9. Points de vue (2/4)

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Marion, Anne et Laura s'amusaient avec des articles de la boutique du musée lorsque nous les rejoignîmes avec quelques minutes de retard.

– Enfin, vous voilà ! Enlevez les peluches des mains de Marion, cette fille devient folle quand elle doit attendre ! dit Laura.

– Si on ne peut plus s'amuser, affirma Marion en dénouant de son cou la peluche ouistiti. Vous avez perdu le playboy ? Yoyo, tu restes pourtant fixé à ses basques !

– Dimitri a fait la visite de son côté.

Laura me regarda d'une manière qui voulait dire « est-ce qu'il y a de l'eau dans le gaz entre vous ? ».

– Appelle-le.

Je sortis mon téléphone et constatai qu'il avait laissé un message vocal. Je n'eus pas le temps de l'écouter que Dimitri franchit les portes du musée.

– Tu ne nous avais pas dit de s'attendre dehors ? demandai-je avant de l'embrasser.

– Je t'ai laissé un message. Je n'ai pas eu le temps de visiter, j'ai dû repasser par l'Elysium, Robine m'a appelé, j'avais oublié le bon de réservation pour l'activité de demain.

– Ah bon ? Mais ça t'as pris du temps !

– Y'a déjà quarante minutes pour faire l'aller-retour. Ça ne valait pas le coup de revenir pour rien voir, je me suis posé vingt minutes dans la chambre et je suis reparti.

Le savoir seul avec elle n'aida pas ma jalousie.

Calme-toi, Amanda. C'est Dimitri, jamais il ne te tromperait, jamais.

Je me forçai à agir comme si de rien et nous sortîmes du bâtiment. Dimitri m'enlaça fort.

– Tu m'as manqué, Am'.

Mais je ne voulais pas l'embrasser à nouveau, j'étais bloquée sur l'image mentale de lui qui avait lorgné sur la poitrine de Rob. Sauf qu'il fallait que je me contrôle. Je devais lui faire confiance, c'était mon mari. Et surtout, je ne voulais pas ressembler à Chloé. La jalouse, c'était elle. Et son couple avait complétement explosé.

– Bon, les copains, il nous reste une bonne heure avant l'apéro. Ça vous dit une promenade sur le bord de mer ? demanda Dimitri qui heureusement ne remarqua pas mes pensées.

Le front maritime de Wellington était vivifiant. La promenade aménagée était protégée du vent, nous passâmes devant des sculptures contemporaines que je trouvai très poétiques. Solace of the Wind représentait un homme sur le point de sauter à l'eau. Il y avait foule partout, mais assez de place pour ne pas se sentir oppressé. Face aux buildings, une marée de voiles voguait sur l'eau. On apercevait aussi des jeunes gens faire du ski nautique et d'autres activités sportives.

Une terrasse quelques mètres plus loin eut raison de nous et nos bières furent servies bien avant l'heure prévue. D'où nous étions, nous pouvions voir le ballet de touristes et de locaux qui fourmillaient sur le port. Marion, elle, restait bloquée sur une joggeuse qui dégoulinait en soufflant :

– Dites-moi que cette femme court pour échapper à un danger mortel. Regardez sa tête, elle est au bord de l'apoplexie !

– Bien sûr, répliquai-je. Le danger c'est de voir ton corps se rabougrir ! Tu verras quand tu auras notre âge !

Nous étions si bien posés que nous mangeâmes sur place un assortiment de tapas. Je sortis mon guide et proposai :

– Si vous êtes motivés, on peut monter sur le Mont Victoria. Il parait que c'est le plus beau panorama de la ville, surtout de nuit.

Anne, Laura, Marion et Yohann se regardèrent.

– Allez-y sans nous. On reste là.

– Qu'est-ce que vous mijotez ?

– Rien, mais on peut vous laisser tranquille, profitez !

Ce n'était clairement pas pour me déplaire. Dimitri saisit ma main et m'emmena prendre un taxi. Pendant que le véhicule montait au-dessus de Wellington, je restais lovée contre Dimitri. Le chauffeur nous arrêta à deux cent mètres du panorama. Ils étaient nombreux comme nous à avoir attendu la tombée du  jour pour venir sur le mont Victoria. Des marcheurs téméraires avaient fait toute la remontée à pied.

Je passai mon bras sous celui de mon mari et nous atteignîmes très vite le point de vue. La ville qui nous avait paru immensément haute n'était plus qu'un tapis de lumières étincelantes qui se reflétaient sur les eaux de la crique. Le ciel n'était pas encore tout à fait sombre alors la chaîne de montagne se détachait encore à l'horizon, ceinturant la ville, protectrice.

Dimitri sortit son smartphone et fit plusieurs tentatives pour photographier cette vue éblouissante.

– Mince, ça ne rend pas du tout comme en vrai ! affirma-t-il. Tant pis !

Il le rangea dans sa poche et admira de ses propres yeux la douce Wellington. Je ne pus m'empêcher de le regarder. Son regard gris pétillait face aux lueurs nocturnes. Les ombres dessinaient son menton, son nez et ses lèvres. Un léger sourire éclaira son visage et lorsqu'il croisa mon regard, je fondis littéralement.

– Quoi ? demanda-t-il.

J'imaginai très bien quelle tête de gourde je devais avoir devant lui.

– Rien, t'es beau, mon amour.

Je l'embrassai passionnément.

– Ma petite Am'... susurra-t-il entre deux baisers.

La chaleur de ses lèvres douces m'électrisa.

– Viens, suis-moi.

Je devinai ce qu'il avait en tête.

– On est encerclé par plein de monde.

– On finira bien par trouver, dit-il en me menant vers des sentiers inexplorés.

J'oubliai tout de ma contrariété de l'après-midi. La vigueur dont il fit preuve au sommet du Mont me convainquit qu'il n'avait rien pu faire avec elle. Et puis, c'était Dimitri. Je savais qu'il serait incapable de me faire ça.

La cerise déconfiteWhere stories live. Discover now