Chapitre 27

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Egrim avait guidé Tys à travers la forêt inconnue. En réalité, ils ne s'étaient pas tellement éloignés ; suffisamment, du moins, pour que les oreilles aiguisées d'un elfe ne puissent surprendre leur conversation... et ce même s'il ne restait plus qu'une sirène et une fée sur leur campement improvisé.

Egrim s'était trouvé une petite clairière où un banc de neige persistait malgré la température à peine au-dessus du zéro. Il observa longuement autour de lui ; rien que des sapins et autres arbres aux branches sans feuilles à perte de vue. Pas d'animaux, pas de chant d'oiseaux. Il s'assit contre un tronc, fit signe à Tys de prendre place près de lui. Puis il passa sa langue sur ses lèvres gercées, angoissées de ce qu'il s'apprêtait à dire.

— Tu n'en as peut-être pas conscience, Tys, mais tu es mon meilleur ami. Nous nous sommes côtoyés que pendant trois semaines à l'Institut, mais parmi toutes mes autres connaissances de l'école, tu es celui que j'ai le plus apprécié. Et s'il y a bien une personne avec qui j'ai envie d'être honnête, c'est toi.

— Tu m'as l'air drôlement dramatique, fit Tys avec angoisse. Qu'est-ce qui se passe ?

— Oh, en dehors du fait que nous sommes en territoire ennemi ? répliqua Egrim. Trois fois rien ! (Il soupira, avant de reprendre avec plus de sérieux :) Il y a tout, en fait. Depuis plusieurs mois, je... Je ne l'ai dit à personne. Pas même Dana. Je...

Il pinça les lèvres, cherchant ses mots. C'était difficile. Par quoi commencer ? Il en avait tellement sur le cœur...

— C'est si grave que ça ? dit Tys qui percevait ses émotions, puissante comme un coup de poing à l'estomac.

— C'est encore plus grave que ça.

Il ferma les yeux, incapable de soutenir le regard de son ami. Ils étaient si bleus, si clairs ! Pire que la mer Maras autour de son île natale.

— Ma mère me frappait, et j'ai découvert que c'est parce que j'ai été conçu par un viol et mon vrai père serait un djinn. Et c'est peut-être même pour ça que je suis doué en magie.

Ça y est, c'est sorti. Egrim lâcha un gros soupire, puis leva à nouveau les yeux. Tys l'observait bêtement, la bouche entrouverte et les sourcils en l'air.

— Quoi ? fit-il après un temps de retard.

— Ma mère...

— Non, non. Ne te répète pas. J'ai bien compris ce que tu as dit. Seulement... ouah. C'est... impossible.

— Ma mère m'a frappé, dit Egrim en détournant le regard. Tout au long de mon enfance... et je te juste que ses trois semaines à L'Institut avaient été le premier moment de calme de toute ma vie.

— Ça, je peux le croire. J'avais déjà remarqué que tu n'appréciais pas particulièrement ta mère, par ta façon dont tu parlais d'elle, parfois. En revanche, je ne m'étais pas attendu à ça...

— Elle a été violée. Par un djinn.

— Ça, cependant, j'aimerais bien connaitre tes preuves. Parce que sérieux, les djinns ne s'accouplent pas, tout le monde le sait.

— Je le sais aussi, figure-toi. J'ai cru qu'on se foutait de ma gueule et j'ai essayé d'ignorer l'information. Le problème, c'est que... il y a quelques jours... j'ai tué un homme.

Tys pinça les lèvres. Il s'efforçait de cacher son dégout, pourtant Egrim le voyait clairement sur son visage. Il soupira, détournant le regard.

— Tu le savais déjà. C'est à cause de ça que le capitaine prenait tellement de plaisir à me frapper... ou à frapper Leerian. Le truc, c'est que... en le tuant, il y a une seule goute de sang qui a touché ma peau... juste là.

La Légende de Nyirdall, Tome 2Where stories live. Discover now