Bang Bang, Banshee sang ; Tome 2

Chapitre 9 - 1/2

« Les sorcières n'ont pas de cœur mais l'obsession n'en a pas besoin »

proverbe de Sorcières

Ses yeux...

Juliette avait sous-estimé l'impact du regard d'un Oiseau de joie sur elle. Les Soverains attiraient naturellement les foules à eux, obtenant l'amour et l'admiration sans effort, tout comme la loyauté même des traitres les plus solitaires. Elle avait stupidement cru que cela surpasserait le pouvoir d'un tel oiseau.

Les Oiseaux de Joie inspiraient le bonheur. Mais ce que Juliette retenait d'eux n'était pas leur capacité à créer des sourires. Ce qui l'inquiétait était surtout leur don naturel à percevoir les prières. Ils s'en nourrissaient, les exploitaient et utilisaient cette puissance. Tout comme certaines autres créatures, une poignée assez rare. Les prières offraient surtout du pouvoir aux dieux, en théorie. Mais dans le monde réel, hors du monde spirituel, des créatures s'en nourrissaient aussi. On retenait surtout certaines sous-espèces de démons, mais on oubliait facilement les Oiseaux de Joie. Ils étaient si rares, presque disparus. Pourquoi s'en soucier ?

— Pourquoi est-ce que tu l'as amené ici ? commença à s'offusquer la Soveraine.

Marie, qui nettoyait ses ongles avec la pointe de sa dague, lâcha un soupir.

— Vous voulez que je tue Hella, n'est-ce pas ? Alors j'ai pris un appât. Maintenant j'attends que le poisson morde à l'hameçon.

Lettie, dans une cage à oiseau à taille humaine, se tétanisa. Livide, l'oiseau s'était tut tout du long, semblant simplement les regarder en espérant que l'une des deux femmes craque et la relâche. Ce qui n'arriverait pas. Même si ce regard...

— Nous sommes chez moi, Marie. Je voulais que ce soit fait discrètement, que l'on ne remonte pas jusqu'à moi.

— On tuera la cochonne et sa sorcière en même temps, comme ça personne ne saura.

Marie se leva de sa chaise, rangeant sa dague pour s'approcher de Juliette. Elle se pencha face à elle, bras posés sur ses épaules, le visage suffisamment proche pour que les souffles s'effleurent.

— Et je ne vous trahirai pas.

Evidemment que Marie ne la trahirait pas. Juliette avait tout fait pour que cette psychopathe croit être aimée d'elle. Avoir une créature aussi dangereuse qu'elle pour pion était un avantage considérable dans son ambition de devenir reine un jour et de détrôner le Roi.

— Qui te dit que cette sorcière viendra ? Ce n'est qu'un oiseau.

Marie s'écarta, venant se saisir des barreaux de la cage retenant Lettie.

— Elle viendra. L'obsession d'une sorcière est un lien beaucoup trop fort pour qu'elle y résiste.

— Tu veux dire que la sorcière et l'oiseau...

— Vous semblez oublier que savoir est une partie de mon travail.

Elle prit un sachet de graines posées sur la table, en lançant sur Lettie qui baissa simplement les yeux. Ce devait être humiliant.

L'oiseau regarda un instant Juliette, qui se pétrifia avant de lui lancer une pantoufle.

— Ne me regarde pas !

Elle pouvait le sentir. L'oiseau lui lançait ses effluves, tentait de lui transmettre des émotions qu'elle ne souhaitait pas ressentir.

— Si vous voulez, je peux vous prêter l'une de mes armes. C'est plus efficace qu'une pantoufle.