Chapitre Quatorzième

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Vincent ouvrit difficilement les yeux et s'étira de tout son long. À quelques centimètres de son oreille sur la table de nuit son réveil travaillait ardemment. L'inspecteur s'assit tant bien que mal au bord de son lit et désactiva l'alarme. Il avait l'impression d'avoir fermé les yeux à peine cinq minutes alors qu'il venait de passer plus d'une douzaine d'heure dans les bras de Morphée. Richards se leva avec peine attrapant au passage son téléphone portable. Après un rapide visite par la salle de bain pour faire sa toilette et s'habiller il descendit les marches menant à la cuisine. Le message de Nicolas le rassurait, lui apprenant qu'il se trouvait en cours, sans plus de précision.

Vincent devait avouer que cette information le surpris quelques peu. Lecompte demandait également de ses nouvelles et des nouvelles de l'enquête. L'inspecteur ne pouvait partager les informations relatives à une telle enquête par message ni par téléphone sans être là pour expliquer à son acolyte comment tout c'était passé. Il fallait aussi qu'il voit son ami pour lui demander ce qu'était ces fameux « cours ». Il ne pouvait perdre son temps en passant un appel trop long, surtout que l'affaire n'était pas encore bouclée et qu'il avait du travail devant lui.

Le policier démarra sa voiture cherchant un créneau horaire pour rencontrer l'amnésique. Certes il avait plusieurs jours de congés à rattraper, mais il était habité par la hantise d'abandonner l'enquête, elle avait mis tellement de temps à démarrer qu'il avait peur que les indices arrêtent d'affluer si il ne la résolvait pas au plus vite. Il doutait de pouvoir se libérer avant que le meurtrier finisse derrière les barreaux. Cela ne lui plaisait pas. Il savait que Nicolas était plongé dans une certaine solitude de part son habilité qui était plus un handicap qu'autre chose et son réveil soudain dénué de souvenir au milieu de Paris... Il se débrouillerait pour trouver quelque chose pour lui.

Alors qu'il était à l'arrêt, attendant patiemment qu'un feu de circulation se décide à passer au vert la radio qui parlait jusqu'à présent dans le vide attira son attention. Le speaker venait de saluer tout ses auditeurs en donnant la date et l'heure comme à son habitude. Mais si l'heure n'était pas une surprise pour Richards la date était un autre problème. Aujourd'hui Gabriel fêtait ses sept ans...

Ce fût l'automobiliste derrière lui, sans doute lassé d'attendre, qui le ramena à la réalité par un coup de klaxon. Il avait totalement oublié l'anniversaire de son fils. Se traitant de tous les noms il se gara de travers, dès qu'il aperçut une place libre, pour envoyer un message à sa femme, lui demandant quel cadeau il pourrait offrir à son fils. Il savait que ce SMS trahissait le mauvais père qu'il était, il n'avait simplement pas d'autre option. L'inspecteur reprit la route avec un sentiment de honte grandissant dans le fond de la gorge. Il adorait ses enfants, réellement. Il faisait tout pour les protéger et avait envie de les voir réussir et s'épanouir. Pourtant il n'y arrivait jamais. Malgré tout ses efforts il finissait toujours pas privilégier son travail... Il se promit d'acheter le meilleur cadeau possible à Gabriel et de lui rendre visite en fin d'après-midi. Le policier était conscient que cela ne rattraperait pas son absence, il n'arriverait jamais à acheter ses enfants... Mais il n'avait pas d'autres solutions. En attendant il avait une enquête à finir. Il ne parvenait peut être pas à leur montrer qu'il les aimait, mais il les protégerait. Et tant que le fou furieux qui c'était mis à assassiner des enfants n'avait pas été arrêté il n'aurait pas l'esprit tranquille.

C'est avec cet argument qu'il tenta de se convaincre qu'il agissait pour ses enfants alors qu'il se garait sur le parking du commissariat.

Ce fût sans doute le même mensonge qu'il se répéta lorsque Camélia, la nouvelle hackeuse de l'équipe lui annonça qu'elle était parvenue à remonter la piste des photos postés. En effet le tueur avait, semble-t-il, cherché plus de reconnaissance auprès du public. Il avait donc mis en ligne les photos sur divers forums. Camélia avait réussi à empêcher leurs propagations puisqu'elle avait immédiatement été mise au courant de leurs arrivées sur le net. Seulement ce n'était pas ces nouveaux posts qui l'avaient mit sur une piste. C'était une erreur plus idiote. Le criminel avait bien pris soin de masquer ses traces sur presque tous ses posts. Seulement sur l'un des forum il avait utilisé un compte personnel crée plus de deux ans auparavant. Et même si ce dernier semblait être d'origine russe le dernier signal qu'il avait émit était au cœur du treizième arrondissement. Si l'inconnu y avait accédé de son téléphone il aurait été quasiment impossible à attraper, mais c'était depuis un cyber qu'il s'était connecté. L'informaticienne pensait qu'il ne tarderait pas à se rendre compte de son erreur.

En effet l'homme avait été assez intelligent pour créer une dizaine de faux compte sur des forums et sites aux nombreux adhérents et rester tout de même intraçable. Tout laissait à penser qu'il avait oublié de se déconnecter de celui qui l'avait trahis, ou tout simplement que la déconnexion n'avait pas bien marché. De plus le fait qu'il se soit connecté depuis un cyber signifiait qu'il s'était préparé à être percé à jour. Autrement dit en plus de l'écran de fumée virtuel il en avait ajouté un réel. Car les recherches plus poussés de Camélia mirent en avant le fait qu'il avait toujours accédé à son compte depuis des ordinateurs publics aux quatre coins de la capitale. Cela montrait qu'il connaissait bien la ville mais surtout qu'il se savait observé. Vincent avait l'impression d'être à deux doigts de mettre la main sur l'enfoiré qui mettait sa carrière et sa vie privé en danger une nouvelle fois. Si bien que l'anniversaire de Gabriel ne lui revint en mémoire que tard dans la soirée lorsque sa femme l'appela pour lui demander si il ne comptait vraiment pas venir féliciter son fils...

Alors que Vincent prenait la route pour visiter le Cyber qui avait été repéré, laissant à Romane le soin de se rendre dans l'église que fréquentaient les victimes pour poser des questions Nicolas installait son ordinateur portable dans l'amphi où prenait place son cours de géographie. Il n'avait pas bien dormi, pour ne pas dire pas du tout, et avait l'impression que son travail n'avait servi à rien. En face de lui Mme.Lois prenait place. C'était la seule professeur plus jeune que lui et elle lui avait avoué que cela lui faisait bizarre tout en précisant qu'il n'était jamais trop tard pour apprendre. Elle lui avait prêté des livres, des annales, et lui donnait régulièrement du travail supplémentaire pour l'aider à progresser. Comme la plupart des adultes elle avait pris en affection son air un peu perdu. Mais surtout voir une personne de cet âge suivre ses désirs au lieu de se fondre dans la masse était rafraîchissant. Il n'était sans doute pas le seul à vouloir reprendre des études, d'autres personnes s'étaient trompés de voie avant lui mais une fois qu'ils s'y étaient engagés il n'avait pas su admettre leurs erreurs. Lui arrivait, humble, conscient de ses faiblesses de son retard et assumait tout cela sans honte. Beaucoup l'enviait dans le corps enseignant se l'admettre.

Pourtant cette fois Nicolas n'était pas aussi concentré qu'il avait l'habitude de l'être sur les explications de la femme. Il n'avait toujours pas reçu de réponse de Vincent et sans savoir pourquoi cela le touchait. Depuis qu'il l'avait aidé à identifier Rose comme coupable dans l'affaire Terno leur relation avait rapidement évolué. C'était la première et la seule personne qui avait fait l'effort de passer du temps avec lui tout en se sachant constamment exposé, si on excluait le corps médical qui s'intéressait à lui pour d'autres raisons....

Face à ce silence le nouvel étudiant ne savait pas comment réagir. Il se demandait si il était en faute. Mais aucun moyen de le savoir sans le demander directement à l'intéressé. Il n'avait jamais eu à interpréter le comportement d'autrui, en l'ayant sous les yeux il comprenait le moindre de ses faits et gestes. Il n'était pas sûr d'apprécier le sentiment d'incertitude qui s'emparait de lui. Après une petite hésitation il décida tout de même de renvoyer un message pour demander si il avait fait quelque chose qu'il ne fallait pas. À peine avait-il levé les yeux de l'écran de son téléphone qu'il croisa le regard réprobateur de la géographe.

L'élève fit un sourire désolé et rangea l'appareil électronique. Les téléphones étaient en théorie interdit en cours même si tout le monde les utilisait. Nicolas avait lu le règlement intérieur en détail. Contrairement aux autres jeunes il n'était pas habitué à ce qu'on lui répète les même chose depuis le primaire. Son voyage en prison lui avait appris que certains actes étaient interdit sans qu'il le sache. Et le traumatisme engendré par ce voyage dans la cellule grise avait laissé une marque importante dans son esprit. Il ne voulait pas y retourner...

Ses pensées retournèrent à Vincent. Le fait qu'il avait encore beaucoup à apprendre de la nature humaine était évident. Il se promit de questionner Atsuko lors de leurs prochains déjeuner à ce sujet. Ces derniers temps il s'était beaucoup rapproché d'elle et devait avouer qu'il lui devait une fière chandelle. Tout comme Richard elle participait à sa ré-insertion. L'homme pensa qu'il devait se les présenter un jour, sans doute s'entendraient-ils à merveille...

Le réveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant