98. Écluses

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J'en étais incapable. Les paroles étaient là, dans ma gorge. J'étais prête à tout déballer, mes peurs, mes angoisses, mes interrogations, mes peines. Rien ne franchit mes lèvres. Derek me regardait avec un regard interrogateur. Il brisa le silence après au moins quinze minutes.

- Eh bien, préfèrerais-tu broyer du noir dans ta cellule?

Je fis non de la tête. Je le fixais, implorant des yeux.

- Comment vas-tu? me demanda-t-il. Sincèrement.

Il m'avait débloqué. Les larmes sortirent telle l'eau libérée des écluses. Je m'effondrai.

- J'ai causé la mort de trop de personnes... Gina, Jacques, mon oncle, mon père...

- Ton père?

Je lui déballai l'affaire à travers mes sanglots.

- ... Et le pire dans tout cela, c'est que ni ma mère ni mon frère ne m'ont demandée comment je vivais son décès. J'étais tellement perdue! Depuis que je suis chrétienne, j'ai dû pleurer dix fois plus que dans toute ma vie entière!

- Ce n'est pas une mauvaise chose, me taquina Derek. Tu vois, tu te sens déjà mieux.

Il n'avait pas tort.

- Écoute, chérie, continua-t-il, tu n'es responsable d'aucune de ces personnes. Dieu sait tout, par conséquent il savait déjà quand ces gens allaient mourir. Pour ton père, surtout, il a été confronté au choix de s'enlever la vie ou pas. Il a décidé de le faire quand même. Tu n'y es pour rien, tu ne le savais même pas!

Je me sentais beaucoup mieux, mais assez parlé de moi. Je le fis un rapide baiser sur la joue en guise de remerciement et relançai la conversation.

- Es-tu retourné à la lice, dernièrement?

Je connaissais déjà la réponse.

- Ouais, admit Derek. Dès que tu es parti, le bourreau m'a frappé la rotule avant de m'en aller à mon tour. Je ne peux pas mettre tout mon poids sur cette jambe depuis.

Je m'arrêtai dans mon élan de lui faire une caresse quand je me rappelai que son dos le faisait toujours souffrir. Derek s'en aperçut.

- Ne te gêne pas, viens.

Je m'assis sur sa jambe intacte et posai la tête sur son épaule. Derek entreprit de me démêler les cheveux, qui descendaient jusqu'à mes hanches.

- C'est fou ce que tu es belle. Tu as les cheveux frisés les plus longs que j'ai jamais vu et des yeux bleus océan à couper le souffle!

Je souris, trouvant comique qu'il ne le souligne que maintenant.. Derek ferma les yeux sans lâcher mes cheveux.

- C'est dur de se dire que je ne te verrai même plus demain à la même heure, soupira-t-il. 

L'EnlèvementDär berättelser lever. Upptäck nu