13. Antidouleur (1/3)

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Tout se passa très vite ensuite, si bien que je ne me rappelai pas vraiment quelles émotions me submergèrent en premier.

A quel moment ça avait foiré ? A quel moment notre couple si romantique avait cédé aux problèmes communs et ridicules ?

J'avais justement évité les détails des intimidations à Dimitri pour qu'il profite du séjour, et fait mon possible pour mettre des barrières avec Ben.

Là, je ne reconnaissais pas du tout Dimitri.

– Tu m'expliques ? lui demandai-je néanmoins furieuse en le rattrapant.

Il ne répondit rien, il fonçait vers le groupe de Ben et ce n'était pas dans le but de danser avec lui.

– Dim', n'y penses même pas. C'est ce qu'il cherche ! T'es plus intelligent que ça !

– T'inquiète pas, répondit-il.

J'aurais dû savoir que quelque chose n'allait pas. Ce n'était pas le genre de Dimitri de réagir aussi simplement. La jalousie, il savait ce que c'était, ça avait été un poison qui avait dévoré sa précédente relation.

De plus il me faisait confiance. Nous nous faisions confiance. Qu'un crétin de bas étage comme Ben, aussi subtile qu'un bulot neurasthénique, ait réussi à ébranler notre lien n'avait pas de sens.

Si, je devais m'inquiéter, ça allait virer au fiasco ! Mais c'était bizarre, il me manquait forcément une donnée. Dimitri devait être poussé à bout avant de faire appel à la violence. Comme cette fois dans le bar pendant son enterrement de vie de garçon ; sauf qu'à cette époque, il était très mal et très alcoolisé.

Révélait-il un nouveau visage ? Était-ce une succession d'événements ? Avait-il mal pris la révélation de Yohann, s'était-il senti trahi ?

Je n'eus pas le temps d'y songer plus longtemps, je devais faire quelque chose. Nous arrivions au niveau de Ben.

– Dimitri ! criai-je.

Il se retourna et j'enlevai mon haut, laissant apparaître un soutien-gorge sexy, une surprise que j'aurais dû lui réserver une fois revenus dans notre chambre.

Les gens autour de nous me sifflèrent mais je ne prêtai pas attention à eux. Ils reprirent le cours de leur danse ou de leur conversation, d'autres retournaient se servir un cocktail. Heureusement nous n'étions pas le centre du monde.

Si un jour on m'avait dit que je me retrouverais dans cette situation, alors que j'étais plus pudique qu'une bonne sœur...

– Mais qu'est-ce que tu fous ? demanda-t-il en revenant aussi vite vers moi.

– C'est le moment de rejoindre notre chambre si tu ne veux pas que j'enlève le reste !

Il soutint mon regard plusieurs secondes puis s'en alla dans la direction opposée, vers la maisonnée qui nous accueillait pour la nuit.

Mon orgueil blessé prit le pas sur la raison. C'était un coup de trop sur ma carapace. Les dégâts inconscients laissés par Chloé Desneiges, les menaces visant mon livre et moi-même, maintenant Dimitri, mon allié, mon roc, mon amant qui m'abandonnait.

Une voix me disait « rattrape-le », mais me jambes restèrent plantées au sol.

Ben fumait avec ses potes, il me fit un signe de la main. Je remis mon haut et soupirai, au moins il resta de son côté, probablement conscient de la tension entre Dimitri et moi.

Laura, Anne et Marion me rejoignirent en même temps.

– Qu'est-ce que c'était ça ? demanda Laura.

Les autres gens dansaient toujours autour de nous.

– Je crois qu'il ne supporte plus Ben, et je ne comprends pas pourquoi il me croit responsable...

– Ok, vas le rejoindre. Vous n'allez pas rester comme ça, c'est trop con.

Je savais qu'elle avait raison mais je restais là. Je me mis à danser.

– Allez, Am' !

– J'ai les boules, Laura. Je me suis sentie humiliée et je ne mérite pas ça.

– Teste donc un néo-zélandais, ça te changera, plaisanta Marion.

– Personne ne lui arrive à la cheville, admis-je malgré moi.

Anne suggéra :

– Venez, on va au calme.

– Bonne idée.

– Mais quand même, vous n'allez quand même pas rester fâchés !

– Ça attendra, autant le laisser ruminer !

En prononçant ces mots, j'avais pleinement conscience de ma puérilité, mais je ne pouvais pas passer au-dessus. Si je repensais à la scène, au regard de Dimitri, je savais que je risquais de pleurer de colère.

Nous nous retrouvâmes sur la terrasse du logement de Marion. Nous pouvions encore voir la mer, ce qui m'apaisa un peu.

– Bon, il nous fait quoi ton Dimitri ? Je vais aller le voir illico presto, vais le remettre dans le droit chemin, déclara Marion en me passant sa clope.

– Ça va aller, nous sommes en vacances, merde ! Il va se rendre compte que c'est débile...

– Parlez, ne rester pas sur vos positions.

– Ah, les mecs ! marmonna Marion. Heureusement, on est là.

– C'est vrai. Mes amies.

Nous nous enlaçâmes. Puis, je me mis à chanter :


« I need a painkiller

Sugarcoated 'cause it tastes much better

And though I can't remember

I know I would say it againnn... »


– Ça faisait longtemps ! dit Marion.

– Notre petit pinson se remet à chanter, c'est que les choses ne vont pas si mal.

La fatigue aidant, nous nous séparâmes une petite heure plus tard.

Dimitri dormait déjà dans notre chambre. Je dépliai le plaid et m'installai sur le canapé. Mince, alors voilà, je pouvais avoir un caractère de cochon. Mon idylle avec ce si grand amour était pourtant censé révélé le meilleur de nous-mêmes... Des pensées tristes se mélangèrent dans mon esprit alors que je tombais dans les songes.


Painkiller, Liv Dawson

La cerise déconfiteWhere stories live. Discover now