14. Crépuscule (1/5)

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Le choc ne dura qu'un instant. L'eau m'enveloppa d'un amas bouillonnant. J'oubliai ma peur. Instinct de survie : retrouver la surface. Je battis des jambes comme une dingue, ballotée dans les courants et les secondes me parurent interminables. Enfin l'air libre s'offrit à moi et je toussai plus que je n'expirai.

Vivante. Rien. Mes côtes, mes bras, mes jambes. Je n'avais rien. Sauf une sensation d'étourdissement que l'adrénaline chassait. Je levai les yeux : Dimitri et mes amis couraient sur le chemin qui descendait à la plage.

Soudain, je fus saisie par un nageur que je n'avais pas entendu, ni vu s'approcher.

My Gosh ! Are you alright ?

Son accent m'indiqua qu'il était français.

– Oui, oui... répondis-je essoufflée.

– Venez !

Il nagea à mes côtés, me poussant parfois si le courant me déviait de ma trajectoire. Ce fut en passant devant les débris de la plateforme effondrée, qui flottaient ou étaient échoués sur les rochers, que je réalisai ce à quoi j'avais échappé. Mes os se seraient brisés comme du verre.

Je n'avais pas perdu connaissance malgré la hauteur, mes membres bougeaient sans aucune douleur et j'avais évité les nombreux écueils acérés. Le visage du nageur voulait tout dire : j'avais eu une sacrée chance. Ma vessie s'en trouva soulagée.

– Vous avez un ange gardien qui veille sur vous, assura-t-il une fois sur le sable.

Je me rendis compte que c'était un jeune homme à peine sortit de l'adolescence. Sa peau était bronzée d'avoir passé des jours sous le soleil. C'était le maître-sauveteur de la plage. Je remarquai alors que tous les vacanciers restaient stupéfaits. Enfants et parents ne jouaient plus mais me dévisageaient. Une dame n'avait pas enlevé sa main de devant sa bouche grande ouverte.

– Je préviens les forces de l'ordre, dit-il. Vous êtes ?

– Amanda.

– Je suis Jim.

Pendant qu'il rejoignait son collègue et appelait la police, je scrutai le chemin qui débouchait sur la crique. Dimitri ne tarda pas à arriver, haletant et transpirant.

– Oh, putain de merde ! rugit-il, soulagé et à bout de nerfs.

Je courus à mon tour et sautai dans ses bras. Nous échangeâmes une trentaine de baisers, rapides et fougueux.

– Amanda, j'ai eu tellement peur ! Tu n'as rien ?

Je lâchai quelques larmes, l'adrénaline retombait. Il semblait devoir toucher chaque partie de mon corps pour vérifier que j'étais bien là, entière et saine et sauve.

– Bordel, Amanda ! Bordel ! Fais-plus jamais ça ! cria Laura en m'arrachant à Dimitri pour m'enlacer.

Anne et Marion se joignirent au trio, puis Yohann. Dimitri entoura cet amas de bras.

– Bon, laissez-la respirer !

Jim revenait. Dimitri lui lança un regard noir.

– C'est comme ça que vous protéger les gens ! hurla-t-il en montrant la falaise d'où la plateforme avait disparu.

– Dimitri... tentai-je de le calmer.

– Monsieur, je suis sincèrement désolé pour cet accident. Nous ne gérons que la surveillance de la plage, nous n'avons aucun rapport avec la sûreté des hauteurs.

– Dimitri, je n'ai pas vu les rubans de signalisation. L'accès était interdit.

Je posai ma main sur son épaule. Mon contact le calma un peu et comme Jim n'avait pas haussé le ton, la bombe de colère se désamorça. Puis Marion rigola en posant sa main sur le cœur :

– Youhou ! Je vérifie si mon palpitant fonctionne encore ! Amanda, t'es folle de nous faire ça ! Faut t'inscrire dans une école de cascadeurs si tu veux des sensations fortes !

Ils tournèrent autour de moi et me firent bouger pour s'assurer de leurs propres yeux que je n'avais rien. Laura m'enlaça à nouveau et posa un baiser sur mon front.

– Désolée si j'ai gâché le séjour.

– C'que tu peux raconter comme conneries ! pouffa Marion.

– Au moins t'es tranquille, maintenant tu n'as plus de téléphone ! ironisa Yohann qui se détendait et reprenait des couleurs.

La police ne tarda pas à arriver. Bien que la procédure ait été rapide, et qu'un médecin affirma que je n'avais effectivement rien du tout, nous fûmes libérés assez tard. A peine arrivée à l'Elysium, je dormis une bonne heure d'un sommeil de plomb.

Au cours de la soirée, je reparlai de l'appel en question qui m'avait conduit jusque dans la flotte :

– Je n'ai toujours pas rappelé mon assistant.

Dimitri intervint de suite :

– Laisse-les se démerder avec les assurances, tu es en break. Ne vas pas te stresser davantage.

En réalité, je relativisais énormément. Bien sûr, j'aurais préféré que mes clients n'aient pas à devoir reporter leur cérémonie, trouver une solution, mais oui, j'allais laisser mon assistant s'en charger. J'avais failli perdre la vie alors...

Cependant, une part de moi savait que je finirais par avoir des remords. Je gérerais mes états d'âme le moment venu.

Pour l'heure, il me semblait inévitable de devoir parler à Dimitri. Car tout était lié : les messages menaçants, les livres saccagés et maintenant la mise à sac de la salle de mariage organisé par mon entreprise. Des moins sceptiques se poseraient aussi des questions sur la plateforme, mais personne ne m'avait obligé à m'y poser, d'autant plus que l'accès en était interdit pour cause d'érosion...

Sauf que sous les airs joyeux de la soirée, malgré l'alcool qui faisait rire les autres plus que d'habitude, je sentais Dimitri très tendu, voire électrique. Et la fatigue m'assomma bien vite malgré ma sieste. L'Elysium s'endormit bien vite ce soir-là.

La cerise déconfiteNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ