Chapitre 44

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Alors qu'elle était rentrée chez elle accompagnée de Pierre, Hope avait reçu de sa mère une lettre qu'on avait voulu lui faire parvenir. Elle l'avait alors lue sans tarder.

« À l'aube de la bataille qui nous met en péril, il est temps que toute la vérité te soit enfin révélée. Avant que nous ne nous lancions dans ce combat, tu dois connaître le véritable objectif de la Rose Noire.

Comme tu l'auras probablement appris, mes deux filles devaient initialement être les Pissenlits. Tu trouveras cela étrange qu'elles remplissaient ce rôle à deux, mais tout cela était purement stratégique. Car il est difficile de trouver un Pissenlit renfermant toutes les qualités nécessaires.

Pour que tu puisses comprendre, je dois d'abord t'expliquer la mission de notre organisation. Lorsque ma femme, Vanessa, était à sa tête, nous avions initialement décidé de réaliser un coup d'état. Nous avons vite compris que cela était impossible. Malgré nos années de préparation, nous ne serons jamais supérieurs à la milice. Mais ma femme a trouvé une solution avant de perdre la vie. Nos problèmes viennent de la famille royale, la famille Blueheart et nous sommes conscients que jamais elle ne prêtera attention à nos réclamations. Toutefois, il y a une personne qui pourrait nous écouter, et cette personne c'est l'héritier royal, Edward Blueheart.

Il est encore jeune, et donc encore influençable. Le Pissenlit doit avoir en son cœur le pouvoir de faire changer les gens. Tu as ce pouvoir Hope, je l'ai senti dès la première fois où je  t'ai rencontrée. J'ignore comment tu t'y prendras, mais tu dois réussir à faire comprendre au prince qu'un royaume juste et équitable serait la meilleure chose qui pourrait arriver à Avaloria. Montre-lui à quel point tu es brillante, même si tu es une Grise.

Le Pissenlit, c'est cela. Ses graines représentent ses motivations et, lorsqu'il est assez mûr, celles-ci s'envolent pour créer de nouvelles fleurs. Fais naître des Pissenlits dans le monde entier, des personnes à ton image. Tu es juste, brave, généreuse et intelligente. Le monde ne se porterait que mieux si plus de personnes étaient comme toi.

Ainsi, tu auras des alliés partout, même dans la capitale, même parmi les Bleus et, ainsi, tu pourras atteindre le prince et lui montrer la voie de la justice. Je sais que cela peut sembler miraculeux et qu'il est cruel de laisser une telle mission sur les épaules d'une jeune fille. Si le temps ne pressait pas tant que cela, nous aurions attendu que tu deviennes au moins une adulte. Nous sommes tous désolés.

J'aimerais que tu ne te retrouves pas seule à la capitale, mais tu dois comprendre que si une seule personne doit survivre c'est bien toi. Nous mettons tes espoirs entre tes mains. Je t'en supplie, Hope, survie et fait triompher l'organisation, car c'est dans ton cœur qu'elle pourra s'épanouir.

Enfin, je dois te dire que tu as le choix et que si tu penses que c'est trop te demander, tu peux toujours laisser ta place à quelqu'un d'autre. On ne devrait jamais être forcer d'accomplir ce que l'on n'a pas envie de faire. Merci, en tout cas, d'avoir déjà su changer le Gouffre pour le rendre un meilleur endroit. »

Monsieur Petit

Hope rangea la lettre sous son oreiller et se recroquevilla dans son lit. Une vague de pression la submergeait et elle était incapable d'y résister. Elle avait compris depuis longtemps qu'être le Pissenlit impliquait de représenter l'organisation, mais la solitude à laquelle il était condamné l'opprimait. Sans parler des responsabilités auxquelles il devait faire face. Elle n'était pas étonnée de lire que le maire n'avait pas voulu tout lui révéler plus tôt. Elle n'était pas sûre qu'elle aurait alors accepté d'être le Pissenlit.

Elle soupira et se leva de son lit. Dans ces circonstances, elle ne trouverait jamais le sommeil. Comme à chaque fois lorsqu'elle était troublée, elle sortit de chez elle, dans le noir de la nuit. Elle leva les yeux pour contempler le ciel et les infinités d'étoiles qui y brillaient. Peut-être que sur l'une d'elle se trouvait l'âme de son frère et que, de là-haut, il la regardait vivre. Elle serra son pendentif. Elle avait besoin de tout le soutien du monde pour ne pas s'écrouler. Le poids des responsabilités pesait lourd sur ses épaules.

Elle décida d'aller rendre hommage à son frère une dernière fois avant longtemps. Elle se dirigea vers le cimetière, qui était un lieu presque abandonné, où les fleurs étaient rares. Au Gouffre, les vivants ne pouvaient pas accorder trop de temps aux défunts. Elle se rendit à la tombe de son frère et lui fit ses adieux, avant de prendre conscience que la même fin l'attendait peut-être. Elle eut des frissons. Elle qui craignait la solitude savait que lorsqu'il était temps de dire adieu à la vie, on mourrait toujours seuls.

Avec une allure lente et monotone, elle se rendit ensuite chez Tulipe. Sa tombe était encore fraîche et de jolies tulipes, légèrement fanées, la recouvraient. Elle s'assit à côté et posa une main sur la surface froide de sa pierre tombale. Elle avait encore du mal à croire qu'il ne faisait plus partie de ce monde. Elle voulut lui adresser des derniers mots.

-Tulipe, vous sentez-vous moins seul, dans les cieux ? Avez-vous retrouvé Lise ? Avant d'aller me battre, je dois vous remercier de m'avoir sauvée. Alors, merci.

Elle se retourna et, après avoir prudemment parcouru les rues du Gouffre, elle finit par rentrer chez elle et croisa Pierre, somnolent mais réveillé, près de sa chambre.

-Tu ne dors pas ?

-J'ai fait un cauchemar.

Hope le serra dans ses bras avec tendresse, pour lui apporter du réconfort.

-Tu penses qu'en me le racontant tu te sentiras mieux ?

-Il y avait la milice qui me faisait mal, avec Jack qui me regardait en souriant. J'ai réussi à fuir, mais quand je suis rentré chez moi, ma famille était plongée dans une mare de sang.

Pierre commença à pleureur dans ses bras. Ignorant comment réagir, Hope lui caressa simplement la tête. Elle réfléchit, au fond, il était comme elle.

-Pierre, tu sais, pour vaincre ses cauchemars, il faut commencer par faire disparaître ses peurs. Si tu crains la milice, dis-toi que, demain, nous la vaincrons et alors elle ne pourra plus rien te faire. Et si tu t'inquiètes pour ta famille, sache qu'elle est en sécurité.

Pierre hocha la tête, peu convaincu, mais vit bien assez vite que Hope pensait à autre chose. Pour une fois, il voulait être celui qui l'aiderait.

-Toi, tu fais des cauchemars ?

-J'en fais beaucoup, mais lorsque je me réveille je me dis qu'ils ne sont pas la réalité et qu'ils ne font que refléter mes peurs.

-Et de quoi as-tu peur ?

-J'ai peur de vous perdre.

Alors que la Rose Noire se préparait à la bataille, le Gouffre, lui, n'avait jamais été aussi engagé. Ceux qui savaient lire faisaient parvenir le message de Hope et de Ben aux autres. Les villageois ne courbaient plus l'échine devant la milice et n'affichaient plus leur peur devant celle-ci. S'ils voyaient qu'une personne était menacée, ils faisaient de leur mieux pour lui venir en aide. Et lorsqu'un Gris et un Vert se croisaient, une lueur de solidarité s'allumait dans leurs yeux. Au Gouffre, Verts et Gris ne formaient plus qu'un et dans un royaume comme Avaloria, cela semblait déjà miraculeux. Hope l'ignorait encore, mais elle était en train de semer ses premières graines. 

La Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant