Chapitre 30

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            Hope finit par se lever et contempla les environs. Elle eut envie de vomir lorsqu'elle aperçut les corps des gardes ensanglantés et éparpillés sur le sol. Pour eux, elle ne versa aucune larme. Elle se tourna vers Emma :

-Pourquoi les avoir tués ?

-Comment ça, pourquoi ? Ils sont nos ennemis et ils n'ont pas hésiter à tuer l'un des nôtres. Celui qui est assommé suffira amplement à mener un interrogatoire. Ces gardes morts sont des ennemis en moins.

Hope la regarda et repensa encore une fois aux paroles de Cédric. Elle avait trop peur de tuer. Ôter la vie lui semblait être un crime impardonnable. Mais peut-être que si elle s'était battue avec l'intention de tuer, Tulipe ne serait pas mort. Elle serra les dents de frustration. Qu'arrivait-il à sa vie pour qu'elle regrette de ne pas avoir assassiné des hommes ? Était-ce cela que la Rose Noire lui apporterait ? Elle soupira et se tourna vers Emma.

-Pourrais-je te parler en privé ?

Dubitative, Emma suivit Hope. Elle l'emmena un peu plus loin.

-Emma, prends ma place, je ne suis pas digne d'être le Pissenlit. J'ai trop peur.

Emma la fixa et elle sentit la colère et la jalousie monter en elle. La vie était injuste. Elle aurait tant voulu prendre sa place. À présent, Hope était même en train de la lui offrir. Mais elle ne pouvait pas accepter. Elle ne le pourrait jamais. Elle retint une petite larme.

-Je ne peux pas.

-Bien sûr que tu le peux. Je t'ai vu te battre, tu es incroyablement forte. Moi, je n'arrive même pas à me protéger toute seule et tu veux que je sois le symbole de cette organisation ?

-Tu as le temps de t'améliorer. Avec de l'entraînement, tu vas y arriver. C'est pour ça que mon père t'a choisie, il a vu toute la force que tu as en toi. Il ne te reste plus qu'à la libérer.

-Tu ne dis rien ? Tu ne veux pas reprendre le flambeau de ta mère ? Pourquoi c'est à moi de faire ça ? Je n'y arrive pas.

Emma craqua et versa des larmes. Bien sûr qu'elle voulait continuer ce que sa mère avait commencé. Bien sûre qu'elle désirait ardemment devenir un symbole de liberté et d'égalité. Bien sûre qu'elle considérait Vanessa comme la meilleure femme au monde. Mais elle ne pouvait rien faire, elle était bloquée.

-Hope, tu ne peux pas comprendre. Si je te dis que je ne peux pas, c'est que c'est vrai.

-Ah bon ? Tu as peut-être tout simplement peur, non ? Tu veux que je meure et que je souffre à ta place, mais tu ne veux pas l'assumer ! Tulipe est mort sous mes yeux et je n'ai rien pu faire. J'ai failli mourir à cause d'un incendie. La milice me poursuit pour je ne sais quelle raison. Combien de choses je vais encore devoir endurer pour qu'enfin quelqu'un comprenne que je ne peux plus tenir ?

-Tu pense que j'ai peur ? Ça a toujours été mon rêve d'être le Pissenlit ! Je devais d'ailleurs le devenir, avec ma sœur. On a passé notre enfance à nous entraîner pour être aptes. On était des prodiges : moi, la manipulatrice habile, capable de tromper n'importe qui et Clara, la tueuse. On était les deux Pissenlits, le duo parfait. Nous étions tout l'une pour l'autre. Et puis, un beau matin, je me suis réveillée malade. Devine quoi ? J'ai la même maladie que ma mère. J'ignore combien de temps je vais encore vivre et j'ai perdu le rôle pour lequel je me suis préparée toute ma vie. Ma sœur ne peut être un Pissenlit sans moi, car quasiment incapable de parler à autrui. Alors, on a dû chercher encore une fois un nouveau Pissenlit et mon père t'as vue. Une Exclue avec un semblant de détermination sans aucun avenir si rien n'était fait. Elle était la candidate parfaite pour nous remplacer. Et puis, elle est la sœur du grand Gabriel, que Vanessa adorait. Elle est sûrement aussi brillante que lui. Moi, pendant ce temps, je suis là, à me mordre les doigts à cause de la peur de mourir avant d'avoir pu accomplir quoi que ce soit. Tu ne veux plus être Pissenlit ? Tu n'as qu'à partir et laisser la place à un autre. Mon père trouvera sûrement !

Hope avait honte d'elle-même et elle était incapable de répondre quoi que ce soit. Elle se contenta de regarder Emma pleurer et relâcher tout ce qu'elle ressentait. Hope ne se considérait, à présent, plus que comme une personne faible et égoïste. Elle n'était pas encore digne d'être le Pissenlit, mais elle ferait en sorte de l'être. Elle deviendrait le membre de la Rose Noire le plus puissant, le plus courageux et le plus altruiste. Pour l'instant, cependant, la priorité était de réconforter Emma :

-Je pense que te demander pardon ne suffira pas, alors...

-Je ne veux pas de ta pitié, ce que je veux c'est une promesse. Laisse-moi te suivre partout où tu iras. Mon père ne veut pas que je quitte le Gouffre, mais je préfère ne vivre qu'une année en me battant loin de celui-ci plutôt que d'y passer toute mon existence jusqu'à perdre la raison. Je pourrais être un poids, certes, mais je ferai tout ce que je pourrai pour t'aider.

-C'est d'accord, mais j'avais compris que tous les membres allaient se rendre à Crownhaven, toi y comprise. Je ne vois pas vraiment l'utilité de cette promesse.

-Mon père ne te l'a pas dit. Les plans ont changé depuis l'échec de ma mère. Cette fois, les membres de la Rose Noire qui partiront au combat auront une toute autre mission : donner leur vie pour te permettre de rejoindre la capitale.

Jack était assis à son poste, à la mairie. Il consulta sa montre. Il se faisait tard. Il allait bientôt dîner. Une journée de plus, il avait fait choux blanc. Cette fille qu'il recherchait lui filait constamment entre les doigts. Savoir qu'elle se baladait probablement sous son nez le mettait hors de lui. Mais il devait être patient, car elle changerait tout.

Il se leva de son poste lorsqu'un garde entra, sans même toquer. Il souhaita le réprimander, mais celui-ci prit la parole avant même qu'il puisse ouvrir la bouche :

-Chef, nous avons perdu cinq hommes, aujourd'hui. Nous avons retrouvé leurs corps dans la zone est de la forêt.

-Y a-t-il des survivants ?

-Probablement un, chef, mais nous n'avons pas retrouvé sa trace.

-Nous n'avons donc pas d'indices. Soit. Nous avons là un acte criminel très grave. Les fautifs doivent être punis. Que faisaient ces gardes dans la forêt ?

-Ils inspectaient les lieux, comme vous l'avez demandé.

-Il y a donc peut-être un lien avec le groupe que nous recherchons. Si c'est le cas, une dure guerre s'annonce. Mais après tout, la justice l'emportera toujours. Garde !

-Oui chef.

-Je vous demande de surveiller la forêt vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J'ai l'impression que notre ennemi y est dissimulé. Il est temps de jouer au chat et à la souris. 

La Rose NoireWhere stories live. Discover now