11. Cicatrices (1/4)

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C'était en septembre, deux ou trois semaines après la rentrée. La classe avait changé, du fait des nouvelles options et spécialités que nous avions choisies. Il restait moins d'une dizaine d'élèves de la classe de seconde parmi lesquelles se trouvaient Elie.

Pour une raison que j'ignorais, elle m'évita du jour au lendemain, juste après la toute première journée de reprise. J'appris plus tard qu'elle savait pour Killian et moi, et notre été passé « en couple ». Nous avions pourtant été discrets et sans vraiment se le dire, nous avions convenu de rester bons amis. Enfin, pour être franche, l'idée venait plutôt de moi. Mais Killian n'avait pas beaucoup insisté, il pensait sûrement qu'après quelques jours à se croiser dans les couloirs, je finirai par capituler. Il me lançait des œillades et tentait de me parler. C'était un supplice pour lui de ne pas être dans ma classe, mais pour ma part, mon attirance pour lui n'était pas assez forte.

Killian attendait les opportunités pour me parler. Mais nos emplois du temps n'avaient rien à voir, lorsqu'il se trouvait dans tel cours, ma classe se trouvait dans un bâtiment à l'autre bout du lycée.

Le self était bondé, et chaque midi j'arrivais plus tard que lui et Laura ne manquait pas de me garder pour elle, ce qui évidemment ne me dérangeait pas. Notre amitié était bien la seule à pouvoir résister à ce passage lycéen, sans aucun accroc.

Et à la fin des cours il devait rejoindre la gare et ne pas louper le départ du train qui le ramenait chez lui. Lorsque je rentrais, je savais qu'en allant sur mon ordinateur, une fenêtre de conversation MSN allait apparaître, le bandeau bleu surligné d'un orange épileptique. Killian commençait toujours la conversation. Là seulement nous pouvions échanger, et je dois dire que cette relation me convenait.

Tout ceci n'était pas du goût d'Elie, qui avait longtemps eu des vues sur Killian, bien qu'elle ait essayé Edouard pendant les vacances qui venaient à peine de terminer. Elle se trouva un autre groupe d'amies, plus pimbêches les unes que les autres et dont le passe-temps favori, lorsque ça ne parlait pas de sexe, de mecs et de maquillage, était de se moquer de toutes les autres filles.

Sans grande surprise, je ne passais pas à travers les filets. Au départ, c'était sur un ton humoristique, elles me posaient des questions à l'occasion pour savoir comment ça s'était fait avec Killian, des questions auxquelles je répondais sans entrer dans les détails, et elles m'ignoraient l'instant d'après. Je décidais vite de les ignorer à mon tour et appris à connaître d'autres élèves dans ma classe. Quel dommage que Laura ne soit pas dans la mienne ai-je pensé très souvent ! D'autant plus que ma meilleure amie s'affirmait de plus en plus et ne se laissait pas marcher sur les pieds. Sentir qu'elle y parvenait sans ma présence me fit d'ailleurs un drôle d'effet. Au collège, notre grande force était notre unité.

Bref, en cette mi-septembre, des astres néfastes décidèrent de se liguer contre moi. Le cours de sport venait de s'achever. Nous étions sur le terrain d'athlétisme, la partie la plus excentrée du lycée de Pont-Polly. La course nous avait tous scié les pattes. Sur le chemin des vestiaires se trouvaient des renfoncements et avant de pouvoir rentrer dans le bâtiment, Elie tira sur mon T-Shirt et me poussa contre la haie.

– Eh ! T'es pas bien ! dis-je, encore essoufflée.

Je me retournai vivement et me retrouvai face à son groupe. Elie s'approcha.

– On fait moins la maligne, hein ? T'en as pas marre d'allumer tous les mecs ?

– Dégage, Elie !

Je lui donnai un coup d'épaule pour passer mais elle avait une force que je ne lui connaissais pas. Je me rappelle aussi la violence de son regard qui me choqua, d'autant plus que l'année d'avant, nous avions partagé des moments ensemble. C'était comme si je n'avais pas à faire à la même personne. Je trouvais la scène humiliante, bête et injustifiée.

Notre professeur qui tenait la porte de l'entrée des vestiaires vingt-mètre plus loin ne pouvait ni nous entendre ni nous voir. Mais heureusement, il s'adressa au groupe qu'il pouvait distinguer :

– Les filles, vous parlerez à la récréation, allez !

Il était un peu con quand même, il devait bien voir qu'elles regardaient toutes en direction de la haie où Elie et moi étions dissimulée.

J'en profitai pour me faufiler.

– On arrive ! dis-je.

Le prof me félicita :

– Eh bien, tu as tout donné, Amanda ! dit-il en prenant la rougeur de mon visage comme témoin de mon activité intensive.

Dans les vestiaires, Elie et les filles ricanèrent non sans me lancer des regards acerbes.

– Ecoute, Elie, c'est quoi ton problème ? dis-je.

– Tu nous gaves, Laracello ! répondit une autre.

– Ce n'est pas à toi que je parle ! Alors, Elie, t'es pas capable de me parler seule ? Tu as besoin de ta bande pour ça ? Tu faisais moins la fière l'année dernière.

Elle rit puis fit signe à ses nouvelles potes qu'elles les rejoignaient après. Nous nous retrouvâmes toutes les deux.

– Je ne t'aime pas, c'est tout. J'en peux plus de ton air de sainte nitouche ! Les gars n'ont d'yeux que pour toi mais tu ne vaux rien.

– Ecoute, Elie, maintenant dès que tu me verras, je te conseille de raser les murs ! Sinon je vais voir le principal et je lui raconte que tu cherches à m'intimider. Je m'en fous de passer pour une balance. C'est bien toi qui doit avoir un dossier irréprochable pour entrer à l'Ecole Boulle ?

Elle ne s'attendait pas à ça, ma dernière phrase fut plus efficace qu'un crochet du droit. J'avais visé un point sensible : sa passion. A moins d'un dossier en béton, sa simple option couture dans ce lycée général ne suffirait pas à lui faire intégrer la célèbre école de design après le bac.

– T'es vraiment une salope !

– Commence par améliorer ton langage, déjà, répliquai-je en jetant mon sac sur mon épaule et la plantant sur place.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant