Chapitre 37

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Surielle cligna des yeux et laissa échapper un soupir de soulagement. Le ciel mauve du domaine d'Eraïm était bien là. À ses côtés, son père détaillait les lieux, à peine surpris. Son phénix lui avait-il parlé de son pouvoir ?

Ici, sa blessure avait disparu, mais Surielle se doutait qu'elle réapparaitrait dès qu'ils retrouveraient le monde réel. Que pouvait-elle faire ?

— Je ne pensais pas te revoir si tôt, Surielle, ni ainsi accompagnée, déclara Eraïm.

Lucas s'inclina avec toute la grâce qui le caractérisait.

— C'est un honneur d'être ainsi accueilli.

— L'honneur est pour moi, répondit Eraïm. Tu as préservé la descendance de Félénor, avec honneur, fils d'Edwin. C'est grâce à toi qu'elle a survécu aux épreuves qui lui ont été imposées ; et c'est la raison pour laquelle tu es en droit de solliciter une faveur de ma part.

Pour la première fois de sa vie, Surielle vit son père pris au dépourvu.

— Ne suis-je pas mort ?

— Papa ! protesta Surielle.

Lucas se contenta de sourire.

— La mort vient pour tous, ma fille. Et le domaine d'Eraïm est le lieu qui accueille les âmes. Le coup que j'ai reçu me tuera en quelques heures.

— Mais le temps qui t'est imparti n'est pas encore arrivé à son terme, intervint Eraïm. Demande.

Surielle perçut l'hésitation de son père. C'était étrange, de le découvrir si... vulnérable. Depuis quand lui apparaissait-il faible et fatigué ? À ses yeux, son père était un roc solide, inaltérable. Invincible.

Et si c'était elle, qui avait changé ? souffla une petite voix dans son esprit.

— Ma mère se promène-t-elle dans les Jardins ?

— Viens, invita Eraïm.

En quelques pas, le décor changea ; une brume éthérée recouvrit l'horizon ; une herbe verte apparut sous leurs pieds. Les Jardins étaient là.

Surielle s'émerveilla de la beauté des lieux. Les Jardins... elle comprenait mieux pourquoi on les nommait ainsi. L'air était chargé d'une odeur florale, des buissons aux feuilles d'un vert pâle parsemaient la prairie, tapissée de fleurs aux coloris pastel.

Eraïm leur expliqua que chaque âme y résidait un temps ; au fil des siècles, leur intérêt pour les mortels, pour leur lignée, s'étiolait. Les âmes se dissolvaient alors dans le grand tout, berceau des âmes futures. Un lieu qu'il avait désigné d'un vague geste de la main, vers le lointain. Surielle n'avait rien distingué dans cette brume bien plus épaisse, parsemée d'éclairs violets.

— Les voilà.

La brume s'écarta sur un geste de sa part, révélant deux silhouettes. Un homme de haute stature, aux yeux bleu-acier, aux côtés d'une femme au doux regard gris, aux longs cheveux châtains. Un sourire éclaira son visage et Lucas saisit ses mains ; il avait l'impression de tenir un nuage entre ses doigts.

— Aucun portrait ne te rend justice.

— Je suis si fière de toi, mon fils.

— Tu m'as tant manqué...

— Je sais. J'aurais moi aussi préféré qu'il y ait une autre solution. Tu as une belle famille, désormais. Et malgré tes souffrances, tu t'es toujours relevé. Je ne regrette rien.

— Nous serons toujours là, ajouta son père. Profite de la vie qui t'attend.

Lucas les étreignit une dernière fois, puis les deux silhouettes reculèrent et disparurent dans la brume. Il resta là un moment, le regard dans le vague, plus secoué qu'il ne se l'était imaginé. Enfin, il prit une grande inspiration, retrouva son équanimité.

L'héritage des phénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant