9. Points de vue (3/4)

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Le lendemain matin, alors que nous marchions vers le Cable Car, je racontai à Laura ce que nous avions fait avec Dimitri.

– Ce n'est pas possible, vous aussi ! Hier soir Marion s'est éclipsée avec un Maori. Elle est revenue comme une fleur en nous racontant ce qu'ils avaient été faire sur la plage.

– Non, c'est vrai !

Je me retournai vers Marion et Dimitri. La jeune femme devina que Laura venait de cracher le morceau, alors elle me sourit triomphalement.

– Je veux tout savoir ! lui lançai-je.

Ce à quoi elle répondit par une grimace que je ne pus pas interpréter.

– Bon, Anne, Yohann et moi avons du retard si je comprends bien.

Je me gardai bien de lui annoncer que le voyage avait aussi bénéficié à la vie sexuelle de Yohann.

Nous montâmes à bord du tramway rouge pour nous rendre à la plage. L'activité promettait de décoiffer. Nous allions tous nous retrouver sur une bouée en forme de banane qui serait tractée par un bateau à moteur. Le but étant de résister le plus longtemps possible sans être désarçonné.

Notre capitaine, souriant et vêtu d'un t-shirt jaune à l'effigie du centre de loisirs, nous attendait déjà. Il nous expliqua rapidement les règles de sécurité, nous donna nos gilets de sauvetage et notre groupe embarqua avec lui.

– Yoyo, tu ne veux pas nous faire un de tes pas de danse ? Avec ton gilet sur le dos, crois-moi, tu payes ! dit Marion en sortant son téléphone.

Il commença un mouvement avec ses bras et se déhancha en exagérant la cadence.

– Je préférai ta danse avec les Maoris.

– La techtonik, tu ne connais pas ! répliqua-t-il.

– Yoyo, si la techtonik n'a pas survécu au vingt-et-unième siècle, c'est pour une bonne raison !

– T'en as que pour les Maoris de toute façon.

– Cette nuit, j'ai enfin vu la lumière, expliqua-t-elle avec un air béat comme une bonne sœur qui aurait assisté à une apparition divine.

– Ecœurant !

– Tiens, on va monter sur une banane, ça te donnera une idée de ce que c'est ! Ha, ha !

Je me retins de pouffer en entendant leur conversation. C'était trop drôle d'avoir une longueur d'avance sur elle. Yohann m'adressa un sourire de connivence.

L'animateur nous demanda de mettre tous nos objets craignant l'eau dans une boîte étanche qu'il cala dans un filet. Il prit le large pour atteindre une zone où il n'y aurait ni jet ski, ni aviron ou voilier. Les buildings de Wellington étaient plus petits désormais, nous avions une vue d'ensemble du front de mer. Je regrettai de ne pouvoir sortir mon téléphone pour immortaliser l'instant.

Nous pûmes chacun notre tour grimper sur la bouée. Le plastique était déjà mouillé, alors nous avancions sans grâce et avec la peur de glisser. Je fus la dernière à grimper, en mode « grenouille pattes écartées ». J'agrippai mal la lanière et tombai.

Mon gilet de sauvetage m'empêcha d'avoir la tête sous l'eau et je pus distinguer les autres se moquer de moi. Laura posa sa main sur ses yeux et dit :

– Ça n'a même pas commencé qu'elle tombe déjà !

Dimitri me tendit la main et m'aida à accéder à ma place. Une fois que le calme fut revenu à bord de cette banane géante, le capitaine alluma le moteur et la corde qui nous reliait se tendit. Il accéléra progressivement en ligne droite.

– Trop fastoche ! cria Marion pour couvrir le bruit du moteur puis de l'eau qui fouettait la bouée.

Je voyais sa chevelure rouge s'agiter de plus en plus avec la vitesse.

– Tenez-vous bien à la lanière ! Contrôler votre équilibre ! Je sens qu'il va bientôt tourner ! cria Dimitri.

Je resserrai mes mains devant moi. Je gainai tous mes abdos, et mes muscles des bras et des jambes se crispèrent.

Comme Dimitri l'avait prédit, le bateau amorça un léger virage sur la gauche.

– Wouah ! nous criâmes en cœur.

– Trop fort ! On tient bon, on tient bon ! pesta Marion comme une walkyrie déchainée.

La bouée se souleva de quelques centimètres à gauche puis revint sur l'eau alors que le capitaine nous félicita et poursuivit tout droit. Anne explosa de rire. Il prit un autre virage, à droite cette fois.

– Tenez bon ! Vais me faire une écharpe avec ses boyaux ! rugit Marion à l'adresse du capitaine.

Nous étions tous tendus et crispés mais la chute semblait inévitable, nous ne pourrions tenir plus longtemps face à la force centrifuge. Laura laissa échapper une flatulence qui nous acheva tous.

– Qui a lâché une caisse ?! cria Marion.

Anne fut la première à tomber. Dimitri et Yohann suivirent, et Laura également. Je vis Marion devant moi.

– Bordel de m... !

Elle fut projetée comme un pantin désarticulé dans l'eau. Mon corps claqua contre l'océan alors que je pouffai comme une dégénérée. La tasse fut bien moins agréable. Il nous fallut du temps pour remonter à bord de la banane. Laura et moi n'arrivions pas à taire nos gloussements. Nous avions tous hâte d'en arriver à notre prochaine chute. Le sentiment d'abandon total et de perte de contrôle avaient quelque chose de revigorant et l'adrénaline courait dans nos veines.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant