Chapitre 22 (2/2)

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Vingt minutes s'étaient écoulées. Vingt minutes de silence et d'angoisse à attendre patiemment que ses matelots descendent les caisses qu'ils avaient rapportées de Nocksor. Tys, les yeux fermés, était concentré sur son ouïe. Il avait guetté le moment où quelqu'un passerait tout près, pour aussitôt manipuler son esprit et l'empêcher de remarquer le cadenas cassé.

Ce moment arriva enfin. Depuis l'autre bout du bateau, où étaient les escaliers, il entendit des pas s'approcher. Des pas lourds et ballots, qui ne pouvaient appartenir qu'à des hommes. Tys sourit ; autant il angoissait, autant il en avait marre d'attendre.

— Plus un son, fit-il dans un murmure. Ça commence...

Personne du groupe n'avait fait le moindre bruit, et personne n'avait envie de le déconcentrer. En ce moment, tous les espoirs reposaient sur les épaules du télépathe. S'il échouait, si les matelots découvraient ce qui se passait réellement ici, ils allaient faire demi-tour pour empocher une rançon sur Leerian. Dans le meilleur des cas. Et ça, c'était si Leerian se laissait faire, car personne, parmi ses amis, n'était assez dupe pour croire qu'il ne serait pas tenté de jouer de son épée d'argent d'abord.

Mishi, pour sa part, était convaincu que cette expédition la mènerait droit dans les bras de son père ; il était hors de question d'abandonner.

Egrim, lui, angoissait en silence. Et s'il terminait ses jours en prison ? Il n'avait que quatorze ans, il avait encore plusieurs centaines d'années à vivre... Et il refusait de les passer à Werisor.

Egrim ouvrit un œil pour observer Narsa. Peut-être même qu'elle allait tout répéter à Sin. Il faut que j'apprenne à effacer sa mémoire. Je suis sûr que c'est possible. Tys pourrait m'aider...

— Je profite de mes dernières secondes pour spécifier un petit truc avec vous, dit Tys. J'angoisse totalement, là, je n'ai pas l'habitude de ce genre de situation. Et quand je suis stressé, j'ai du mal à m'empêcher de lire dans les pensées. Alors, désolé.

Tys lança brièvement un regard vers Egrim, avant de fermer à nouveau les yeux.

Merde, il va me prendre pour un psychopathe, pensa Egrim.

Il va plutôt falloir que tu me prouves le contraire, au point où tu en es, répondit une petite voix dans sa tête.

Tys soupira, s'efforçant de retrouver sa concentration. De l'autre côté de la porte, tout un tas de marins, au-dessus d'une dizaine, s'approchait dangereusement. Tys passa à l'action ; il forgea l'image d'un cadenas parfaitement opérationnelle dans l'esprit de chacun de ses hommes, alors que tous défilaient à la queue leu leu jusqu'au fond de la cale, où ils empilaient les caisses. Ils allaient et venaient, interminablement. Ce n'était pas si mal, pour l'instant ; rien qu'un cadenas, un détail que la plupart ne prenaient pas la peine de regarder, était facile à gérer.

Il leur fallut une dizaine de minutes pour installer chacune des caisses avec les autres. Tys commençait à virer au rouge ; c'était long, pour maintenir une illusion. Mais il y parvint. Quand il entendit les pas du dernier homme quitter les lieux, il se permit de souffler, et même de sourire.

— Ils ne sont pas venus nous voir ? s'étonna Danayelle.

À l'instant qu'elle prononça ses paroles, tous entendirent des pas revenir vers eux. Leerian lui fit signe de se taire, un doigt sur ses lèvres, et Tys se concentra à nouveau sur ses illusions. Trois hommes rebroussaient chemin. Ou peut-être quatre. Trois ou quatre ? Tys fronça les sourcils. Quelque chose clochait. Pourquoi avait-il tant de mal à le percevoir ? Il entendait les pas de quatre personnes bien distinctes...

La porte s'ouvrit. Un premier homme entra. Il tenait une clé entre ses doigts, comme s'il venait tout juste de l'insérer dans un cadenas qui n'existait plus, et s'avança dans la pièce.

La Légende de Nyirdall, Tome 2Where stories live. Discover now