19. L'écœuré (1/3)

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- Amanda Laracello, ou devrais-je plutôt dire, Amanda Grévois.

Son rictus s'était effacé, il était désormais grave et sérieux. Killian avait beaucoup changé, il avait le crâne rasé, un léger embonpoint, mais je le reconnaissais parfaitement.

- Qu'est-ce que tu fais ? lâchai-je.

- Approchez-vous !

Marion gardait les mains dans les poches de son sweat, son regard dans le vide. Ben nous exhorta à avancer plus près de celui qui semblait être le cerveau de toute l'opération. Je remarquai que je tremblais. Robine referma la porte.

- Ils sont morts ? demandai-je d'une voix terne en regardant les trois pauvres hommes au sol.

- Chloroforme, répondit Killian. Et, toi ! Qu'est-ce que t'as ? Vide tes poches ! ordonna-t-il à Marion.

Ben s'approcha d'elle.

- Pas touche ! lui dit-elle.

Elle sortit son smartphone. Il l'attrapa et le balança à l'autre bout de la pièce.

- Toi aussi, Amanda ! tonna Robine.

- Je n'ai rien, répondis-je sans une once d'amabilité à la traîtresse.

Puis, je m'adressai à lui :

- Nous sommes loin des côtes ? Tu nous enlèves ?

- Tu crois quoi ? Le circuit des ferries est contrôlé. Je nous mène à Auckland, comme prévu.

- Alors, quoi ? Tu as neutralisé ces hommes pour satisfaire un rêve d'enfance ? ironisai-je.

- On va aller chercher ton mari. Plutôt, je vais aller chercher ton mari.

- Quoi ?!

Ma panique monta en flèche.

- Pas de stress, Amanda, je ne te veux aucun mal, tu le sais bien. Allons, tu pourrais être plus enthousiaste pour nos retrouvailles.

Il s'approcha de moi.

- Je te le ramène et nous aurons une petite discussion.

Killian sortit de la pièce. Robine et Ben continuèrent de nous braquer. Je tremblais toujours. Marion attrapa ma main et nous restâmes proches l'une de l'autre.

Robine, elle, vint littéralement se coller à Ben.

- Alors, Amanda, on fait moins la fière ?

Puis ils s'embrassèrent. Ben ne me quitta pas du regard, son flingue toujours levé. Robine se décrocha de ses lèvres. Il y avait plus urgent à faire : nous surveiller.

- Tu ne réagis pas ?

Je soupirai :

- Maintenant je comprends mieux comment j'ai pu être pistée, et comment les menaces ont pu être déposées dans l'Elysium.

- Vous n'aimez pas la lecture ? ironisa Marion, en référence aux livres vandalisés.

Comment pouvait-elle garder son calme alors que nous étions menacées de mort ?

Killian entra en trombe dans la cabine en criant :

- Ils ne sont plus là, le bar est vide !

Robine perdit de sa superbe, tout comme Ben alors qu'ils lancèrent en même temps un « Quoi ?! » désespéré.

- Qui font moins les fiers, maintenant ?

- Marion, tais-toi ! conseillai-je.

- Oui, ferme ta gueule ! rugit Killian.

Je ne lui avais jamais connu pareille violence. Nous baissâmes toutes deux les yeux. Nous avions quand même affaire à trois individus qui avaient pris le contrôle du Ferry. Il en fallait dans la cuirasse, ou bien il fallait être fou.

- Ils sont où ? me demanda-t-il.

- Je ne sais pas, répondis-je sincèrement et étonnée.

J'étais soulagée qu'il ne les ait pas trouvés. Mais sa colère était imprévisible. J'attendais qu'il sorte aussi un pistolet, mais il n'en fit rien. Seul Ben était armé.

- Merde, merde ! Qu'est-ce qu'on fait, les gars ? demanda Rob.

- Deux secondes, je...

-  Qu'est-ce que tu veux, Killian ? coupai-je.

Il se calma puis me dit :

- Amanda. Si tu veux qu'on te laisse tranquille, il va falloir nous donner beaucoup d'argent.

- Ok. Avant, il va falloir développer, je ne comprends pas.

Le but était de gagner du temps. Les trois malfrats avaient l'air dépassés par les événements. Même si leur colère était réelle, si l'arme n'était pas factice et s'ils avaient osé s'attaquer à l'équipage, il me semblait que ce n'étaient pas des meurtriers.

Il rit, plus par nervosité qu'autre chose puis déclara :

- Ce n'est jamais simple avec toi, hein ! Putain, on ne va jamais réussir...

Sa dernière phrase me glaça le sang. Réussir à quoi ?

La cerise déconfiteWhere stories live. Discover now