Chapitre Trente-troisième

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Vincent ferma doucement la porte derrière lui. Dans son lit le malade dormait encore profondément, il n'avait pas remarqué l'intrusion du policier et ronflait doucement. L'intrus resta un moment sans bouger, il entendait les pas se rapprocher ; on l'avait vu. Il fallait qu'il se cache. Sans vraiment réfléchir, il se jeta sous le lit de l'hospitalisé, ses pieds venaient à peine de disparaître quand une femme ouvrit la porte.

L'infirmière resta un moment dans l'encadrement de la porte, ses yeux semblaient chercher quelque chose dans les ténèbres. Et ce quelque chose était Vincent. Ce dernier se faisait la réflexion que s'il venait à se faire prendre il serait certain de se retrouver sur son lieu de travail le lendemain, mais dans une cellule. Il retint son souffle et supplia intérieurement la femme de faire demi-tour, ce qu'elle fit effectivement après un moment d'hésitation.

Alors que le rayon de lumière s'amincissait, à mesure que la porte se refermait, Richards inspira doucement. Il n'était pas passé loin... Les bruits de pas s'éloignèrent, mais il resta encore un moment sans bouger. Lorsque la lueur qui passait dessous la porte disparue, il s'extirpa de sa cachette et regagna le couloir. Le malade ne s'était pas réveillé.

Vincent parcourut les derniers mètres qui le séparaient de la chambre de Nicolas avec une infinie précaution. Il y entra enfin avec l'impression satisfaisante d'atteindre une zone sécurisée dans un jeu vidéo particulièrement dur.

À sa grande surprise, Nicolas ne dormait pas. Assis sur son lit un livre à la main, il le dévisageait, l'incompréhension peinte sur son visage.

« Vincent ?! s'exclama-t-il.

— Lui-même. Content de voir que tu vas bien.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je suis venu parler.

— Ça ne pouvait pas attendre demain matin ? »

Le policier ne put réfréner un sourire. Cette phrase trahissait l'adaptation de Nicolas au monde qui l'entourait. Une semaine auparavant, l'amnésique n'aurait même pas compris ce qu'il y avait d'étrange à ce que Vincent se présente dans sa chambre à une heure aussi tardive.

« Tu peux le dire si je te dérange, répondit-il avec un sourire dans la voix.

— Non... je... non. Bien sûr que non, tu ne me déranges pas. C'est juste que... Enfin, tu comprends, maintenant que je ne peux plus lire dans les gens, je ne sais pas trop ce qu'il se passe...

— Ne t'en fais pas pour ça. Je te taquine. Cela dit, je suis vraiment venu pour parler, et j'ai bravé tous les dangers de cet hôpital pour ça, donc il faudrait vraiment que cela soit utile.

— Les dangers ?

— Je t'expliquerai, là tout de suite je préfère qu'on aborde un autre sujet qui va beaucoup moins te plaire : tes souvenirs. »

La grimace du blessé parlait pour lui. Il n'avait pas envie d'en parler, il avait peur d'en parler, il suppliait Vincent de ne pas l'y obliger. Et Vincent reçut en pleine face cette détresse. Il hésita un moment sur la conduite à adopter. Il devait résoudre le mystère Nicolas, il n'avait jamais été si proche d'y parvenir et il avait la conviction que cela l'aiderait à aller mieux. D'un autre côté, il n'était pas persuadé que cela soit bénéfique à Lecompte.

« Pourquoi ? demanda Nicolas après un temps.

— Parce que... si on veut aller de l'avant, et par on je veux dire toi et moi, même si je ne suis pas forcément sûr de ce que je dis, je pense qu'il faut qu'on règle ce problème de ton origine. J'ai mis un certain à accepter l'idée que tu viennes d'un autre monde, mais je ne suis plus à ça prêt, vu le nombre de films et de livres sur le sujet je suppose que forcément cela doit exister. Donc tu es l'envoyé d'un autre univers, certes, tu ne dois pas être le seul. Mais le fait que je dois savoir d'où tu viens pour continuer à vivre. Je sais que ça paraît bizarre... même un peu stupide. Mais tu es arrivé dans ma vie à un moment où elle était au plus bas et je ne peux pas m'empêcher de voir cela comme un signe, je pense que tu vas m'aider à me relever, et je pense que je dois t'aider pour ça avant.

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