Chapitre 21 (2/2)

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Le mobilier était sommaire, comme leurs logements dans cette base retranchée. La table ovale occupait l'essentiel de l'espace, rien n'ornait les murs nus et sombres. Il ne restait plus qu'une chaise libre, et Surielle s'y faufila prestement, heureuse d'être près de Shaniel. Elle ne reconnaissait personne.

— Nous sommes donc au complet, annonça Rayad en se levant. Permettez que je vous présente Surielle sey Garden, la fille ainée de la Souveraine de la Fédération des Douze Royaumes.

Surielle salua poliment l'assemblée, le cœur battant d'être ainsi au centre de l'attention. A son soulagement, Rayad poursuivit :

— Lors de notre séjour sur le sol de la Fédération, nous avons appris que la déesse Orssanc, qui protège notre Empire, est plongée dans un profond sommeil. Un sommeil qui pourrait bien la détruire, du fait de l'affaiblissement de son culte.

— Un culte que votre père, Orssanc garde son âme, a lui même interdit et démantelé, objecta le Seigneur Evan.

— Et reformé, Seigneur Evan, certes de manière minimale, pour permettre le fonctionnement de la Porte, lui retourna Rayad. Les Stolisters ont du des années pour préparer l'invocation de leur dieu, Orhim. Un dieu qui a détruit Arian, pour que vous ne doutiez pas de sa puissance.

— Vous êtes bien informés, s'étonna le Seigneur Jahyr. Êtes-vous certain que la destruction d'Arian est l'œuvre du dieu lui-même, non de sa flotte ?

Rayad acquiesça, et les murmures des conversations enflèrent. Ses poings se serrèrent sous la table. Il ne les avait pas convaincu, et il ne pouvait même pas leur en vouloir, car il aurait réagi de la même façon.

— Permettez-moi de douter, dit enfin le Seigneur Jahyr, cristallisant les pensées de tous. Les dieux et les déesses... certes le culte est pour ceux qui croient, mais quand même... notre développement est suffisamment avancé – sans vouloir vous vexer, mademoiselle – pour que nous ayons compris qu'il n'y a nulle entité supérieure et que notre survie dépend de nous.

— Je n'ai rien inventé ! protesta Surielle. Les dieux existent, et nous avons vu Eraïm !

La sensation de tiraillement la fit grimacer un instant. Établir le lien était plus difficile ici, ou bien elle arrivait mieux à se contrôler. C'était rafraichissant de ne plus avoir à surveiller ses paroles. Enfin, en ce qui concernait les dieux.

— Une hallucination peut être collective, proposa Evan, amusé.

Vexée, Surielle croisa les bras. Elle avait terriblement consciente d'être trop jeune pour renverser les convictions bien établies d'hommes et de femmes au pouvoir depuis longtemps. L'une des silhouettes, d'ailleurs, gardait son attention sur elle, depuis les profondeurs de sa capuche d'un bleu sombre.

— Vous ne me croyez pas, dit-elle avec tout le calme qu'elle put rassembler.

S'énerver ne servirait pas ses plans et serait un net désavantage.

— Je suis massilienne, poursuivit-elle. Je ne peux pas mentir. Réveiller Orssanc est d'une importance capitale ! Vous devez me croire !

— Moi, je vous crois.

Interdite, Surielle considéra la silhouette qui venait de se lever. Il abaissa lentement sa capuche grise, révélant le crâne lisse et rasé d'un Prêtre d'Orssanc. Sur sa bure étaient brodées les flammes rouges d'Orssanc, le symbole de sa charge.

Ses yeux pâles, d'un bleu délavé, transperçaient l'âme.

Il était perturbant d'être soutenue par un tel homme alors que le culte d'Orssanc avait été au cœur des problèmes que ses parents avaient rencontré.

L'héritage des phénixWhere stories live. Discover now