Chapitre 49

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         -Vous n'êtes qu'un menteur, Cédric. Mais au fond, c'est moi qui suis en tort, je n'aurais jamais dû faire confiance à une personne comme vous.

Cédric ne comprenait pas ce qu'il se passait, mais il souhaitait voir Hope partir. Elle était en danger. Son père était arrivé.

-Mademoiselle, je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais aujourd'hui, il vaut mieux que vous rentriez chez vous.

-Alors, maintenant que je sais, vous fuyez ? Tout ce que vous vouliez, depuis le début, c'était mes yeux. Tout le reste n'était que mensonge. Je n'ai jamais eu aucune importance pour vous !

Cédric ferma la porte derrière lui. Il ignorait comment Hope avait appris la vérité, mais elle arrivait au pire moment.

-Mademoiselle, allez-vous-en. Et ne revenez plus.

-Bien sûr. Vous ne pouvez plus me manipuler, à présent. Ce n'est plus drôle, je comprends. Je m'en vais, mais ne vous attendez pas à me revoir un jour.

Cédric voulut pousser un soupir de soulagement. Si Hope fuyait sur le champ, elle aurait encore une chance. Si son père ne la voyait pas, elle pourrait continuer à vivre. Il voulut pleurer à l'idée de ne plus jamais la revoir, mais c'était mieux ainsi.

Alors que Hope allait rebrousser chemin, avec une colère incontrôlable, quelqu'un ouvrit la porte du manoir. Il était un homme qui ressemblait trait pour trait à une version plus âgé de Cédric, avec une mine plus dure et sérieuse et des yeux bleu cyan. Mais il avait la même chevelure argentée.

-Cédric, vous n'allez tout de même pas laisser notre invitée partir ainsi ? Invitons-la au moins à déjeuner avec nous, qu'en pensez-vous ?

Cédric se retourna lentement, en tentant de cacher sa crispation. Il feint la joie lorsqu'il prit la parole :

-Hope, ne désirez-vous pas entrer ?

Hope scruta les deux hommes. Elle était sûre d'une chose : elle n'avait envie de rester avec aucun des deux.

-Je suis navrée, mais on m'attend ailleurs. J'étais simplement passé pour vous dire bonjour. Bonne journée à vous.

Hope repartit aussi vite qu'elle le put, mais Cédric lui attrapa le bras. Elle ignorait pourquoi, mais elle sentait qu'elle était en danger. Elle essaya de se libérer. Lorsqu'elle se retourna, le mystérieux individu était déjà très proche d'elle. Elle tenta une fois de plus de se libérer et commença à avoir très peur. Ses yeux devinrent violets.

-Lâchez-moi !

Surpris, Cédric lâcha prise, permettant à Hope de se libérer. Il leva les yeux vers son père. Il n'avait pas raté une miette de la scène. C'était fini, Hope ne pourrait plus rien faire. Avant qu'elle ne puisse s'éloigner, son père prit la main de Hope dans la sienne et la regarda dans ses yeux, tout en allumant les siens.

-Mademoiselle, j'insiste. Mon fils m'a beaucoup parlé de vous. J'aimerais avoir l'occasion de discuter.

Hope se détendit. Tout à coup, elle faisait confiance à cet homme. Et puis, elle était si heureuse à l'idée de manger avec eux. Elle en oublia ses craintes initiales. Elle avait faim, pourquoi ne pas se joindre à leur repas ? Elle les suivit tous les deux à l'intérieur et ce ne fut qu'une fois la porte refermée derrière elle qu'elle comprit que quelque chose clochait.

-Le repas est-il à votre goût ?

Hope ne répondit pas. Maintenant que les effets du pouvoir de cet homme s'étaient dissipés, elle se sentait plus en danger que jamais. Elle continua à fixer son assiette, qu'elle avait à peine touchée. Elle voulait juste s'en aller.

-Excusez-moi, j'ai perdu l'appétit. Je vous remercie tout de même pour ce repas. Il va falloir que je vous quitte, à présent. J'ai des choses à faire.

Celui qui s'était présenté comme le père de Cédric se leva et se dirigea vers elle. Elle en trembla. Il s'inclina alors devant elle, en forme de respect.

-Loin de nous l'idée de vous retenir, mademoiselle. Auriez-vous cependant encore le temps de partager une tisane avec nous ? Il faut dire que mon fils avait raison, votre présence est agréable.

Hope soupira intérieurement. Elle ne voulait pas boire, mais il valait mieux aller jusqu'au bout. Une tisane ne ferait pas la différence.

-Très bien, mais ensuite, il faudra vraiment que j'y aille.

Le père de Cédric, nommé Lucius, sourit. Hope tressaillit. Elle ignorait comment elle en était arrivée là, mais la situation était tendue.

Un serviteur vint lui apporter une tasse. Elle la prit et la porta lentement à ses lèvres. Elle en but une gorgée et ne sentit rien d'étrange. Elle dut contenir un soupir de soulagement, car pendant un instant elle avait cru que la boisson serait empoisonnée. Elle finit même par savourer la chaleur apaisante du breuvage. Elle n'en avait jamais consommé. Mais elle finit par se rendre compte qu'un goût amer se mêlait à l'infusion. Son pouls s'accéléra alors que ses paupières s'alourdissaient. Il y avait du sédatif, dans cette tisane. Elle lâcha la tasse qui se brisa en mille morceaux en tombant au sol, et se mit à courir vers la sortie. Elle tenta de lutter contre la fatigue toujours plus présente et contre l'engourdissement de ses membres.

Elle vit la porte plus loin et eut à peine la force de l'ouvrir qu'elle s'écroula à terre. Elle voulut crier à l'aide, mais seul un léger murmure s'échappa de sa gorge. Soudain, elle sentit deux bras l'attraper. À bout de force, elle tenta tout de même de se débattre, de griffer ou même de mordre son ravisseur. À présent, elle ne pouvait presque plus bouger et la terreur l'envahit doucement. Son ravisseur la souleva de terre et elle ne put qu'assister à la scène, comme si ce corps n'avait pas été le sien. Elle eut envie de pleurer, mais même cela, elle ne pouvait pas le faire. Elle regrettait de toute son âme de s'être rendue ici. Son champ de vision s'obscurcissait, mais elle parvint à voir Cédric un peu plus loin. Il ne faisait rien pour l'aider, lui qui avait dit l'aimer. Il se contentait d'observer. De son regard somnolent, elle le supplia de venir la secourir, même si elle avait conscience que c'était peine perdue.

Elle pensa alors à tous les membres de la Rose Noire qui l'attendaient, elle, le Pissenlit, pour qu'elle les aide et les représente lors de la grande bataille qui les attendaient. Les cadavres de ses camarades lui revinrent en mémoire. Elle eut envie de vomir. Au fond, s'il n'y avait que la mort au fond du chemin, alors il valait peut-être mieux ne rien faire, laisser le destin décider à sa place. Elle ne voulait pas seulement retourner chez la Rose Noire, elle souhaitait aussi revoir sa famille, Pierre, Arthur et Ben. Ben. Elle lui avait caché la vérité, même son meilleur ami ignorait qu'elle se trouvait ici. Personne ne le savait. Sauf Pierre, peut-être, mais il n'y penserait probablement pas. Elle regarda Cédric, qui était la cause de tous ses problèmes. Alors qu'elle sombrait définitivement dans l'inconscience, elle articula avec ses lèvres un tout petit mot :

-Pourquoi ? 

La Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant