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Elle était très expressive, une grimace avec sa bouche avait tiré les nerfs de son cou. 

– Des représailles ?

Instinctivement, je lançai un œil vers Sébastien, qui écoutait, concentré, sans manifester aucune émotion.

La dame était inoffensive, souriante, aimable, un peu intimidée. Sa question n'avait rien d'ambiguë, mais je luttais contre un sursaut de paranoïa.

– La mariée était tellement cinglée... Elle est en hôpital psychiatrique, maintenant ?

Là, ça devenait gênant, trop intrusif. Le genre de commère qui ne voulait pas montrer qu'elle en était une. Et, vraiment, je ne voulais pas penser à tout ça.

– Je n'ai plus aucun contact avec cette personne. En tout cas je suis touchée que l'histoire vous ait plu, je vous souhaite une bonne fin de journée.

La dame comprit que je sonnai la fin de l'échange et s'en alla après quelques salutations et flatteries. 

J'étais un peu moins sereine. La dernière heure fut un peu plus longue mais je ne refermai mon stylo que lorsque le dernier lecteur fut sorti.

Je massai mon cou et me levai.

– On peut dire qu'avec vous, ça se vend comme des petits pains, déclara le libraire, ravi par le chiffre de la journée.

Dans le taxi qui me ramenait, je songeai à des choses sans lien. J'écartai la femme trop curieuse, dès que son souvenir se manifestait. D'un côté, il fallait bien que je comprenne que de mes écrits découlaient forcément des conséquences.

Chloé n'allait plus jamais rien gâcher, non.

De toute façon, nous décollions le lendemain, loin de tout ça.

Dimitri cuisinait. Attiré par les odeurs appétissantes, je fermai mon ordinateur. La commande des nappes pour le mariage numéro 3 pouvait attendre la fin de soirée. Pour le reste, tout était calé et vu avec mon assistant.

– Qu'est-ce que tu nous prépares ?

– Curry de poulet-Coco.

Je pris place devant le plan de travail et le regardai ciseler la coriandre.

– Dis, Am', j'ai pensé à quelque chose.

J'adorais qu'il m'appelle comme ça. En plus, il avait toujours ce timbre sexy et grave quand il le prononçait. Dimitri trouvait que c'était parfait puisque c'était le début d'Amanda et d'Amour. Mon cœur de panda-licorne avait fondu.

– Oui ? répondis-je, plutôt occupée à mater la marchandise derrière le tablier.

– J'aimerais bien entendre d'autres souvenirs de tes années lorsque nous nous sommes perdus de vue.

– On s'en raconte déjà...

– Oui, mais ça pourrait devenir un rituel, chaque jour, pour décrire un souvenir marquant, même très court, jusqu'à avoir l'impression d'être resté en contact.

Dimitri ne digérait toujours pas le fait de s'être manqué de peu.

– Cool, je vais me prendre pour Shéhérazade.

Alors que le plat mijotait, Dimitri s'assit en face de moi, et je piochais dans l'un de mes souvenirs.

La cerise déconfiteWhere stories live. Discover now