9-

215 36 0
                                    


9-

-Salut, toi !

Nicola leva les yeux de son Chai et les posa sur Allan, qui lui souriait. Son frère s'installa en face d'elle et appela la serveuse afin de prendre leurs commandes. Lorsque la femme repartit, son cadet s'excusa pour son retard.

-Ce n'est rien, je n'ai pas attendu longtemps.

D'accord, cela faisait une vingtaine de minutes qu'elle était assise à la terrasse du café et, oui, elle s'était faite draguer deux fois, mais bon, d'habitude, c'était elle qui était en retard à leur déjeuner alors elle pouvait bien patienter comme il le faisait en temps normal.

Ils essayaient de déjeuner ensemble au moins une fois par semaine mais, avec leurs boulots respectifs, ils leur arrivaient d'annuler à la dernière minute à cause d'une réunion ou d'un projet important à finir en urgence. C'était un peu leur moment de complicité, et puisqu'ils avaient du mal à se voir en dehors de ça, le temps qu'ils passaient ensemble était précieux.

-Ça fait plaisir de te voir, commença le brun en l'observant attentivement, ses yeux marrons balayant tout son visage. Ça fait longtemps.

-On s'est vus la semaine dernière, non ? rit Nick en prenant une gorgée de sa boisson.

-Ça fait longtemps que tu n'es pas passé à la maison. Tes neveux te réclament et Daynan n'arrête pas de me demander quand est-ce que tu reviens.

La brune soupira et retint comme elle put un grognement.

-Tu sais que je ne suis pas à l'aise avec eux.

-Ils s'en moquent de ça. Tu devrais les accepter, eux ils n'en ont rien à faire que tu sois toujours célibataire et que tu n'aies pas d'enfants. Tu devrais le prendre comme ça vient. L'amour ne se refuse pas.

L'amour ne se refusait peut-être pas, mais en attendant, elle ne voulait pas les voir. Elle ne supportait pas la vision qu'ils lui renvoyaient. A vrai dire, elle n'avait rien contre eux en particulier, mais lorsqu'elle se rendait chez son frère, il y avait sa femme, les jumeaux et la petite dernière. Leur maison était toujours pleine de vie et chaleureuse, avec de merveilleuses odeurs s'en émanant. Le problème, c'est que ça faisait culpabiliser la brune. Parce son appartement était froid et impersonnel. Parce qu'elle n'avait personne qui l'attendait le soir. Parce personne ne cuisinait pour elle. Parce qu'elle n'avait pas et n'aurait jamais la famille parfaite.

Il ne fallait pas se méprendre, ça ne dérangeait pas Nicola d'être célibataire, au contraire. Mais lorsqu'elle était entourée de l'amour de ses neveux et que sa nièce posait son regard noisette sur elle, que Daynan lui posait des dizaines de questions sur sa vie tout en préparant un repas pour cent personnes et que tout autour d'elle criait à la famille, elle souffrait. Elle avait choisi sa solitude mais celle-ci la pesait lorsqu'elle était avec des gens.

-Promets-moi que tu passeras bientôt, exigea Allan en posant sa main sur celle de sa sœur.

Cette dernière l'éloigna de lui et la ramena à elle en secouant la tête. Il ne comprenait pas qu'il lui en demandait trop. Passer trop de temps en leur compagnie lui faisait du mal, bien plus qu'elle n'était prête à l'admettre. Forcément, elle se voyait mal lui dire ça. Alors elle ne disait jamais rien mais faisait de son mieux pour ne pas les voir. Elle leur envoyait des lettres pour les anniversaires et les appelait le moins possible.

Mais c'était si dur de se préserver quand tout le monde autour allait dans le sens contraire.

-Je ne sais pas, répondit-elle sincèrement. Je ne veux pas te donner de faux espoirs.

-S'il te plait, l'implora-t-il avant de laisser tomber, n'obtenant pas de réponse. Bon, changeons de sujet, puisque c'est ce que tu veux... Il faut que tu appelles Maman, elle s'inquiète.

La brune laissa échapper un ricanement.

-Vraiment ? Elle aurait dû y penser avant.

-Je sais que vous vous êtes encore disputées mais tu dois lui parler ou passer la voir. Ce n'est pas bien de laisser les choses comme ça.

-C'est facile à dire pour toi, répliqua Nicola, en colère. Ce n'est pas toi qu'elle traite d'ingrate, ce n'est pas toi qu'elle engueule à chaque fois parce qu'elle refuse d'accepter tes choix. J'en ai marre qu'elle remette toujours en cause ma manière de vivre. Je n'aurais jamais d'enfants et je ne serai jamais la fille qu'elle aurait voulu avoir, est-ce qu'elle peut le comprendre et passer à autre chose ?

-OK, calme-toi, je ne t'ai rien fait, moi. Encore un sujet à éviter, hein ? Quoi de neuf à ton travail ?

Le changement de sujet fit retomber sa colère comme un soufflet et elle poussa un soupir discret. Cela paraissait être une conversation bien plus calme. Jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'elle avait changé de collègue depuis la dernière fois qu'elle avait mangé avec Allan et qu'il ne le connaissait pas. A tous les coups, il voudrait rencontrer Lachlan comme il avait rencontré Matt et il découvrait qu'ils avaient couché ensemble. Son cadet avec un don la concernant : il repérait les mecs qui pourraient lui plaire et savait exactement si elle avait fait quelque chose avec eux. C'était sûrement parce qu'il la connaissait mais ça mettait Nicola mal à l'aise.

-Ça va, je bosse sur un gros contrat en ce moment, sourit celle-ci en pesant soigneusement ses mots.

-Et comment va Matt ?

-Bien.

Elle avait répondu trop vite et son frère l'avait remarqué. Il pencha la tête sur le côté.

-Tu me caches quelque chose, affirma-t-il en avançant son buste vers elle.

Il savait très bien que cette position l'impressionnait et il lui lança son regard sérieux et réprobateur. Il savait que ça la faisait craquer à chaque fois et qu'elle balançait toujours toute la vérité.

Or Nick était faible lorsqu'elle se trouvait face à lui et ce regard :

-D'accord, je ne travaille plus avec lui, j'ai un nouvel équipier.

Allan haussa les sourcils, l'air réellement surpris. Il fallait dire que sa sœur lui racontait quasiment tout, et vu comme elle était proche de Matt, elle aurait dû lui annoncer la nouvelle bien plus tôt.

-Comment s'appelle-t-il ?

Ce n'est pas important, eut-elle envie de dire. Mais elle savait que dire ça éveillerait ses soupçons alors elle se contenta de lâcher son nom avec un air indifférent.

-C'est tout ce que tu as à me dire sur lui ?

J'ai couché avec lui. C'était bien. Non, c'était super. Et il travaille très bien, bien mieux que ce que j'avais pensé. Il est sympa en plus et il aime bien manger Japonais et Indien. Il aime aussi lire et il dessine très bien. Sa mère est Ecossaise mais son père est Irlandais. Ça n'a rien à voir, mais il est canon et ses lunettes me donnent carrément envie de lui sauter dessus. Et puis, il a cette façon de me dévorer du regard lorsque je mets des robes ou des jupes moulantes, sans compter ses allusions perverses lorsqu'on ne travaille pas...

Elle grimaça de ses propres pensées. OK, elle avait eu pas mal de temps pour parler avec Lachlan et en avait appris pas mal sur lui. Et OK, elle commençait à l'apprécier. Mais elle ne comptait pas dire ça à Allan ; elle tenait quand même à sa vie et ne voulait pas être submergée de questions.

Alors elle lui dit la seule chose qui pourrait lui couper l'envie d'en apprendre davantage sur lui :

-Euh bien... il est Irlandais.

Le Paradoxe de la Mante Religieuse (#Wattys2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant