Chapitre XIII.4

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XIII — L'homme habité dans la ville inhospitalière

Musique : "hard liquor" de SOHN.

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[Alek prend un train qui le mène, lui et les fétauds, jusqu'à l'ouest du continent. Il leur paie le trajet à bateau jusque sur le continent des vampires et leur donne même une carte chargée avec ses économies, le temps qu'ils trouvent du travail. Il reprend ensuite le train en partance pour le complexe éducatif.]

 Alek s'accouda sur le comptoir du bar de la voiture-restaurant. Tout dans ce train inspirait le luxe. Du mobilier en bois massif à la banquette d'un vert émeraude qui offrait un siège moelleux aux passagers, il y avait aussi des lampes à l'abat-jour de cristal qui éclairaient toutes les deux rangés de sièges ou bien encore une moquette aux motifs royaux. Autant de détails qui donnaient un aperçu de la clientèle.

Les vieux bourgeois le dévisageaient, d'autres plus jeunes, dépliaient leurs éventails pour les femmes ou disposaient de leur haut-de-forme devant leurs bouches, dans le dessein d'estomper leurs remarques et rires moqueurs, en vain. Même les enfants qui circulaient en chahutant entre les nobles passagers l'évitaient, ou alors le bousculaient violemment sans s'excuser, les parents ne faisaient pas non plus d'effort pour s'excuser auprès de lui quand, pourtant, ils courbaient l'échine devant les autres. Cela l'étonnait, à l'accoutumée il passait très largement dans la masse humaine et, au pire, on l'aurait méprisé pour son odieuse tenue, non pour ses origines démoniaques.

Exarcerbé, il releva la tête et sur la vitre, il aperçut ses pupilles fendues de rouges. Tout s'expliquait.

Il y avait aussi autre chose parmi tout ce remue-ménage, ou plutôt par-dessus toute cette agitation. Une sorte de ruban coloré de rouge qui survolait le wagon et qui, au gré du vent, voltigeait au-dessus de la tête d'Alek. Un parfum qui l'enserrait, le maintenait prisonnier de cette obsession, otage d'une puissance inconnue qui le matait sans qu'il ne sût pourquoi. Cette présence, plus tôt dans la soirée plaisante, se faisait pesante et insistante. Il souhaitait à présent s'en débarrasser.

Il but d'un trait son verre de whisky.

Grosse erreur, il venait de céder. Quel dommage qu'ils ne mettent pas à la disposition de leurs usagers du sang.

Il en redemanda un autre.

Puis but.

Sa colère ne fuyait pas, non, elle restait tapie au fond de ses entrailles pour le tourmenter. Elle n'aimait pas faire des dommages collatéraux, elle préférait brutaliser son geôlier qui la retenait de toutes ses forces. Cet état était propice à l'introspection et cette action doloriste ne servait qu'un prétexte à cette analyse.

Ce fut ainsi que son angoisse infantile, celle de cette terre, rejaillit des abysses de son système nerveux.

Pour commencer cette haine humaine l'anéantissait. Il ne comprenait pas. Il ne saisissait pas non plus la raison qui l'incitait à éviter la côte Ouest de ce continent. Côte exclusivement habitée par les plus hautes sphères de la noblesse et de la bourgeoisie qui gravitaient autour du palais royal.

Il ne comprenait pas l'engouement des populations pour la magie, l'argent, le travail, la famille... l'amour ! Il ne comprenait pas, mais acceptait tout de même de vivre avec. La tolérance de et à la magie avait été pendant longtemps une grande ombre au tableau. Très jeune, il avait développé ce que l'on avait appelé à l'époque une 'allergie' à cette dernière et aujourd'hui, bien qu'il pût l'utiliser avec une insolente aisance, il ne la portait pas pour autant dans son cœur.

Il approfondit sa réflexion et se demanda pour quelle raison la magie bénéficiait d'une si grande attention.

Comme toutes ressources, supposées inépuisables, on justifiait son utilisation intempestive par son caractère renouvelable et son aide précieuse dans le quotidien de millions de milliards d'individus, toutes galaxies, planètes, trous noirs, passages bizarres et dimensions parallèles confondus. On avait érigé autour d'elle des principes et des fables saugrenues, à tel point que ceux qui n'avaient pourtant aucune preuve de son existence se mirent à la désirer, à chercher un substitut, à créer l'illusion ! Ces personnes, devant être des exemples pour appuyer le fait que la magie n'était qu'un accessoire bling-bling et que se contenter de l'essentiel n'était pas une pauvreté spirituelle, rendaient caduc l'argument en rêvant de cet exotisme dévastateur. Ne souhaitant pas cracher dans le potage, je concède que tout le monde ne pensait pas de cette manière chez ceux vivant loin de la magie. Néanmoins, parfois, une minorité plus idéaliste, puis fantaisiste, se découvrait une voix plus puissante que celle des majorités et finissait inévitablement pas écraser les vies périphériques. Ses minorités, se complaisant dans leur utopie biaisée, noyaient dans une constante propagande les bienfaits nocifs de leur monde adoré. Esclavagisme consentant ; partout, magie ou non, cette dernière a trouvé un alter ego qui comme elle, permet d'accéder à tout : l'argent. C'est un fait, la vie n'est pas belle, elle ne le sera jamais et quoique l'on pense pouvoir améliorer les choses, un élément étranger, dont nous ne connaissons pas l'existence, finit par surgir pour réduire à néant un semblant de conquête.

Une vie, même immortelle, n'a d'influence que sur la déchéance du monde.

Incapables, ni moi, ni mon collègue Aryos [dieu lamia, doué de la télépathie], de suivre le raisonnement du démon, nous avons pris la liberté de sélectionner le morceau le plus important et d'appuyer la solennité de la réflexion.

Il ne comprenait pas le comportement, les pensées et les paroles de ceux qui constituaient le monde, néanmoins, il l'entendait lui, le monde.

Et c'était d'une richesse inestimable.

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J'ai, en effet, eu du retard avec ce morceau de chapitre et je m'en excuse, mais si vous êtes intéressæ par une histoire interactive, j'ai posté la mienne. (PASSION FANTOMATIQUE)

Le prochain chapitre ne sera peut-être pas posté avec le mois d'août.

AnasgallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant