Chapitre XVII.1

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XVII - Soif de puissance, en dehors des limites de la loi

Musique : "This is the hunt" par Ruelle.

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[...]

La réponse ne tarda pas. Anna se jeta aussitôt sur l'appareil émettant des vibrations. Elle espérait profondément obtenir des informations concluantes.

Sur le continent démoniaque, à Arkan. Sur les docks, dans un entrepot 'Le demi-lune pacifique'. C'est pas une super couverture, je te l'accorde. Dis que tu viens de la part de Garry, 75B09C (si on te demande plus d'info').

Un large sourire barrait son visage, elle venait de faire un pas vers son but. Elle commença à formuler des remerciements quand un autre message l'interrompit :

J'avais dit que mon num' ne devait servir qu'une fois e_e Bref, va jeune intrépide !

L'adolescente se dissuada de continuer d'écrire, ce n'était certainement pas lui qui allait lui tenir rigueur d'une telle absence de considération pour son geste. Au contraire, il paraissait même tout faire pour oublier leur précédente rencontre. En y réfléchissant bien, Anna comprenait aisément les raisons qui le poussaient à rompre tous contacts, vu le caractère clandestin de ses activités, ce qui était plutôt dommage vu qu'il faisait visiblement un bon consultant.

Ces renseignements en poche, elle s'empressa de fourrer les provisions, qu'elle avait subtilisées au réfectoire, dans son sac à dos et d'enfiler une grosse veste. Anna quitta sa chambre et emprunta l'issue de secours. Si tout se passait pour le mieux et que personne ne vînt troubler son supposé rétablissement, elle disposait de la nuit entière pour se rendre à l'adresse confiée, procéder à un repérage et revenir comme si de rien n'était.

Le soleil le plus proche de la planète commençait doucement à disparaître de l'autre côté de l'horizon, lorsqu'elle s'enfonça plus profondément dans l'obscurité.

Le trajet en train fut rapide, le campus ayant la chance de se trouver près des côtes nord. De là, Anna put prendre un relais maritime pour Arkan, la plus grande ville portuaire, ou la seconde, selon qu'Agushia la dépassait ou non. Et c'était ainsi pour tous les domaines dans lesquels les anges et les démons pouvaient entrer en concurrence. Ainsi, plusieurs types d'extraction échappaient à leur concurrence insensée. De même pour l'agriculture, les terres angéliques étant, comme celles des démons, infertiles pour les produits consommables à l'international. Cependant, les anges, pour pallier leur manque de compétitivité dans ce secteur, se chargeaient de racheter des monceaux de terres sur les autres continents. Par ailleurs, ils se montraient quelque peu, pour ne pas dire totalement, hypocrites en exploitant secrètement les grandes terres de l'Est, propriété exclusive des premiers habitants et terres inaccessibles pour quiconque, même pour les détenteurs de ces fiefs trop inhospitaliers et dangereux - selon la version officielle ! Pourtant, il n'en était rien et malgré quelques remarques lancées lors des réunions à ce sujet sur la surveillance accrue du continent et sur les puissants sorts étrangers à leur nature, la discussion était automatique clôturée.

Personne n'ignorait que cela n'était plus qu'une question de temps avant qu'un conflit armé vînt bafouer les traités. Se disputer ces terrains se trouvait être capitale pour plusieurs peuples, mais d'autant plus pour les elfes qui réclamaient cette terre pour y installer les vampires et ainsi récupérer le nord de leur territoire. Les accords se faisant plus anciens de jour en jour, ils emportaient avec les années le respect accordé aux anges pour leur hospitalité, et cette chute précipitée par les elfes pointait le bout de son nez, mais on attendait encore de voir le regard de l'adversaire avant de se jeter sur lui. Contempler la rage de la défaite et l'humiliation dans ce miroir de l'âme plaisait aux bourreaux.

[...]

L'embarcation s'immobilisa au bout d'une heure de traversée. La soirée commençait à peine quand elle s'extirpa de la banquette en mauvais état et rejoignit l'air marin ainsi que le bruit des vagues qui régnaient au-dehors.

Anna suivit la foule jusque dans la petite office dont l'éclairage intrinsèque inondait le port. Elle en profita pour se renseigner sur les horaires de départ puis elle sortit.

Elle atterrit par la suite dans la ville même. Une grande promenade surélevée cerclait la côte est de la ville, permettant aux passants d'observer la mer déchaînée, les bateaux s'adonnant à un rodéo sur les furieuses vagues et les douces lumières provenant des îles les plus proches.

Elle bifurqua à gauche pour s'éloigner de la Arkan touristique et s'aventurer sur les docks encore en activité en cette heure tardive, car une place au sommet était en jeu et malgré la possibilité de ne pas travailler, il était hors de question de la servir sur un plateau d'argent à l'ennemi.

L'adolescente zigzagua entre les multiples rangées de conteneurs qui traçaient des allées très peu éclairées sur le port. Très vite, des entrepôts entrèrent dans son champ de vision, mais elle n'y prêta pas immédiatement attention. Ce fut lorsqu'elle comprit qu'ils portaient des noms, qu'elle se rapprocha de la grande allée où s'agglutinaient ces grandes bâtisses dont la peinture blanche peinait à s'accrocher à la matière à cause de l'atmosphère saline.

Elle parcourait avec soin les différentes enseignes plus ou moins simples à déchiffrer et entreprit ses dernières recherches. Elle eut droit à un défilé de logos tous plus étonnants les uns que les autres, dont certaines appellations lui étaient étrangères et ne lui inspiraient nullement confiance. C'était le cas de cette sirène, affublée de dents pointues et acérées qu'un sourire aguicheur dévoilait, tournant le dos aux spectateurs et qui de ses monstrueux yeux captaient leurs regards pour les inviter à le faire glisser sur son épaule de laquelle elle délogeait la brettelle de son soutien-gorge noix de coco. Il n'y avait pas de doute possible, Anna foulait bien cette terre de débauche et de vices dirigée par les démons. Néanmoins, l'atmosphère particulière, qui y régnait, empêchait les visiteurs de s'outrer face à ce manque de pudeur, au contraire, il y avait un charme à pénétrer dans l'inconnu, dans l'interdit, qui révélait d'une certaine manière les désirs enfouis. Le lieu captivait donc Anna, réveillant ainsi ses plus vils instincts. S'ensuivit une ribambelle de panneaux lubriques allant de la simple bouteille de champagne - produit exclusivement distribué par les démons - dont la mousse s'échappait du goulot ou de la danseuse de french cancan levant sa jupe à froufrou pour dévoiler une peau seulement couverte d'un tatouage de requin.

La devanture de l'entrepôt qu'elle cherchait ne dérogeait pas à la règle et comme l'avait spécifié l'informateur, la couverture laissait à désirer d'autant plus que le nom de la société entrait en contradiction avec le logo de marque. Ainsi un poisson, un demi-lune de fait, toutes nageoires dehors s'approchait de sa dame aux écailles roses dont l'expression lascive s'intensifiait après sa victoire sur son rival. En effet, les extrémités des nageoires du mâle étaient colorées de rouge et ce n'était sûrement pas sa couleur naturelle.

De loin, elle aperçut sous la lumière aveuglante d'un lampadaire des silhouettes baraquées entrer dans le bâtiment. Elle s'élança à leur poursuite, mais un jeune garçon, possédant des yeux noirs fendus d'une pupille féline de couleur vive, l'obligea à s'arrêter. Une forte odeur de poisson s'échappait de ses modestes vêtements et son béret camouflait des cheveux abîmés par l'eau de mer. Ce petit être dégageait une tension malveillante et, pendant un instant, Anna se demanda si ce Loren ne s'était pas payé sa tête.

« C'est la preumière fois que j'vois vot'e tête. Combat femme ou misst' ?

-Euh... combat ? Répéta-t-elle sous l'oeil exacerbé du bambin. En fait, je suis là pour Garry, 75B09C.

-Femme ou misst' ? Redemanda-t-il impassible, sa langue de serpent ondulant entre ses lèvres.

La jeune femme, que la suspicion gagnait peu à peu, choisit ce qui lui semblait être la facilité, faisait fi de ces principes pour préserver sa vie :

-Femme. »

Le garçon hocha la tête et lui empoigna la main pour lui tracer au marqueur l'inscription suivante : « F1029 ». Puis il lui indiqua du menton la porte entr'ouverte de l'entrepôt dans lequel elle se faufila aussitôt.

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C'est bon, on est totalement passé.e dans le côté dark du récit ! En tout cas, ça sent pas bon, des théories ?

AnasgallaWhere stories live. Discover now