La Rose Noire

Chapitre 42

« Chère petite sœur,

Si tu lis cette lettre, c'est que je suis mort. Alors tu t'imagineras qu'écrire ces mots m'attriste beaucoup. Je n'ose imaginer combien tu as grandi. Je pense que tu es devenue le plus belle femme du Gouffre, du moins la meilleure. Je suppose que je te manque. Je suis vraiment désolé. Tu t'en douteras, mais j'aurais préféré être en vie à tes côtés. J'ai l'impression d'écrire une lettre qui ne sera jamais lue, parce que je n'arrive pas à envisager ma mort, mais je l'écris pour partir avec la conscience tranquille.

Je ne vais pas te mentir, j'aurais préféré que tu ne suives jamais ma route. J'aurais aimé que tu vives une vie tranquille et sûre, loin du danger. Peut-être même que tu t'en ailles dans un endroit qui te mérites réellement. Si tu lis cette lettre, c'est probablement que mon groupe à moi a échoué. Tant pis, on l'avait envisagé. Je suis fier de savoir que tu prends la relève. En plus, toi, tu n'échoueras pas, c'est certain. Je te l'ai déjà dit, tu es la meilleure.

Bref, si je t'écris, c'est surtout pour te dire que j'accepte ton choix. Je ne t'en voudrai jamais. Tu n'as pas à te sentir coupable. Si je suis au ciel et que je peux te regarder, tu peux être sûre que je suis fier de toi. J'ai passé de merveilleuses années dans cette organisation, qui s'appelle la Rose Noire. Avec la Rose Noire, j'ai trouvé une deuxième famille.

J'espère que tu me pardonneras de t'avoir abandonnée pour cette nouvelle famille. Ce n'est pas que je la préfère, c'est que j'ai eu l'impression, alors, de faire le bon choix. J'avais trop peur de regretter si je n'y allais pas. Ça a dû être dur de me voir partir, en attendant mon retour, mais sans jamais me voir revenir. C'était égoïste de ma part.

J'espère aussi que tu es encore amie avec Ben. C'est un bon garçon. Et puis, ça se voit qu'il tient énormément à toi. Il était un autre petit frère, pour moi. J'ai eu une grande famille moi, j'ai de la chance. Mais ne t'en fais pas, tu es ma préférée. Te connaissant, toi aussi tu dois tenir à beaucoup de personnes et avoir beaucoup de personnes qui tiennent à toi. C'est merveilleux.

Pendant que j'écris cette lettre, je prie de toute mon âme pour que personne ne la lise. Mais bon, je vais en profiter pour en faire mes mémoires. Je me demande quel est ton nom de code, si tu en as un. Moi, c'est Coquelicot. Oui, je sais qu'avoir un nom de fleur comme nom de code est étrange, mais ça vient de la fondatrice de la Rose Noire, qui a une passion indéfinissable pour les fleurs. Elle veut tout le temps en prendre, tu n'imagines même pas. Elle s'appelle Vanessa et c'est le Pissenlit. Après toi, elle est la personne la plus incroyable que je connaisse. Je suis heureux d'avoir pu devenir son ami. J'espère qu'elle, elle est toujours vivante. Ce serait triste qu'une femme aussi brillante quitte ce monde trop tôt.

J'arrive à court d'inspiration, sœurette. J'espère que pendant le bref moment où tu as lu cette lettre, tu as eu l'impression que je sois à tes côtés. Enfin, de toute manière, ce n'est pas qu'une impression. Je serai toujours près de toi. Je n'ai pas encore quitté la maison que tu me manques déjà. Je me demande combien de souvenirs il te reste de moi. Moi, celui que je n'oublierai jamais, même après ma mort, est le jour où je t'ai rencontré. Parce que j'ai compris que tu serais la personne qui donnerait un sens à ma vie. Tu sais, j'ai été abandonné, et ça n'a pas été facile. Mais j'ai alors gagné une sœur. Tu es mon trésor. Je t'en supplie, c'est la seule chose que je te demande, ne me rejoins pas trop tôt. Et je pense que la meilleure manière de conclure cette lettre est de te dire que je t'aime. »

Hope ne put contenir ses larmes silencieuses. Elle resta aves ses parents de nombreuses minutes. Et, lorsque l'émotion fut passée, elle se rendit compte qu'elle était heureuse. Son grand frère était encore avec elle. Elle serra son pendentif. Oui, au fond, il n'était jamais parti.

Plus tard, seule, Hope avait pris son poignard et, ses yeux gris allumés dans la nuit, elle avait commencé à graver un coquelicot sur une face du pendentif. Puis, de l'autre, elle avait gravé un pissenlit. Et alors, ce pendentif qui n'avait aucune forme, aucune signification, gagna tout son sens. Il était comme un lien. Il était la présence de son frère qui ne l'avait jamais quittée et qui l'avait toujours protégée. Elle le serra fort contre son cœur.

Hope comprit vite qu'elle était dans un rêve, mais elle ne souhaita pas se réveiller. Elle se laissa bercer par celui-ci. Elle voyait le visage de son frère et revivait des souvenirs avec lui. Son frère n'était pas mort, il vivait encore en elle. Et rien que pour le faire vivre plus longtemps, elle survivrait encore, jusqu'à ce que quelqu'un veuille écouter son histoire, l'aventure de Hope le Pissenlit qui avait suivi les traces de son frère.

Jack s'endormit serein, cette nuit. Il ne devait attendre plus que deux jours. L'heure de sa gloire était si proche. Il était persuadé que le gamin qu'il avait corrompu, menacé et torturé ne le trahirait pas. Jamais un enfant ne serait prêt à aller à l'encontre d'un homme comme lui. Il allait lui servir la fille sur un plateau d'argent. Lui, il la cueillerait. Il se surprit à se demander ce qu'il ferait, ensuite. Il n'avait même pas pris la peine d'y réfléchir. Mais, de toute manière, ce n'était pas une priorité. Bientôt, il aurait ce qu'il voulait. Il sourit alors qu'il commençait à sombrer dans le sommeil. Deux jours encore, c'était tout ce qu'il devait attendre.

Ben ne trouva pas tout de suite le sommeil. Alors, il se leva pour sortir comme Hope le faisait lorsqu'elle ne parvenait pas à s'endormir. Il put alors, comme elle, profiter du calme de la nuit et de son air frais. Il devait avouer que la sensation était très plaisante. Il se libéra de toutes ces craintes et laissa le vent frais les emporter au loin. Deux jours, il ne restait que deux jours. Il avait l'impression d'arriver à la fin d'une histoire. Sauf que dans les contes, les gentils gagnaient toujours et les méchants étaient vaincus. Or du point de vue de la justice d'Avaloria, les vilains, c'étaient eux.