Chapitre 7

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Ben perdit instantanément son sang-froid. Il regardait les trois hommes devant lui : ils étaient sur trois merveilleux étalons noirs. Les deux hommes plus vieux devaient avoir trente ans, peut-être vingt-cinq. Ils portaient une épée à leur ceinture et un arc était accroché sur la selle de leurs chevaux. Ils avaient tous deux des yeux verts pétillants et une chevelure blonde. Leurs traits étaient durs et sévères et l'on pouvait voir sur leurs bras nus une imposante musculature. Le troisième homme était plus fin et plus jeune. Il n'était probablement même pas adulte. Il devait avoir un an ou deux de plus que lui, tout au plus. Peut-être même le même âge. 

Il avait aussi des yeux verts, plus sombres que les hommes qui l'accompagnaient, mais incroyablement profonds et captivants. Ils reflétaient une lueur d'intelligence et d'ingéniosité. Ils étaient eux-mêmes encadrés par des cils épais et sombres, qui ajoutaient une touche d'intensité à son regard. Même ses sourcils fins et bien définis soulignaient parfaitement ses yeux perçants. Ce qui était le plus troublant chez lui était sa chevelure argentée, qui semblait irréelle. Celle-ci reflétait d'une manière presque magique la lumière. Ses cheveux n'étaient pas parfaitement coiffés, ce qui donnait à sa chevelure une beauté désordonnée. Ses traits étaient remarquables. Il avait un visage bien sculpté, une mâchoire définie et un menton légèrement carré. Il portait enfin un uniforme bleu avec l'emblème des Ravenshade : un corbeau en plein vol avec une branche de chaîne dans le bec, sur l'épaule droite. Les trois individus avaient une attitude fière, royale et supérieure.

Les trois hommes regardaient, interloqués, Hope, qui se tenait à terre, mais qui était bien vivante visiblement. Ben en éprouva d'ailleurs un instantané soulagement. À côté d'elle, l'esclave était vivant lui aussi et l'idée que les deux s'étaient évanouis en même temps était dure à croire. Le jeune homme aux cheveux argentés fut le premier à descendre de sa monture en s'approchant de Hope. Ben sortit de ses gonds tout de suite après et courut vers son amie pour lui porter secours. Il ne put marcher trois mètres qu'il fut arrêté par l'un des deux autres hommes qui lui mit son épée sous la gorge. Ne craignant plus la mort, Ben se débattit pour essayer de lui porter secours. L'homme voulut l'achever, mais le jeune homme aux cheveux argentés prit la parole.

-Cessez cela, Eldric. Cela n'en vaut pas la peine. Il sait peut-être quelque chose. Ne vouliez-vous tout de même pas achever notre seule piste ?

-Monsieur, il aurait pu vous attaquer.

-Me jugez-vous incapable de me défendre contre cet enfant ? Vous m'offensez, vous savez ? Regardez-le, il n'est même pas capable de s'approcher discrètement ou de garder son sang-froid.

-Pardon, monsieur.

Le dénommé Eldric lâcha Ben, qui réussit à garder son calme. Il regarda les hommes tours à tours, ne sachant pas comment réagir.

-Alors, jeune homme, parle, qui est cette fille ?

Cédric Ravenshade était bien curieux en cette matinée. Il espérait au fond une trêve dans ses journées monotones et prives d'intérêt. Voir deux chevaux arriver chez lui en courant avait déjà constitué un évènement imprévu, mais excitant. Trouver une jeune fille inconsciente, près d'un esclave deux fois plus grand qu'elle et lui-même inconscient l'était encore plus. Il peinait à croire qu'une gamine avait pu battre un esclave surentraîné. Elle devait cacher quelque chose. Et puis, il sentait cette connexion qu'il n'avait senti qu'une seule fois. Une connexion tant envoûtante que mystérieuse. Cette fille l'intriguait et il rêvait de découvrir tous ses secrets. Il regarda alors le garçon qui avait tenté un sauvetage désespéré, ou une vaine tentative d'assassinat. Il remarqua tout de suite qu'il n'était pas fait pour se battre et que, bien qu'il tînt un vulgaire couteau dans la main, il n'avait pas les capacités de s'en servir. Il n'était même pas apte à le tenir comme il fallait. Il attendit tout de même sa réponse, qui pouvait s'avérer utile :

-Je... je, je ne sais pas, je...

-Inutile de me mentir. Sache que ta vie ne tient plus qu'à un fil. Si je le désirais, tu mourrais sur le champ.

-Elle est mon amie, mais c'est tout, on ne voulait rien faire de mal.

-Vu l'état de l'esclave, il me semble qu'elle serait capable de blesser, voire de tuer, un être humain. Mais pour l'instant, elle est à terre. Alors donne-moi une seule raison de laisser en vie une personne qui est entrée dans ma forêt sans permission.

Cédric l'avait secoué, il le remarquait. C'était ce qu'il recherchait. S'il avait des informations à lui fournir, il le ferait mieux s'il perdait son calme.

-Hâte-toi, ne me fais pas perdre mon temps.

Alors qu'il semblait totalement déboussolé, le garçon inspira un grand coup et donna l'impression d'avoir oublié toutes ses craintes. Ses yeux s'allumèrent lorsqu'il commença à parler d'une voix presque assurée :

-Nous sommes en tort, cela est vrai. Mais vous ne gagnerez rien à nous accuser.

-Je pourrais me servir de vous comme exemples.

-Et vous pensez réellement que cela suffira ? On sait déjà qu'on entre tous dans cette forêt au péril de notre vie. Nous exécuter en public n'y changera rien. Par contre, je suis prêt à m'offrir à vous si vous la laissez en paix. Je ferai tout ce que vous voudrez.

-Je peux très bien m'approprier de vous deux, qu'est-ce qui m'en empêcherait ?

-Je ne suis certes pas très fort, mais mon amie l'est. La prendre comme esclave revient à courir à sa propre perte.

-Les hommes sont simples à dompter.

-Même lorsqu'ils préfèrent la mort que la privation de leurs libertés ? Croyez-moi, mon amie ne saurait vous apporter que du malheur. Moi, je peux me rendre utile. Je ne sais pas me battre mais je ne suis pas stupide. Peut-être qu'un esclave qui en a dans la tête vous sera utile.

-Je répète que vous pouvez tous les deux devenir mes esclaves si je le désirais.

-C'est ce que vous croyez. Vous avez promis un pardon si l'on vous payait une certaine somme d'argent, il me semble. Or, ma famille en possède assez pour m'affranchir. Pourtant, je m'offre à vous et je puis vous assurez que, en tant qu'esclave, je suis celui qui a le plus de valeur.

Cédric regardait ce garçon, surpris. Il était rare qu'on lui tînt tête, encore plus avec des propos qu'il était incapable de contrer. La compagnie de ce jeune homme pouvait le divertir, du moins pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il trouve son point faible. En réalité, il n'était pas complexe de le déduire : ce garçon était prêt à tout sacrifier pour la fille qu'il avait devant. Fille à qui Cédric n'avait pas l'intention de faire du mal. Ce serait un énorme gâchis. Cela, cependant, il n'allait pas le révéler, il perdrait son atout et son avantage. Il leva la tête et vit que le soleil était déjà haut dans le ciel à présent. Il était bientôt l'heure de manger. Il réfléchit. Il n'avait besoin que de la fille, mais elle parlerait peut-être avec plus de confiance s'il emmenait le garçon. Il prit sa décision, le manoir était bien trop vide de toute façon, un peu de compagnie ne lui ferait aucun mal. Il fit un signe de tête à Eldric, qui alla prendre délicatement la jeune fille pour la poser sur la selle de son étalon. Avant que le garçon, dont il ignorait pour l'instant le nom, n'ait le temps de réagir, il fit un nouveau signe de tête à Hugo, son autre garde, qui assomma le garçon du pommeau de son épée.

-Rentrons, à présent. Je commence à avoir faim. 

La Rose NoireWhere stories live. Discover now