20. Poêle

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Derek et moi décidâmes de partir de chez moi au bout de trois jours. Il s'agissait désormais de changer de quartier, ou tout au moins d'être suffisamment en mouvement pour que les autorités ne nous trouvent pas. Par conséquent, nous ne pouvions apporter que le strict nécessaire.

- On prend quoi?

Derek dormant dans la remise, j'étais allée lui ouvrir la porte patio qui donnait sur le salon. Nous discutions de ce qu'il nous faudrait transporter.

- Écoute, on ne sait pas combien de temps on va devoir se cacher avant de trouver un endroit sécuritaire. Le plan ne fonctionnera pas, m'inquiétais-je.

- Mais on ne peut pas rester non plus!

- Je sais mais...

- Il n'y a rien de plus à dire!

Je me tus donc alors que j'ouvrais une boîte de craquelins. Nous continuâmes à faire nos sacs silencieusement pendant plusieurs minutes. Sardines, thon, jus, lampe de poche, allumettes, piles, serviettes sanitaires (pour moi, bien sûr), brosse à dents, dentifrice, vêtements de rechange, trousse de premiers soins... je ne savais plus quand arrêter. Devrais-je prendre mes cartes d'identités? Mon argent?

- Tu as pris quoi? demandai-je à Derek.

- Des vêtements, un peu de nourriture et un briquet.

- C'est tout? insistai-je.

- Euh... je n'ai plus de place dans mon sac pour autre chose.

- Penses-tu que je devrais prendre un poêle, si on veut cuire nos repas en route?

Derek me fixait d'un air étrange. Je tirais sur mon chandail pour occuper mes mains.

- Dis donc, ça va? Tu as l'air paniquée.

Je ne répondis pas. C'était juste trop... Je ne pouvais pas partir, je ne voulais pas partir. À défaut de mourir de froid ou de faim, j'allais mourir de chagrin. Mais comment expliquer cela à un jeune adulte qui vous haïssait deux semaines auparavant? Je ne m'essayai même pas, je me contentai de m'asseoir sur le plancher et de rentrer ma tête entre mes deux genoux en respirant lentement. J'entendis Derek venir me rejoindre. Je relevai la tête pour le regarder, mais mes yeux brouillés de larmes ne m'offraient pas une image suffisamment définie pour déterminer ce qu'il ressentait à me voir ainsi.

- C'est trop difficile... j'aimerais tellement pouvoir m'endormir et me réveiller deux ans en arrière, où j'étais avec tant de gens que j'aime et que je ne reverrai plus jamais...

- Ne dis pas ça! Tu vas les revoir plus tard, m'assura Derek.

Il marquait un bon point. Dire qu'il y a une semaine il ne possédait pas de Bible.

- En plus, ajouta-t-il, pense à tous ces gens qui sont perdus, là, dehors. Tu ne peux pas simplement porter le message que tu portes et te terrer jusqu'à ta mort sans le partager à personne! Tu n'es pas si égoïste, non?

- Tu as raison, finis-je pas répondre. C'est tout à fait vrai ce que tu dis. Merci de m'avoir remonté le moral.

Jen'avais pas le choix, cela aurait été assez difficile de sortir dehorssilencieusement si tu pleurais comme tu viens de le faire! répondit-il,pince-sans-rire.    

L'EnlèvementUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum