Chapitre 39 (1/2)

26 5 21
                                    

Aranel, Sixième Monde.

Hoang se redressa, massa ses reins endoloris, résista à la tentation de poser sa main sur le collier qui cerclait son cou. Un collier d'esclave... ils étaient censés avoir été tous détruits, quelques vingt ans plus tôt. Jamais Hoang n'aurait imaginé en porter un, alors qu'il était un citoyen modèle de l'Empire. Aranel était un monde dur dans certaines régions, mais il avait adoré le doux climat de Colcis, au pied des montagnes de la Clalès, au nord de la Grande Forêt. Un terrain propice à l'agriculture, et il y possédait des hectares qu'il savait faire fructifier. Tout avait basculé treize jours plus tôt, quand il avait refusé de prêter allégeance aux envahisseurs Stolisters.

Avec ses voisins, Hoang avait suivi l'attaque sur le Palais Impérial, sur Druus, sans vraiment y croire. Puis les ombres des vaisseaux Stolisters avaient remplacé le soleil ; effarés, ils n'avaient eu que le temps de voir Arian se faire pulvériser sur leur écran. Comment résister à une telle puissance ? Aranel ne possédait pas d'armée, juste quelques guildes de mercenaires pour sécuriser les transports de certaines denrées - on n'était jamais trop prudents.

Jusqu'au bout, il avait espéré, mais les nouvelles avaient été pires de jour en jour. Varyl s'était auto-proclamé Empereur, sans même une cérémonie digne de ce nom ; Anwa avait subi un bombardement orbital qui avait détruit toute vie à sa surface ; Nienna, Meren, Ciryatan avaient capitulé, et même Bereth, qui pourtant hébergeait les Cinq Légions qui avaient fait la fierté de l'Empire des Neuf Mondes, s'était soumise. Aranel pouvait-elle résister seule ?

Il s'était avéré que non. Pris à la gorge, le Seigneur Daiso d'Aranel n'avait eu d'autre choix que d'accepter la présence des Stolisters sur son sol. Plusieurs Seigneurs mineurs s'étaient rebellés, avaient pris les armes. Les Stolisters les avaient traqués, mais au lieu de les tuer, ils les avaient entravés de lourdes chaines, et envoyés dans les mines.

Les mines du Nord d'Aranel étaient réputées dans tout l'Empire. C'était là, dans ces boyaux sombres, qu'on extrayait les précieux cristaux Kloris, dont on tirait les lames prestigieuses destinées aux Maagoïs. Un travail qu'on réservait autrefois aux esclaves les plus résistants, car la durée de vie était faible, dans les mines.

Juché sur le siège de l'énorme tronçonneuse à lame diamantée, Hoang toussa derrière son masque. Même si les esclaves avaient été considérés comme des consommables, les Aranelliens avaient cherché à prolonger leur vie un minimum. Les Stolisters aussi s'étaient rendus compte que sans protection, les ouvriers-esclaves ne tenaient pas trois jours.

La plupart des mines étaient fermées depuis des années. Qu'est-ce qui avait poussé les Stolisters à les rouvrir toutes ? Les cristaux Kloris étaient résistants, mais la demande était faible. Avaient-ils découvert un nouveau débouché au produit ?

Malgré leurs masques, Hoang savait qu'ils ne survivraient pas longtemps ici. La poussière était si fine qu'elle traversait tous les filtres ; si corrosive qu'elle abimait irréversiblement les poumons et les engrenages des machines, soumises à un entretien quotidien. Après l'abolition de l'esclavage, vingt ans plus tôt, des robots et des machines avaient été construits exprès pour les mines. En pure perte. Le champ électromagnétique perturbait les réglages malgré l'épaisseur du blindage ; la poussière enrayait les mécanismes malgré les énormes quantités d'eau utilisées.

Alors les machines avaient été simplifiées à l'extrême, leur conduite dévolue à des ouvriers alléchés par un salaire mirobolant. Un mois dans les mines d'Aranel équivalait à deux ans de travail au tarif standard. L'argent ou la santé : un choix que beaucoup avaient regretté par la suite, mais qui n'empêchait pas de nombreuses candidatures.

Une semaine que Hoang travaillait là, et déjà il avait l'impression d'avoir perdu en souffle. Et quand il entendait la respiration sifflante de ses compagnons d'infortune, le soir, dans les dortoirs, il parvenait à se trouver chanceux. Certains ne tiendraient pas jusqu'à la semaine prochaine et qui irait se préoccuper d'eux ? Ils étaient seuls, abandonnés par l'Empire. Hoang n'avait plus aucune nouvelle, de toute manière. Les Stolisters les gardaient isolés, interdisant tout écran. Pour les rares qui avaient réussi à passer les fouilles, le champ magnétique compliquait la connexion au réseau.

L'héritage des phénixWhere stories live. Discover now