4. Où donc?

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Je me levai tôt le lendemain matin pour écouter les nouvelles à la télé. Telle ne fut pas ma surprise de tomber sur un reportage exclusif sur de mystérieuses disparitions arrivées la veille. Mon assiette à la main, je me couchai sur le divan. Le père de mon amie m'avait permis de manquer les cours. J'étais donc là, avachie sur le canapé, quand soudain un invité se fit présenter ses condoléances pour ses parents lors de l'Enlèvement (c'est ainsi qu'on appelait la volatilisation de millions de personnes partout dans le monde). Il répondit à cela en disant que sa mère n'avait pas disparu, mais qu'au contraire il savait où elle était.

- Où donc? demanda l'animatrice fort surprise.

- Au paradis, répliqua l'invité très sérieux. Ma mère était très croyante, vous savez. Elle n'arrêtait pas de me demander de l'accompagner à l'église mais je refusais sans cesse. J'y serais bien allée ne serait-ce qu'une fois pour mieux comprendre sa disparition. Mais je suppose qu'il est trop tard maintenant.

Sa dernière phrase me troubla au point de changer de chaîne. Croyant trouver la paix peut-être? Je tombai sur un autre reportage où cette fois, un adolescent parlait d'un livre de la Bible, l'Apocalypse de Jean, où il est question de la disparition de tous ceux qui croient en Jésus et qui l'ont accepté comme sauveur personnel. Quoi, sauveur personnel? Étonnamment, cela me disait quelque chose. Roy m'en avait déjà parlé quand j'avais quitté l'église. Il disait que si jamais je mourais ou que « Jésus revenait » (c'était ses mots), je ne monterais certainement pas au ciel, à moins de me repentir. Quoi qu'il en soit, quand on lui demanda s'il irait au ciel (à l'ado, pas Roy), le jeune répliqua qu'il ne tenait pas à aller au ciel parce que ça avait l'air trop plate. Il s'appelait Derek. Son nom et son visage me disaient quelque chose, mais je n'arrivais pas encore à mettre le doigt dessus. Je fermai la télé et méditai sur ce que je venais de voir. Cela voulait dire que je ne trouverais jamais mon tuteur puisque mon parrain et ma marraine étaient chrétiens si je ne me trompais pas. Cela voulait aussi dire que j'étais définitivement condamnée à moisir sur Terre. À moins que...

Jecourus jusqu'au grenier et y prit une boîte de vieux bouquins dont m'avaitparlé Gina. J'en sortis un livre poussiéreux : une Bible datant del'époque de ses arrière-grands-parents. Une perle rare d'après son père. Jel'ouvris en éternuant et le feuilletai jusqu'à la fin. Je tombai sur le dernierlivre, qui m'était désormais familier : L'Apocalypse. Je passai monavant-midi à me bourrer de chocolats tout en lisant et décryptant ce livre.Quand je finis, je laissai une note au père de Gina sur le réfrigérateur et jepartis faire un tour en autobus.    

L'EnlèvementWhere stories live. Discover now