Chapitre XVIII.1

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XVIII - Prise sous leurs ailes

Musique : "Warrior" par Beth Crowley.

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[...]

Incrédule, elle fixait le fameux Garry qui l'avait veillée jusque-là et dont Loren lui avait parlé. La peau de son visage semblait simplement venir recouvrir ses os pour mouler au plus près la structure osseuse, ce qui ne venait pas pour autant atténuer son charme. Une naissante barbe délaissée ajoutait quelques pics sur cette face d'un brun boisé et ses cheveux, taillés au plus près de son crâne, dessinaient très nettement la frontière entre son visage et le cuir chevelu. Son physique attirait le regard d'Anna comme lors de son premier contact visuel avec Hercule, il émanait de cet être, tout comme du demi-dieu, une étrange aura de puissance. Jusqu'alors, elle avait pensé que cet émerveillement était provoqué par la partie divine, mais à cet instant tout s'éclairait : elle désirait. Pas ce même désir ardent qui saisit les jeunes amoureux, dissipant leur retenue et leur intelligence, non, celui des grandeurs qui rend les jeunes effrontés aveugles et obnubilés par des promesses de gloire.

-Allez, dépêche-toi ! » Ordonna-t-il en sortant de l'infirmerie.

Oubliant le masque de douleur qui recouvrait son visage, Anna s'élança à la poursuite de l'homme. Ils traversèrent ensuite un long corridor richement décoré. Anna tourna la tête vers les baies vitrées qui donnaient sur la mer et les premiers rayons enveloppant le port en activité. Plus de doute possible, elle se trouvait bel et bien dans une de ces villas et, en prime, elle avait dormi toute la nuit, elle ne rentrerait jamais à temps à l'internat.

Ils bifurquèrent ensuite pour s'enfoncer dans les entrailles de la demeure. Le paysage se fit alors de plus en plus désuet et le ménage négligé.

Le prénommé Garry s'arrêta bientôt devant une porte, l'ouvrit et l'invita à rentrer. C'était une petite pièce dont les rideaux avaient été tirés pour qu'une lampe à la lumière éblouissante vînt à bout des ténèbres. Le mobilier, disséminé au petit bonheur la chance, jonchait le sol de la pièce comme les obus sur un champ de bataille. De nombreux hommes, à l'apparence toujours plus extravagante d'un individu à l'autre, étaient avachis, accoudés ou assis sur les ruines de la salle. Pour atténuer la dureté du bois, d'épaisses couvertures recouvraient des buffets ainsi que des commodes pour qu'ils fussent confortablement installés dessus. Certains étaient adossés aux murs desquels le papier peint de mauvais goût s'effritait. Du raisin attendait dans une coupe entourée de bouteilles d'alcool qui, elles, semblaient se vider à vue d'oeil.

« C'est elle ? Demanda un homme allongé de tout son long sur une épave de bois et qui fixait, à travers sa tignasse fournie, la nouvelle venue.

Celui-ci ne daigna pas redresser sa tête, qui reposait sur ses bras croisés, lorsque Garry répondit à l'affirmative.

-Y'a p'te du potentiel, t'as raison.

-Oh ma pauvre ! Regarde-moi ce minois tout abîmé, remarqua un autre homme à la longue chevelure beige qui s'avança vers la fille avec une moue empathique.

Il apposa délicatement ses deux mains sur le visage d'Anna comme pour l'ausculter, puis passa son pouce sur une des nombreuses breloques tranchantes qui pendaient à sa longue tunique crème. Il traça ensuite une ligne carmin sur la lèvre inférieure de la jeune femme qui, plus par instinct que par réel envie, fit disparaître le sang d'un coup de langue. La douleur s'en alla aussitôt, emportant par la même occasion les blessures qui zébraient son visage pour laisser une peau lisse et sans imperfection, même la cicatrice qu'elle avait sur le genou suite à une chute à bicyclette ne fut plus qu'un vilain souvenir. En une fraction de seconde, elle venait tout simplement d'être guérie de tous les maux qu'elle portait jusque-là, en contrepartie, une soudaine impression d'éreintement l'envahit. Sa tête lui tournait et ses jambes ne purent supporter davantage son poids. Celui qui venait d'accomplir ce miracle, l'aida à se maintenir sur pied et la conduit jusqu'à un bureau, le seul meuble qui répondait à sa fonction première aux vues des nombreux dossiers posés dessus, et l'y fit grimper.

AnasgallaWhere stories live. Discover now