Chapitre 40

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         Hope ne résista pas au choc. Le traître qu'elle avait haï, qu'elle avait détesté, qui lui avait fait vivre une enfer, était juste sous ses yeux. Elle se remémora des flammes, de la chaleur des cris et de l'agonie. Elle repensa à Tulipe et à Arthur. Leur malheur aussi venait de la trahison de Pierre ? Elle le regarda et se tint la tête entre les mains. Puis, elle se souvint que son rôle était de s'occuper de Pierre et de l'aider à survivre au Gouffre. Elle ne pouvait pas arrêter maintenant, même si par ses actes, Pierre avait condamné plusieurs vies.

Hope prit Pierre par les épaules et l'obligea à le regarder.

-Pierre, pourquoi ? Pourquoi as-tu fait ça ?

Pierre recommença à pleurer de toutes ces larmes. Au fond de son cœur, il avait espéré que Hope le pardonnerait, mais il voyait bien que c'était sans espoir. Il avait tout perdu. Il voulait mourir, à présent. Il voulait que tout s'arrête. Il ne tenait plus à la vie.

-Pardon, pardon, pardon. Je ne voulais pas. Mais je ne pouvais pas refuser. Ils menaçaient ma famille. Ils ont dit qu'ils viendraient chez nous et qu'ils nous tueraient tous si je ne les aidais pas. J'ai essayé de leur dire le moins de choses possibles, mais ça a suffi à faire de moi un monstre.

Hope continuait à le regarder, sans rien dire. Elle avait tant souffert par sa faute et pourtant elle se sentait obligée de le pardonner. Elle se tourna vers Ben, qui regardait la scène se dérouler sous ses yeux.

Alors que son amie pleurait, Ben lui essuya une larme. Il était encore sous le choc pour comprendre qu'il avait devant lui la personne à l'origine de l'incendie. Tout ce qu'il comprenait, c'était que le monde était injuste et cruel et il voulait pouvoir remédier à cela. Surtout que c'était ces injustices qui faisaient pleurer son amie, qui gâchaient leurs journées, leur vie toute entière. Il aurait aimé voir Hope sourire tous les jours, comme avant. Pourtant, ces derniers jours, elle ne cessait de pleurer et d'endurer des choses bien trop atroces pour son âge. Et c'était cela, son désespoir à lui.

-Hope, parfois, il vaut mieux écouter le cœur que la raison. En cet instant précis, que veux-tu réellement ?

Que voulait-elle ? Elle réfléchit mais ne trouva qu'une réponse sincère.

-Je ne veux plus jamais voir quelqu'un souffrir !

-Alors ne pense pas aux morts, qui ne souffrent plus. Occupe-toi des vivants que tu as devant toi. Si tu veux sauver tout le monde, commence par sauver Pierre.

Hope se ressaisit. Ben avait raison. Comment pouvait-elle hésiter ? Elle avait toujours secouru Pierre et elle lui avait promis qu'elle continuerait à le faire. Elle le prit dans ses bras et le serra de toutes ses forces.

-C'est moi qui suis désolée, Pierre. J'aurais dû voir que quelque chose n'allait pas. J'avais tellement de problèmes que je n'ai pas pensé aux tiens. Et maintenant, je dois te donner l'impression que tu es le coupable. Mais non, tu as voulu protéger ta famille, j'aurais fait la même chose.

Pierre pleura un peu moins fort. Il ne comprenait pas ce que cela signifiait. Il était un tueur. Hope avait souffert à cause de lui. Arthur aussi. Son seul et premier ami. Un garde l'avait suivi et, alors qu'il allait rendre visite à Arthur, il l'avait attrapé. Et lui, il était tombé à genoux, en pleurant, sans pouvoir rien faire. Alors depuis quand les traîtres étaient innocents ? C'était injuste pour Hope. Elle se forçait sûrement, comme elle l'avait toujours fait. Il s'en voulait tellement de l'avoir dupé, de l'avoir feinté avec des sourires enfantins et innocents. Pourtant, depuis longtemps maintenant il ne se considérait plus comme un enfant. Il n'était pas non plus un adolescent ou un adulte, il était juste quelqu'un qui n'appartenait plus à rien et qui ignorait pourquoi il se forçait encore de vivre.

-Laisse-moi, tu né mérites pas ça. Les gentils ne doivent pas aider les méchants.

-Parce que tu crois que tu es le méchant ? SI tu n'avais rien fait, la milice s'en serait prise à ta famille. Tu n'es pas mon ennemie, car celui contre qui j'ai décidé de me battre c'est Avaloria. J'affronterai toute ma vie ce royaume, ces discriminations, ces injustices, ces lois.

-Mais moi, à présent, je ne peux plus être sauvé, c'est fini.

-Tu crois ? Alors tu n'as rien compris. Je t'ai promis que je te sauverai encore et encore. Alors je ne te laisserai pas tomber. Mais si tu n'attrapes pas la main que je te tends, je ne pourrai jamais t'aider.

Pierre regarda cette main. La tristesse qui l'envahissait était étouffante, et il avait perdu toute envie de vivre. Les souvenirs de ses erreurs et de ses trahisons tournaient en boucle dans son esprit, l'accablant de honte et de culpabilité. Il ne voulait pas d'aide, il voulait rester seule à jamais pour ne pas avoir à cacher ses crimes.

Au plus profond de son cœur, une voix lui murmurait que personne ne pouvait le sauver, pas même lui-même. Il se sentait prisonnier de ses propres actions, incapable de se pardonner et d'accepter l'amour ou l'aide des autres. Il n'était plus sensible à l'amour.

Les larmes coulaient silencieusement sur ses joues, tandis qu'il était submergé par un sentiment de vide et d'abandon. L'idée même d'être sauvé semblait lointaine et irréelle.

Mais dans cette obscurité causé par son désespoir, une étincelle de lumière vacillait faiblement. Au milieu de son désespoir, il se souvint de moments passés, où il avait connu le bonheur et l'amour des autres. Il revoyait les sourires chaleureux de ses parents, les éclats de rire avec Arthur, les moments de complicité partagés avec ses frères.

Ces souvenirs s'accrochaient à lui, comme un rappel des instants de joie qu'il avait connus autrefois. Mais ils semblaient également lui murmurer que c'était trop tard, que tout était désormais perdu. Accepter cette main qui lui était tendue, c'était se mentir à lui-même. C'était croire que ses crimes ne seraient jamais punis.

Alors qu'il était sur le point de se laisser submerger par le désespoir, une pensée plus forte surgit dans son esprit. Hope l'aimait encore. Hope voulait encore le sauver. Hope n'avait pas changé à son égard. « Je t'ai promis que je te sauverai encore et encore ». Si elle le disait, c'était vrai. Hope n'était pas une menteuse.

Dans cette lutte intérieure, il ressentit une vague d'émotions contradictoires : la peur de l'inconnu, l'envie de fuir en s'isolant, mais aussi l'espoir de se réconcilier avec lui-même et de trouver un sens à sa vie. Il avait été malchanceux, mais il avait encore le droit de vivre. Il pouvait toujours consacrer sa vie à aider les autres. Il sauverait autant de vies qu'il en avait condamné. Et il commencerait en protégeant sa famille.

Pierre savait que ce serait un long chemin, semé d'embûches et de douleurs. Mais il avait retrouvé une raison de se battre, une raison de continuer malgré tout. Il voulait devenir comme Hope, il voulait protéger les gens, sans rien attendre en retour.

Finalement, une lueur d'amour pour la vie brilla dans ses yeux, signe d'une volonté de se relever et de réapprendre à vivre. Il ne savait pas encore comment il y parviendrait, mais il était prêt à essayer, car au fond de lui, l'espoir était né, fragile mais déterminé. La tristesse qui l'étouffait le libéra peu à peu, le laissant respirer. Des larmes de soulagement remplacèrent celles de désespoir. Il attrapa la main de Hope, qui lui sourit.

-Hope, aide-moi encore, s'il te plaît. Ce n'est pas juste, je ne veux pas mourir et je ne veux pas revoir la milice. Elle m'a fait mal. Elle m'a tapé pour que je lui obéisse. Elle a menacé ma famille. Et cet argent, je l'ai pris quand j'ai compris que je n'avais pas le choix. Ils me l'ont proposé et je me suis dit qu'au moins, ma famille n'aurait plus faim.

-Tu as envie de manger, toi ?

Pierre acquiesça. Hope lui sourit et enfouit sa rage intérieure.

-Alors retournons à la maison, je suis sûre qu'un bon repas nous attend.

Pierre essuya ses larmes et Hope sécha les siennes. Ben à leur côté, Pierre et Hope rentrèrent chez Agnès, main dans la main. Lorsque Pierre fut bien rentré, les deux amis décidèrent de passer la nuit chez Ben, étant donné que si Hope rentrait chez elle, elle risquait d'être enfermée par ses parents.

-Ben, tu sais quoi ? La milice est allée bien trop loin et maintenant, elle va payer...

La Rose NoireWhere stories live. Discover now