Chapitre 22

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Le lendemain, Hope n'eut pas tout de suite le courage de sortir. Elle avait peur de ce qu'elle allait trouver. Elle ignorait si, après ce qu'elle avait vécu, elle verrait le monde de la même manière. Lorsqu'elle souhaita une bonne journée à son père, elle afficha un sourire radieux. Un sourire hypocrite. Elle n'avait le droit de gâcher les journées de son père, déjà ardues, parce qu'elle avait souffert. Dans la matinée, elle resta auprès de sa mère et ce fut une véritable torture. Elle qui rêvait de se terrer au fond de son lit, devait feindre la joie et la bonne humeur. Ce dimanche, même Ben ne vint pas l'aider à apaiser sa souffrance, occupé à amoindrir la sienne.

Hope aurait aimé passer l'entièreté de la journée cloitrée chez elle, pour vivre dans un semblant de normalité. Mais elle ne pouvait pas, elle devait trouver un cadeau à Pierre. Elle lui avait promis et il l'attendrait toute la journée.

Elle réfléchit à ce qu'elle pouvait bien lui offrir. Déjà, elle n'avait pas d'argent, ce qui était problématique. Elle décida donc de se rendre dans la forêt pour avoir quelque chose à troquer. C'était mieux que rien. Elle prit son arc et partit, son arme cachée sous une cape. Le soleil était haut dans le ciel et la milice était bien présente. Elle l'ignora et marcha le plus innocemment possible. Personne ne l'arrêta.

Dans la forêt, Hope parvint à attraper un lièvre. Elle aurait bien aimé le manger, mais elle avait un cadeau à offrir. Elle savait que Agnès refuserait qu'elle lui donne directement de la nourriture, mais elle connaissait aussi un endroit où son butin serait fort apprécié. Elle déambula les rues jusqu'à rejoindre l'entrée de la mine.

La mine était, de tous les lieux du Gouffre, le plus détesté. Telle une plaie béante dans le tissu de la terre, cette mine à ciel ouvert s'étendait devant Hope. Ses bords escarpés, érodés par d'innombrables coups de pioche et d'explosions, se dressaient tels des remparts hostiles. Les parois étaient marquées par des stries de terre brunâtre et de roche ébréchée, révélant l'emprise implacable des mineurs sur la nature.

Un vent âpre et mordant soufflait sans relâche, charriant des volutes de poussière qui s'infiltraient partout, s'insinuant dans les poumons et sur la peau des malheureux qui osaient s'approcher. L'air était imprégné d'une odeur âcre de fumées brûlantes, provenant des brasiers qui consumaient les débris de minerai et les résidus de l'exploitation.

Des engins de chantier, des chariots tirés par des bœufs et des hommes musclés aux traits émaciés s'agitaient sans répit. Leurs vêtements déchirés étaient maculés de poussière et de sueur, témoignant de leur labeur incessant. Les cris des contremaîtres, qui, grâce à un salaire un tantinet plus généreux, se croyaient supérieurs, résonnaient à travers la mine, martelant les oreilles des travailleurs déjà accablés par le fracas des outils et le grondement de l'activité.

Les éboulements étaient monnaie courante, arrachant brutalement la vie de ceux qui se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Les mineurs vivaient dans une constante tension, conscients que la mine pouvait les engloutir à tout instant. Hope avait oublié combien de fois son père était arrivé avec un regard vide, venant juste de perdre de précieux camarades. Il racontait à Hope combien la mort là-bas était chose courante, comment l'ironie du sort en envoyait certains à la mort et en condamnait d'autres à revenir le lendemain. Lorsque les contremaîtres annonçaient les zonez de travail, le destin de mineurs était déjà scellé.

En plus d'offrir une vision cauchemardesque, la mine, avec son apparence dévastée et sa voracité insatiable, avait ravagé le paysage jadis fertile. Elle avait défiguré les collines verdoyantes, arrachant les arbres et les buissons qui s'élevaient fièrement. À leur place, des tranchées profondes et des tas de roches stériles s'étendaient à perte de vue, laissant planer une tristesse et un désespoir profonds.

La Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant