Chapitre 27

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En quête de réponses, Hope avait décidé d'aller rendre visite aux membres de la Rose Noire. Elle avait besoin de savoir qui était l'homme qui l'entraînait et s'il était réellement dangereux. Elle se rendit d'abord chez Lavande, à son cabinet. Elle le trouva en train d'appliquer une serviette froide sur le front d'une petite fille. Elle s'approcha et prit une mine horrifiée lorsqu'elle vit les taches noires sur les mains de l'enfant. Elle attendit patiemment que Lavande s'occupe de sa patiente. Puis elle alla vers lui :

-Avez-vous beaucoup de patients qui souffrent de la fièvre d'ébène ?

-Tu n'imagines pas combien. C'est les patients qui m'attristent le plus, car je ne peux pas faire grand-chose pour eux. Ils sont condamnés. Tu vois la fille que je soignais ? Si elle réussi à fêter son huitième anniversaire ce sera déjà une victoire. Avec toute les souffrances du Gouffre, les gens en oublient les malades. Je suis là pour leur montrer qu'ils sont soutenus et qu'ils ne sont pas seuls. Bref, inutile de s'attrister, cela ne changera rien à leur situation. Dis-moi plutôt pourquoi tu es là. Tu as mal quelque part ?

-Tout va bien, si je suis venue c'est plutôt pour te demander si tu savais quelque chose sur Tulipe, puisque vous vous connaissez depuis longtemps.

-C'est complexe, en réalité. Les membres de la Rose Noire, pour la plupart, vivent normalement en dehors de leurs activités liées à l'organisation. Moi, je suis médecin, par exemple. Sinon, il y a Criss qui est boucher ou encore Tournesol qui, comme la plupart des membres, travaille à la mine. C'est un peu une double identité. En dehors des réunions, on ne se voit pas souvent, même si on est prêt à se confier nos vies. Avec les années, j'ai tout de même fini par tisser des liens avec la plupart des membres. Par contre, je ne pourrais même pas te dire quel est le vrai nom de Tulipe. Il vit caché, n'a confiance en personne et ne semble pas exister en dehors de l'organisation. C'est difficile, donc, d'avoir des informations à son sujet. Surtout pour moi. Je vis à l'écart de tout cela et je m'assure seulement que les membres soient en bonne santé. À chacun son rôle, après tout.

-Alors vous savez peut-être qui pourrait avoir plus d'informations.

-Comme je te l'ai dit, les membres de la Rose Noire ne se côtoient pas beaucoup, mais je pense que Tulipe et Criss avaient créé quelques liens. Tu peux tenter ta chance.

-Vous ne me demandez pas pourquoi je m'intéresse à lui ?

-Je devrais ? Je ne suis pas ton père, mon rôle n'est pas de te surveiller. Tu dois avoir tes raisons et si tu ne me les as pas révélées, c'est que tu ne souhaites pas le faire.

            Hope remercia chaleureusement Lavande et partit, en lui souhaitant bonne chance pour ses soins. Elle se dirigea vers la boucherie pour y trouver Criss. Elle l'admirait un peu, à présent, car pour un Gris il était difficile d'ouvrir une boutique. Le commerce était normalement réservé aux Verts. Pourtant, il avait réussi à construire sa propre boucherie, où il travaillait. Elle se doutait qu'elle n'était probablement pas légale. Lorsque l'on réfléchissait à la provenance du gibier, il était évident qu'il venait de la forêt, où Criss était normalement interdit d'accès. Cependant tous, même la milice, étaient prêts à fermer les yeux pour pouvoir consommer de la bonne viande.

             Arrivée à la boucherie, Hope l'observa. Une odeur ferreuse de viande fraîche embaumait l'air. Une enseigne en bois, usée par le temps, affichait fièrement le symbole de la profession : un couteau croisé avec un hachoir.

            À l'intérieur, un espace rustique et simple accueillait les clients. Des murs en pierre brute encadraient des étagères en bois, sur lesquelles étaient exposées des pièces de viande. Des crochets suspendus au plafond soutenaient des carcasses fraîchement découpées, témoignant du travail acharné de Criss.

            Le boucher lui-même, Criss, vêtu d'une chemise maculée de sang, maniait habilement son couteau acéré. Ses yeux brillaient d'une expertise acquise au fil du temps. Il travaillait avec précision et concentration, découpant soigneusement chaque morceau de viande avec des gestes précis et assurés.

            Malgré son apparence modeste, la boucherie proposait une assez grande variété de viandes. Ce n'étaient d'ailleurs que des viandes de bétail provenant de la forêt. Chaque pièce était vendue avec soin, pesée avec précision et emballée dans du papier ou du tissu.

            Hope alla chez Criss et le salua. Il lui sourit en retour.

-Dîtes, Criss, est-ce que vous pouvez me parler de Tulipe ?

            Chrysanthème la regarda, interloqué. Puis il se dit qu'en réalité, c'était une réaction normale. Tulipe s'entourait de bien trop de mystères pour ne pas paraître étrange. Hope avait simplement dû voir sa cicatrice et s'être posé des questions.

-Si tu veux, mais, malgré notre début d'amitié, je ne le connais pas si bien. Il est ce genre de personne qui choisit la solitude.

-Mais pourquoi ?

-Ça, je ne peux pas te le dire. Lorsqu'il est arrivé, il y a quelques années, je l'ai trouvé dévasté. Il me ramenait souvent des carcasses d'animaux qu'il chassait pour s'occuper et pour oublier ses nombreux chagrins. Un jour, j'ai eu le courage de lui demander ce qui l'avait rendu comme ça. Il portait déjà un voile, mais j'ai pu comprendre, rien qu'avec sa posture, qu'il ressentait une immense ire qu'il avait du mal à contenir, mais aussi un profond désespoir. J'avais déjà rejoint la Rose Noire et j'ai, ce jour-là, décidé de la lui présenter. Très rapidement, il a acquis de l'expérience dans celle-ci, jusqu'à devenir un membre pilier.

-Et s'est-il confié à quelqu'un ?

-Jamais. Cela fait des années qu'il renferme en lui son immense douleur. J'aimerais un jour qu'il se confie à moi ou à qui que ce soit d'autre, ou qu'il apprenne à nouveau à apprécier sa vie. 

-Vous tenez à lui, alors ?

-Lorsque je me sentais mal, j'ai trouvé Arthur et il m'a redonné espoir en l'avenir. J'aurais aimé rendre la pareille à Tulipe, mais je n'ai pas réussi.

            Après l'avoir remercié, Hope s'était apprêtée à partir. Mais, soudain, elle eut une dernière question à poser.

-Criss, que vous a répondu Tulipe lorsque vous lui avez demandé ce qui n'allait pas?

-Il a dit qu'il ne pourrait mourir un paix tant qu'une certaine personne vivrait.

            Hope n'avait plus qu'une dernière personne à qui elle souhaitait poser des questions. Monsieur Petit savait sûrement quelque chose. Elle s'y précipita, sans se soucier du fait qu'elle était recherchée. C'était là l'un de ses défauts : elle ne pouvait pas toujours contrôler son impulsivité.

            Au bureau de la mairie, Jack perdait patience. Il avait du mal à comprendre pourquoi une unité entière était incapable de trouver une fille. Il se demanda s'il ne ferait pas mieux de chercher lui-même. Il se leva pour aller se dégourdir les jambes et sortit fumer sa pipe. Il observa les alentours. Il n'en pouvait plus de vivre dans un lieu aussi infect. S'il ne trouvait pas ce qu'il recherchait plus vite, il deviendrait fou.

            Lorsqu'il vit la fille qu'il recherchait courir vers lui, il n'en crut pas ses yeux. Il détourna le regard pour ne pas attirer l'attention. La jeune fille s'apprêta alors à rentrer dans la mairie. Il ignorait pourquoi, mais cela lui importait peu, elle était prise au piège. Lorsqu'elle fut dos à lui, il s'approcha jusqu'à lui prendre le bras. Elle se retourna brusquement et, lorsqu'elle le regarda, prit peur. 

-Contrôle de la milice, je vous prie de coopérer.

La Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant