Bang Bang, Banshee sang ; Tome 2

Chapitre 11 - 2/3

Dans un monde où l'immortalité était un privilège que les êtres éphémères ne pourraient supporter, tout était bon pour dérober ce que l'on ne possédait pas. De nombreux humains espéraient ne pas connaitre de fin. Là où certains y consacraient leur vie sans jamais vivre la leur, d'autres choisissaient de se congeler en espérant pouvoir ouvrir les yeux dans un monde qui leur offrirait ce privilège, ne craignant pas d'avoir signer leur mort ce jour-là. Pour autant, ils en étaient qui avait choisi de vivre leur existence, et d'autres de croire qu'après leur mort la vie ne s'arrêtait pas. Religions et croyances, tout autant d'espérances et que de désintérêt.

Mais les sorcières, elles, vivaient parmi les Immortels. Elles avaient la preuve de sa réalité et la frustration de ne pas y avoir droit. Aussi, dans un monde où toutes les autres espèces étaient supérieures à la leur, elles avaient dû s'adapter. Croire qu'une sorcière était bienveillante simplement parce qu'elle vous l'affirmait ou vous offrait un bonbon serait aussi intelligent que de sauter dans de l'huile bouillante parce qu'un vieux sage vous affirmait qu'ainsi vous passeriez de blanc à doré. On ne changeait pas la neige en or.

Aussi, l'erreur de Marie avait été de croire que la sorcière Hella Doux n'était qu'une néophyte sans talent. Une créature peu dangereuse et inoffensive. Aucune sorcière ne l'était. Encore moins lorsque cette dernière avait pour famille biologique un mélange de gène toxique et une descendance aussi crainte que celle des Laga.

Hella se tourna un instant vers lui, attendant sans doute qu'il l'autorise à partir sans rien faire. Logan avait des ordres, et le Roi en avait donné à la sorcière.

Après avoir lâché un soupir exagérément bruyant, elle s'approcha d'un lit dans lequel était maintenue en vie une femme. Un homme jouait d'un instrument non loin, un fil magique qui gardait en vie Marie. Les Soverains appréciaient davantage les bardes aux sorcières concernant la manipulation de la magie. Les sorcières étaient bien trop malicieuses.

Ce qu'Hella avait utilisé pour amener Marie aux portes de la mort se trouvait à la limite de la magie noire et de l'illégalité. Un sort assez puissant et plutôt dangereux lorsque l'on ne maitrisait pas les bases de la magie dérobée. Le concept était aussi simple que très peu connu puisque disparu des pratiques depuis bien longtemps. La magie dérobée se basait sur la capacité d'une sorcière à ne pas produire elle-même son énergie magique mais à l'emprunter à autrui, avec la nuance que la pratique de cette magie n'empruntait pas. Elle dérobait, volait.

Assez populaire du temps où les sorcières ne pouvaient elles-mêmes produire de la magie, le danger et l'excès de son usage avait amené des dérives. Notamment en prenant une magie divine, autrement dit de créatures nobles qui ne vivaient que de leur production. Une telle créature qui ne pouvait pas se nourrir de magie extérieure mais seulement de la sienne périssait facilement si l'on ne faisait pas attention. A la manière d'une pile jetable que l'on déchargerait.

Aussi, Hella avait usé de cette magie que Logan avait pensé disparu dans sa pratique. Un sort vulgairement appelé « Gotcha », ou encore « l'arroseur arrosé ». Ce que l'autre infligeait lui était retourné.

Ce qu'elle avait affirmé à Mikail.

Mais voilà, un tel sort consistait à voler une magie en lancement pour la renvoyer au lanceur, pas à envoyer les dégâts d'une attaque à l'arme blanche contre son attaquant. Ce qu'avait pourtant fait Hella.

Logan préféra tout de même taire ses doutes. Il en apprendrait davantage en observant Hella guérir Marie.

La jeune femme se pencha au-dessus de la femme, hésitante. Son familier se métamorphosa à nouveau pour devenir un homme, un rouquin dont les mains s'emparèrent de celles de sa maîtresse. Il semblait que leur relation était différente de celle d'un être soumis à sa maîtresse. Le renard était rusé et malin. Pour venir en aide à sa Maîtresse, il ne serait jamais du genre à agir d'une frappe directe ou même d'obéir à sa sorcière. Pour la protéger, un familier renard était prêt à la détruire et à la trahir.

— Hella, permets-moi de te venir en aide.

— Je sais encore défaire un sort, goupil.

— Sans aucun doute. Mais saurais-tu le faire sans recevoir le contrecoup ?

Entendant cette seule information, Logan comprit de quoi il en retournait.

— Tu n'as pas utilisé un Gotcha.

Tous les deux se tournèrent vers Logan. Hella détourna le regard.

— Tu as raconté à ton loup-garou avoir prononcé « Gotcha ».

— Tu as écouté ma conversation ?

— Hella, que s'est-il vraiment passé ?

Loki secoua de la tête mais Hella craqua. Elle sortit de sa poitrine, cachée dans son soutien-gorge, une petite poupée de la taille d'un porteclé.

— En vérité, Marie a tenté de me poignarder. Mais en voulant toucher mon cœur, elle s'est confrontée à cet obstacle.

Avec de la nécromancie, elle aurait eu besoin d'un cheveux, d'un ongle ou de sang.

— Je l'ai liée.

Pire qu'une poupée capable de vous faire souffrir ? Une poupée liée à votre énergie. Si Mari était directement liée à cette poupée, alors elle s'était auto-poignardée. Une blessure que l'on ne guérissait pas dans le corps, mais dans l'esprit blessé, dans l'énergie atteinte.

— Tu n'as jamais été blessée, comprenait enfin Logan.

— Jamais.

— Mais ton oiseau...

— Lettie a compris qu'il était parfois plus important de mentir. Elle a accepté de me couvrir, même si elle ne savait pas ce que cela signifiait vraiment.

— Ce n'était donc pas de la légitime défense.

Le regard de la sorcière se fit menaçant et furieux.

— Cette garce a kidnappé mon amie. Pour tenter de me détruire, elle s'en est prise à Lettie. Votre monde a la fâcheuse habitude de me sous-estimer. Alors j'ai envoyé un message.

Elle étira ses doigts, se mettant à tisser dans le vide, permettant à Logan d'être témoin de ses propres yeux d'une spécialité qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps. Hella était une tisseuse.

A la fin, une pelote de fil se matérialisa dans les paumes de la sorcière intrépide. Une pelote sombre, noire.

— Lorsque l'on s'en prend à moi ou à mes plus proches amis, on y mettra en jeu bien plus que sa propre vie, acheva-t-elle sa menace.

La seconde suivante, Marie ouvrait les yeux.