la dernière fois qu'il lui avait parlé il était en pleurs et lui narrait ce qu'il considérait comme l'un de ses plus gros échecs professionnels. Avant d'ensuite couper toute communication avec lui et disparaître...

La seule chose qui empêchait Nicolas d'appeler la police pour déclarer son ami disparu était le début de compréhension de la nature humaine qui se faisait en lui. Il commençait à connaître son ami. En d'autres termes, il avait envisagé l'idée que Vincent ne veuille tout simplement pas le voir parce qu'il ne se sentait pas d'être passé aux rayons x. Mais deux jours... c'était long. Aussi le blessé avait pris la décision de passer ce fameux coup de fil au commissariat s'il ne recevait pas de nouvelles le jour même. S'il avait à passer ce coup de fil, il espérait qu'il ne serait pas trop tard.

Il commençait à pouvoir bouger les bras un peu plus librement et à reprendre de la force dans les jambes. Certes il ne pouvait pas vraiment marcher seul sans risquer une rencontre peu amicale avec le sol, mais c'était déjà ça. Les médecins et Rémi n'avaient pu cacher leur surprise face à ce rétablissement rapide. Ses tissus semblaient se réparer plus vite que ceux de ses pairs. D'ailleurs, la docteur Lorenz avait mentionné l'idée de faire des tests sur son sang pour déterminer ce qui lui permettait de se remettre aussi vite.

On lui avait annoncé que s'il continuait sur cette lancée il serait possible qu'il quitte l'hôpital dans à peine un mois. Nouvelle qui l'avait forcément mis en joie. Aussi se donnait-il d'autant plus de mal lors de ces séances de rééducation. Quitter ces murs vides lui ferait le plus grand bien. Il en était aussi persuadé.

Mais un sentiment étrange avait commencé à l'habiter alors qu'il faisait face à cette salle d'un blanc immaculé. Une sensation dérangeante de déjà-vu. L'impression d'avoir été dans la même situation auparavant, mais avant son réveil... à chaque fois qu'il tentait de chercher en lui-même plus de détail sur cette illusion son cœur s'accélérait, et cela le faisait d'autant plus paniquer. Jusqu'à présent, son passé n'avait été qu'une masse noire, un rien infini sur lesquels il lui était inutile de se pencher. Seulement maintenant qu'il semblait y avoir quelque chose et il en était terrifié. Une idée lui était venue à l'esprit et elle n'était pas agréable :

Il avait perdu la mémoire pour une raison.

Il ne savait pas vraiment comment il en était arrivé à cette conclusion, il se souvenait juste de l'instant où l'hypothèse avait germé. Au moment où il avait entendu les larmes de Vincent à l'autre bout du fil. Au départ, il avait juste pensé que c'était parce que son ami pleurait que cette sensation l'avait assaillie. Mais il se rendait bien compte que ce n'était pas cela. Que ces larmes avaient trouvés un écho quelque part au fond de lui, dans ce fond que tout le monde avait tenté d'explorer, de faire revenir à la surface. Même lui, animé par le désir de ne pas décevoir ceux qui s'échinaient à l'aider.

À présent il n'était plus sûr de rien. Il aurait avec plaisir regagné le confort de l'ignorance.

Quelques coups frappés à la porte de sa chambre le sortirent de ces troubles pensés.

« Entrez ! » lança-t-il.

Pour la plus grande joie de Nicolas, ce fut Vincent qui apparut derrière la barrière de bois, un petit sourire désolé sur les lèvres. Sourire qui était accompagné d'un long discours interne où il s'excusait de ne pas être venu plus tôt. : « Je suis vraiment désolé, je pense que tu peux lire à quel point, mais j'aime le préciser quand même. Je suis conscient que pour toi non plus ces derniers jours n'ont pas été agréables. J'avais besoin de temps seul et c'était un peu égoïste de ma part ... »

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant