16. Anguille sous roche (1/2)

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Marion et Robine ouvrirent les yeux. Comme Laura et moi, elles entendirent distinctement les voix fortes d'au moins trois hommes. Des gens d'ici à en juger par leur accent.

– Oh, putain, qu'est-ce qu'on fait ? chuchota Marion.

Tout dans la situation me fit prendre peur. Nous étions quatre jeunes femmes sans défense, peu vêtues, dissimulées dans une étable abandonnée au plein milieu de la nuit et des hommes, des prédateurs, allaient nous découvrir. Autant dire que le scénario qui s'imposa dans ma tête n'était pas des plus rassurants.

Je fouillai dans mon sac et brandis le paquet de biscuit.

– Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ? Les assommer ? siffla Marion entre ses dents pour souligner l'inutilité de mon idée.

C'était la première fois que je la voyais apeurée, et ça ne fit qu'augmenter mon angoisse.

Au pas de course, Robine et Laura s'en allèrent ramasser des rondins de bois au fond de l'étable et m'en lancèrent un. Marion se posta à droite de la porte, contre le mur.

Elle s'ouvrit. Alors Marion lança un cri de guerre et se jeta sur le dos de l'homme qui venait d'entrer pendant que Laura et moi nous apprêtions à le frapper.

– Vise les couilles !

Robine cria en chargeant.

– Yaaaa !

But... what ?

L'homme se débattait comme un aveugle, il était immense. Ses potes entrèrent aussi, neutralisant facilement notre groupe dans la pénombre de ce lieu étriqué. Il régnait une confusion totale. Soudain, Marion lâcha :

– Angus ?

Marionne ?

Elle desserra les mains autour de son cou et descendit de son dos. Les autres gars nous avaient fait lâcher nos armes de fortune en nous lançaient des « Calm down ! Pas méchant, pas méchant ! Not bad guys ».

– Putain, Angus ! Ce que je suis contente que ce soit toi !

Notre soulagement était aussi jouissif qu'un gain jackpot au Loto. Quelques secondes passèrent le temps de retrouver nos esprits. Marion s'excusait platement auprès de son amant, vérifiant si elle ne l'avait pas trop brutalisé. Il lui répondit qu'elle avait eu de la chance, qu'il aurait pu la blesser s'il ne l'avait pas reconnue à temps, et vu le gabarit de bestiau, je voyais parfaitement le tableau auquel on avait échappé.

Marion lui raconta notre problème de panne, elle sortit avec lui et ses potes.

– On a eu chaud, dis-je à Robine et Laura en ramassant nos affaires.

– Oui...

Rob était blanche comme un linge de nouveau-né (avant régurgitation, bien sûr).

– Ça va, Robine ? Tu ne vas pas tourner l'œil, dis ?

– Non, non.

– Moi aussi j'ai eu la peur de ma vie ! dis-je.

– Allons voir ce qu'ils font ! déclara Laura d'une voix bien plus assurée maintenant que le danger s'était envolé.

A peine sorties, Marion revint vers nous, avec Angus qu'elle enlaçait.

– Quelle coïncidence ! Ils venaient ici se poser avec des bières, c'est leur repaire, expliqua-t-elle.

– Et ils ont une voiture ! ajoutai-je gaiement alors qu'un des gars alluma les phares.

– Génial, peux-tu leur demander de nous ramener à l'Elysium ?

– Déjà fait.

Les deux compères d'Angus marchaient sur des œufs à chacun de leur mouvement, comme pour nous assurer qu'ils étaient inoffensifs. Le grand brun proposa même une bière.

– Non, merci, répondit Laura.

– Pliez vos bagages, les nanas, on rentre au bercail !

– Euh, vous ne préférez pas attendre le matin ? demanda Robine.

Marion, Laura et moi-même nous retournâmes vers elle, étonnées.

– Tu dis ? demanda Marion avec une ironie appuyée. On a la possibilité de retrouver l'opulence de l'Elysium, avec sa douche à jets et ses toilettes supersoniques – oh oui, des toilettes !- et tu veux attendre ?

Elle ricana sans attendre la réponse de la jeune femme et se dirigea vers le 4x4.

– Quelque chose ne va pas ? demanda Laura à la belle rousse.

Elle baissa d'un ton, histoire de ne pas être entendue du couple.

– Monter avec ces gars, est-ce prudent ? Marion connaît quoi de cet Angus ?

– Attention, je peux te livrer tous les détails ! fanfaronna l'intéressée dont les oreilles saisissaient tout.

– Je pense qu'on peut lui faire confiance, admis-je. Marion a du flair pour ces choses-là.

– On parle de son plan-cul de vacances ! s'énerva Robine. Depuis quand on connaît et confie sa confiance à un gars comme ça ?

La cerise déconfiteWhere stories live. Discover now