Chapitre 19

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Eraïm, songea Surielle en fermant les yeux.

Elle savait que c'était inutile mais elle trouvait plus facile de procéder ainsi. Elle sentit le monde qui basculait, ouvrit les yeux sur le décor ouateux.

Elle était bien loin du confort de son lit.

Loin de se précipiter, cette fois, Surielle goûta à la sérénité des lieux. Le silence, d'abord, parfois troublé par le souffle du vent ou le grattement du papier. La couleur vibrante du ciel, d'un mauve lumineux. La douceur de l'air, bien plus agréable que les fraiches températures massiliennes.

Était-elle là en esprit ou avec son propre corps ? Quelle force avait-elle placée dans son murmure ? Surielle observa ses mains, chercha une différence sur ses bras qui lui permette de répondre à cette question. Puis elle eut un déclic. Elle portait un pantalon simple comme elle les aimait, un pull doux et confortable, d'un jaune moutarde, alors qu'elle était en chemise de nuit sous sa couette.

— Je ne pensais pas te revoir de retour ici si vite, Surielle.

La jeune ailée sursauta. Eraïm se trouvait non loin d'elle, comme surgi soudainement du néant.

— Les Stolisters nous suivent. Comment est-ce possible ?

Eraïm fronça les sourcils.

— Orhim devient plus puissant, il faut croire. Plus vite que je ne l'avais prévu. Tu bénéficies de ma protection, Surielle, mais les impériaux portent les traces d'Orssanc. C'est ça, qu'ils perçoivent, cette irrégularité sur le sol des douze Royaumes.

— Nous avons prévu de rejoindre l'Empire demain.

— C'est un peu précipité, mais, je peux accepter ce choix. Es-tu certaine que c'est le bon moment, Surielle ?

La jeune femme soupira.

— Nous ne tirerons rien de plus des ruines de Lapiz, alors, à quoi bon rester sur Massilia ?

Eraïm resta silencieux et Surielle pinça les lèvres. Il ne leur donnerait pas les réponses si facilement. Y'avait-il un bon choix, d'ailleurs, ou seulement un choix moins pire que les autres ? Peut-être que l'avenir qu'il percevait était si horrible qu'il préférait ne rien dire ?

Surielle frissonna.

— Est-ce que... (elle ravala sa salive). Est-ce que je suis heureuse, dans le futur ?

Eraïm se rapprocha d'elle, saisit son menton entre ses doigts fins, plongea dans son regard. Hypnotisée, Surielle réalisa que les iris violets n'étaient pas seulement violets, non, ils se fragmentaient en une myriade de points lumineux, comme des petites comètes, non, des galaxies, des étoiles filantes qui tourbillonnaient, qui...

— Surielle ?

Elle cligna des yeux, fit un pas en arrière, désorientée, porta la main à sa tête.

Près d'elle, Eraïm lui souriait avec tendresse.

— Qu'est-ce... qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?

— Il y a une raison pour laquelle le futur reste invisible aux mortels, Surielle. Votre esprit est remarquable d'adaptation, mais encore bien trop limité pour appréhender les multiples infinités qui s'offrent à vous.

Il y eut une pause, puis il reprit.

— Je ne peux te révéler ce qui t'attend, Surielle, car si je le fais, vos chances de succès seront réduites. Néanmoins, retiens bien ceci. Le futur est la somme de vos choix. De fait, il reste modifiable et il y a toujours un espoir. Plusieurs des chemins que j'entrevois te mènent au bonheur. Pas forcément de la façon dont tu l'imagines aujourd'hui.

L'héritage des phénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant