Chapitre 36

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La lueur de la lune dansait sur les pavés humides de la sombre ruelle où Hope se tenait, en proie à un tourbillon d'émotions intenses. Son cœur battait violemment, résonnant comme le tambour d'une guerre intérieure qui faisait rage en elle. La nouvelle de la trahison au sein de l'organisation avait frappé comme un éclair dévastateur, faisant vaciller ses convictions les plus profondes.

Des larmes empreintes de colère et de tristesse brouillaient sa vision alors que les visages de ceux qui avaient perdu la vie à cause de l'incendie de forêt volontaire hantaient son esprit. Des camarades qu'elle aurait aimé côtoyés, connaître, apprécier, avaient vu leurs existences être englouties par les flammes insidieuses, alimentées par la traîtrise qui planait dans l'ombre. Qui avait pu être assez cruel et égoïste pour condamner ainsi tant de personnes ?

La culpabilité la submergea alors qu'elle se remémorait la terreur qu'elle avait ressentie en fuyant les flammes dévorantes, impuissante à sauver ceux qu'elle aimait. Elle avait survécu, mais à quel prix ? La perte de vies innocentes pesait lourdement sur sa conscience, et elle se demandait si elle aurait pu faire quelque chose de plus pour les sauver. Pourtant, ce n'était pas sa faute. Des lueurs sombres se glissèrent dans son regard, s'harmonisant avec la nuit. Il y avait toujours un problème, une difficulté, une souffrance. Pourquoi les choses ne pouvaient pas être plus simples ? Dans les cieux, des dieux étaient-ils en train de tester ces limites en la poussant à bout ? Était-ce cela, la fatalité ?

Tout ce en quoi elle avait cru s'effritait autour d'elle, laissant un vide béant dans son âme meurtrie. L'organisation qui prônait l'égalité et la justice, qui lui avait offert un refuge et un espoir, était désormais teintée de méfiance et de doutes. Qui parmi ses compagnons pouvait être le traître ? Tournesol, Criss, Lavande, les visages autrefois chaleureux semblaient désormais masqués derrière un voile d'incertitude.

Un vent particulièrement glacial pour un mois de printemps sifflait dans la ruelle, ce qui la fit tressaillir et revenir à la raison. Il y avait un traître ? Très bien, elle découvrirait son identité. Une lueur de détermination brilla dans ses yeux, telle une étoile solitaire dans la nuit la plus noire. Elle ne renoncerait pas. Elle fouillerait chaque recoin sombre de l'organisation jusqu'à ce qu'elle trouve le traître, jusqu'à ce qu'elle puisse restaurer l'honneur de leur cause et la confiance entre les membres.

Hope arriva chez elle plus tard et elle s'apprêta à aller se coucher, lorsqu'une main la retint. Elle se tourna et vit sa mère qui la regardait d'un air inquiet.

-Hope, il faut qu'on parle.

Assis à table, dans une pièce illuminée par la seule lueur d'une bougie, Hope, sa mère et son père se fixaient. Enfin, Valérie prit la parole :

-Ton père et moi, on a pris une décision. Tu prendras part à la prochaine traversée. Avec le confinement actuel, ce sera dur, mais on a quand même réussi à en organiser une. Même si on ne peut pas y faire grand-chose, la situation est bien trop complexe pour que tu restes ici.

Hope regarda ses géniteurs avec un regard épouvanté. Elle peinait à croire ce que sa mère venait pourtant de lui dire. Participer à la traversée, cela signifiait partir pour toujours, abandonner ceux qu'elle aimait et sa mission. Elle pensa aux membres de la Rose Noire. Elle avait prêté serment, elle ne pouvait pas les abandonner. Pierre et Arthur aussi avaient besoin d'elle. Le Gouffre tout entier nécessitait sa présence. Elle ne voulait pas fuir. Son regard se voila de larmes :

-Non, je vous en prie, non ! Je veux rester ici, le Gouffre c'est ma maison.

-Hope, on ne te laisse pas le choix. Tu es peut-être encore trop jeune pour te rendre compte du danger. Nous, on le voit bien et on sait que te faire partir est notre devoir en tant que parents.

-Mais je veux rester avec vous, et avec Ben ! Vous ne pouvez pas m'abandonner comme ça, si vous m'aimez, laissez-moi rester.

Hope pleurait à chaudes larmes et sa mère ne put retenir des sanglots. Seul son père conserva un visage de marbre et afficha un air impassible.

-Hope, ton avis ne nous intéresse pas.

-Je refuse, je ne vais pas me laisser faire. Vous n'avez pas le droit. C'est à moi de choisir où je veux vivre et comment, parce que c'est la vie.

Valérie regarda sa fille et tenta de ne pas être assaillie de souvenirs. Si elle n'avait été là, elle aurait sûrement succombé à sa maladie. Encore maintenant elle s'obstinait à vivre pour Hope. Mais il y avait des moments où les mères devaient prendre des décisions difficiles pour leurs enfants. Garder Hope aussi longtemps avait déjà été égoïste de sa part. Elle méritait une vie épanouissante autre part.

-Hope, je t'en prie, j'ai déjà perdu un fils, je ne survivrais pas si je devais en perdre un deuxième.

Le père de Hope se leva et se dirigea vers sa fille. Hope se précipita alors vers la sortie, mais son père s'interposa entre elle et la porte.

-Dans deux jours, tu quitteras le Gouffre pour toujours et en attendant, tu resteras en sécurité à la maison.

Hope fit volte-face et courut se réfugier dans son lit. Cette nuit-là, elle fit un énième cauchemar.

Hope se trouvait dans un convoi et celui-ci s'éloignait toujours plus du Gouffre. Ben courait après son amie, mais il n'était pas assez rapide. Il ne pouvait que pousser des cris désespérés. Mais soudain, le convoi s'arrêta. Son frère y entra et l'aida à en sortir. Ensemble, ils marchèrent vers leur maison, comme deux frères et sœur l'auraient fait. Hope observa son frère. Pour la première fois, il ne l'empêchait pas de se mettre en danger et l'incitait à faire ce que son cœur lui dictait. Gabriel tourna la tête vers elle et lui dit : « Fais ce qui te semble juste ».

Hope se réveilla alors que le soleil venait à peine de se lever. Elle se vêtu en vitesse et s'arma d'un fil de fer. Sur la pointe des pieds, elle s'approcha de l'entrée. Sans surprise, elle était verrouillée, mais Hope n'eut aucun mal à forcer la serrure. Ses parents la prenaient encore pour une enfant s'ils pensaient qu'une vulgaire serrure pourrait l'arrêter. Elle sortit et respira l'air frais.

-Papa, maman, désolée, mais à présent je suis le Pissenlit.

Ben et Hope passèrent la journée cachés à observer les réactions des gens lorsqu'ils tombaient sur leurs parchemins. Ils avaient passé des heures à les écrire, un par un et ils étaient fiers d'observer le résultat de leur mission. Leurs parchemins étaient un véritable succès. Même s'ils savaient que cela ne suffirait jamais, ils avaient fait un premier pas. Ils se remémorèrent des paroles qu'ils avaient recopiés encore et encore à la main :

« Habitants du Gouffre, que ses paroles vous rappellent que nous sommes tous humains et que nous avons tous la même force et la même valeur. Les Bleus ne sont pas plus forts que vous, la preuve, nous les avons vaincus une fois. Nous pouvons le faire encore. Cependant, si vous leur obéissiez parce qu'ils se disent supérieurs, les injustices ne cesseront jamais. Montrez que vous valez plus que des pions et n'écoutez pas les ordres, mais ce qui vous semble juste ».

C'était court, concis et tout ce qu'il y avait à dire y était écrit. Et, parfois, la simplicité valait mieux que de nombreuses paroles dénuées de sens.

Jack voulait cesser ce petit jeu au plus vite. Une enfant, de toute manière, n'avait aucune chance contre lui. De plus, la terreur vaincrait toujours. Avaloria prospérait grâce à celle-ci et une gamine n'y changerait rien. Depuis des décennies, le royaume avait appris aux gens à rester à leur place. Cette fille n'arriverait pas à changer cette mentalité aussi vite. Pour l'instant, de toute manière, il devait se contenter de mettre la main dessus. Ensuite, il laisserait à la section six la tâche de rééduquer ces villageois.

Il fit appeler un garde. Le garde qui se présenta à lui n'était pas le même que la dernière fois, le précédent n'avait pas dû garder un bon souvenir de leur entretien.

-Garde, j'en ai assez de courir après une gamine. Il est temps d'accélérer les choses. Va chercher notre témoin, je suis sûr qu'il ne nous a pas tout dit et qu'il peut se rendre encore très utile.   

La Rose NoireWhere stories live. Discover now