Anasgalla

Chapitre XVI

XVI — Courir pour trouver, courir pour échapper

Musique : "Final Refugium" par ProtoU & Hilyard.

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 [...]

« J'aurais pas dû passer la nuit avec Mélanie, j'suis encore plus mal.

Le démon, dans les vapes, une main contre le mur en face de lui, se cambra au-dessus du lavabo sous le coup d'une violente force intérieure et vida le contenu de son estomac. Une gerbe de sang vint colorer le blanc du lavabo qu'un filet carmin s'échappant de ses lèvres venait alimenter. Ce dernier toussait et poussait des couinements de douleur, des larmes rosées perlaient au coin de ses yeux.

Sylvius avait conduit l'ange près de son ami, lorsque la vue du démon l'avait inquiété. D'un signe de tête, il indiqua à la gent féminine de sortir. Anna, les yeux rivés sur cette fresque sanguinolente, fut tirée mollement par son amie qui avait pâli aussi sec.

Damian entra dans une des cabines et s'empara de plusieurs feuilles de papier.

—Je vais mourir, chouina Alek tout en jetant un œil à la chambranle pour s'assurer que personne ne l'espionnait.

Il cessa de retenir ses larmes et bientôt ce fut de limpides perles qui s'échappèrent de ses deux globes apeurés.

Une nouvelle quinte de toux le cueillit et le lavabo se remplit davantage. Il flancha un moment, ses jambes se dérobèrent sous son poids.

Ses genoux et le sol s'entrechoquèrent, provoquant un bruit sec, et ses mains s'accrochèrent au rebord du lavabo. Son ami s'accroupit et essuya le liquide gluant et rouge qui maculait ses lèvres et son menton, comme si la maladie s'était amusée à appliquer son rouge à lèvres sur lui à la manière d'un clown.

—Mais non voyons ! Ecoute, je vais t'emmener voir l'infirmière, ce n'est plus possible !

Une crise de tremblements s'empara de son corps affaibli. Damian passa ensuite les feuilles rêches sur ses joues pour effacer toutes traces d'abandon. Il apposa ensuite une main sur le front du malade et le constat lui arracha un hoquet de stupeur.

—Tu crois que c'est possible d'avoir de la fièvre dans l'autre sens ? Tu es... gelé !

Il l'aida ensuite à se remettre sur pied mais le jeune homme ne parvint pas à se maintenir dans cette position. Son camarade fit alors glisser son bras au-dessus de ses propres épaules pour le faire marcher jusqu'au bâtiment principal pour qu'il eût accès aux soins dont il avait visiblement besoin.

—Non, non, répéta lentement Alek. Je fais cette dernière journée de cours et après, promis, j'appelle ma mère.

Un regard horrifié se braqua sur lui :

—Mec, on a sport aujourd'hui ! »

[...]

Un épais brouillard planait au-dessus de la plaine à l'arrière du bâtiment principal. Tous les élèves des différents niveaux se réunissaient en cette matinée pour courir ce fameux cross. Même si les premières du cursus magique n'avaient pas de cours d'éducation physique et sportive, cela ne les dispensait pas des trois compétitions annuelles : la course à pied, le relais de natation et le tournoi de ping-pong ! Chaque année organisées dans un ordre différent.

Aujourd'hui c'était donc l'amour de l'endurance et de la course qui habitait les jeunes gens agglutinés sur la pelouse rendue glissante par l'humidité ambiante.

Des silhouettes fluorescentes, qui sautillaient sur place ou faisaient mouliner leurs membres supérieurs, se découpaient sur l'écran blanc. La plupart souhaitaient donner le meilleur d'eux-mêmes pour espérer gagner, alors que d'autres se demandaient sérieusement ce qu'ils faisaient ici, dans le froid, à une heure si matinale.