15. Boîte (2/3)

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Au bout d'un long moment à barouder dans les herbes folles, ma meilleure amie demanda :

– Dis, Amanda, ça ne te rappelle pas quelque chose ?

Je lâchai un « Euh... » traînant.

– Allez ! Toi qui es toujours plongée dans tes souvenirs.

Puis l'ampoule dans ma caboche s'alluma :

– La colonie !

– La colonie ! répéta Laura, enthousiaste.

– La colonie ! singea Marion. Et on peut savoir de quoi vous causez ? Hein, Robine ? Nous aussi on veut passer le temps.

Laura s'éclaircit la gorge d'une manière bien théâtrale et commença :

– A seize ans, nous sommes parties toutes les deux en colonie de vacances.

– Où ça ? demanda Marion qui se débattait avec un fil barbelé coincé dans son short.

– En Bretagne. Le dernier soir, nous avons voulu convaincre les moniteurs de nous emmener danser en boîte. Evidemment ils n'ont pas voulu, et l'un d'eux, Manu ou Kevin...

– Jérémy, coupai-je.

– Jérémy a clos la conversation en nous rappelant que nous étions mineures. Alors nous avons réglé nos montres avec plusieurs filles du camping pour se retrouver devant les sanitaires et s'incruster à la soirée.

– Vous l'avez fait ?

– Oui. On a attendu une bonne heure après que les monos aient terminé leur réunion et se soient couchés. L'avantage c'est que les journées passées en bord de mer à gérer une colo d'ados en pleine crise d'hormones ça les mettaient KO pour la nuit. Nous sommes parties avec nos lampes de poches pour rejoindre la ville.

– On connaissait la route pour avoir pris le minibus tous les jours mais on n'avait pas du tout pris conscience que le temps du trajet à pied serait aussi long.

– Et nous étions coiffées, habillées et chaussées comme des poupées bas de gamme. Et pourtant convaincues que nous arriverions au but, que les vigiles seraient sympas et nous laisseraient entrer par ce que c'était l'été, les vacances et que tout le monde était sympa.

– Vilaines filles...

– Et, donc ?

– Nous sommes arrivées en ville. Certaines étaient trop fatiguées et regrettaient d'être parties. Surtout qu'il y avait le retour à faire. Mais nous avons remotivés les troupes et je suis allée me mettre en tête dans la queue. Je ne me rappelle plus du nom de la boîte.

– Moi non plus, dis-je.

– Bien entendu, le videur a tout de suite vu que nous n'étions que des gamines et a refusé net. Les filles ont commencé à s'énerver et ça a été pire quand certains adultes ont voulu savoir où étaient nos parents ou les responsables majeurs qui devaient s'occuper de nous. Alors ils ont appelé les flics. On s'est enfuies.

– J'imagine le tableau, ça devait être beau toutes ces perruches en train de se carapater ! ironisa Marion.

– Horrible, on a perdu celles qui n'avaient pas de lampes de poches !

– Elles n'étaient pas finaudes, dis donc... Il suffisait de suivre la plage comme pour l'aller si j'ai bien compris.

Laura et moi acquiesçâmes en nous joignant au rire de Robine.

– Ça s'est terminé comment ? demanda ensuite cette dernière alors qu'elle tenait une branche pour nous libérer le passage.

– Les moniteurs ont débarqué, c'était pas du joli...

– De retour à la colo, le directeur nous a passé un savon dans le réfectoire.

– Amanda, t'étais une rebelle, en fait.

– Pas vraiment. J'étais terrorisée par ce qu'allait me dire mes parents lorsqu'ils l'apprendraient. Le lendemain, sur le quai de gare, ils sont venus me récupérer et je ne faisais pas la fière. Ma mère n'a pas apprécié, elle m'a dit qu'il aurait pu nous arriver des choses plus graves si nous avions fait de mauvaises rencontres.

– Et toi, Laura ?

– Ma mère a suggéré aux moniteurs que nous étions sous leur surveillance et qu'ils étaient donc incompétents !

La dernière heure de marche fut silencieuse. Je commençai à m'inquiéter pour Dimitri. Il finirait par se faire un sang d'encre. Je m'efforçai de me rappeler de ses derniers mots, mais n'y arrivai pas. Il voulait me dire quelque chose. Peut-être était-ce justement que la voiture allait tomber en rade...

La cerise déconfiteWhere stories live. Discover now