110. Coincée sur toute la ligne

48 3 2
                                    

Rien n'avait changé. Ni l'emplacement du bureau, ni les meubles et les objets dans celui-ci, ni la mine du grand patron des lieux. Il n'y avait que moi qui avais les cheveux encore plus longs, le dos encore plus meurtri, mes sourcils encore plus froncés.

- J'attends toujours le bon moment pour appeler un détenu.

Tels furent les mots que M. Ricardo prononça en guise de salutation.

- Du nouveau sur ma vie personnelle? plaisantai-je.

- En quelque sorte, oui. Mais – où sont mes manières? – mes condoléances pour votre amie.

- Merci, ça ira, répondis-je sèchement.

- La raison pour laquelle je vous ai fait appeler est pour discuter de votre mort, m'apprit-il le plus naturellement du monde.

J'étais si surprise par son franc-parler que je me penchai vers le bureau.

- Continuez, l'incitai-je.

- Vous êtes une figure de cette révolte, de ce mouvement de chrétienneté. Vous nous faites revenir dans le temps, c'est peu dire.

- Il faut dire qu'avec les méthodes de torture que vous améliorez quotidiennement, il est facile de s'identifier à un martyr du premier siècle...

- Après J.C., oui, s'emporta M. Ricardo. Enfin, il faudra penser à changer l'échelle du temps un de ces jours, c'est ridicule de dater l'exécution d'un chrétien avec une date chrétienne.

Je pouffai de rire sous son regard indigné pour des détails de ce genre. Mais il ne le remarqua pas.

- Enfin, pour revenir à nos moutons, je te demande de choisir ton propre châtiment. À moins, bien sûr, que tu renies tes croyances et que tu bascules enfin du bon côté. Il n'est jamais trop tard.

- C'est toujours non.

- Bon, dans ce cas, rétorqua M. Ricardo, froissé, dis-moi donc ce que tu préfères entre ces sentences.

Il me tendit une liste. Noyée, brûlée vive, fouettée à mort, la liste continuait ainsi sur toute la page. Chose étrange que de décider comment des hommes cruels allaient arrêter votre vie. Néanmoins, je m'arrêtai sur un mot et le pointai à l'égard du père de Gina.

- C'est ce que je veux.

- Je me doutais bien que vous voudriez terminer vos jours comme votre père adoptif, avoua-t-il en me souriant. Sans doute parce que vous resterez un cadavre présentable, ou un cadavre tout court. Donc c'est définitif?

- Oui.

- Maintenant, choisissez comment votre époux doit mourir.

Je manquai de m'étouffer avec ma salive. J'étais coincée. 

L'EnlèvementWhere stories live. Discover now