Une Histoire de Bonne Presse

CHAPITRE 31

L'Australie parait comme magique aux yeux d'Hélène : les rencontres y sont toujours formidables, les paysages époustouflants, les activités ne manquent pas et surtout, surtout, Daniel est absolument délicieux. 

Loin de la Formule 1 et du monde qui a "sucé son âme" comme il s'amuse à le dire, il est comme libéré. Il est souriant, il est de bonne humeur et plus les jours passent plus Hélène le regarde avec les yeux de l'amour. La jeune femme refuse d'avouer que ce petit jeu de faux couple est très agréable pour elle. Quand ils se retrouvent à deux, elle essaye de choisir ses mots : non pas que ce soit un fardeau, mais elle avoue à Daniel, le dernier jour : parfois elle a du mal à voir la frontière entre la réalité et le jeu.

︵‿︵‿︵‿︵‿︵ 

Alors que les bagages sont prêts et que Daniel a d'ores et déjà fait le tour de sa famille et de ses amis pour dire aurevoir, les deux jeunes gens ont prévu de regarder les étoiles ensemble une dernière fois avant de reprendre l'avion pour le vieux continent. 

"Une fois qu'on sera rentrés, les choses vont se précipiter ! 

- Tu vas quand à New-York ? 

- Je pars dans 6 jours.

- Et je te rejoins dans 10 jours .. J'ai vu le mail de l'Agence. 

- On y retournera début mai ...

- Oui, j'ai vu ... Sacré invitation ! 

- On a dit qu'on ne parlait pas travail ce soir ! 

- C'est compliqué puisque c'est quand même ce qui nous lie ! ricane Hélène en détournant le regard.

- Non. On est plus qu'un simple "contrat". 

- Cestlemotquonnedoitpasprononcer, chuchote la jeune femme. 

- CONTRAT, CONTRAT, CONTRAT ! Tu vois, personne ne s'est transformé ! Et pour cause, on est plus que ça. On est amis. 

- Oui, souffle la jeune femme. On est amis. 

- Ca va pas ... Je te sens ailleurs ? demande Daniel en servant un verre de vin. 

- Le blues du départ, je pense. 

- T'es tombée amoureuse de l'Australie ? 

- Aucun doute ... Pourquoi tu veux repartir ? C'est ici le bonheur, non ? 

- Le bonheur est ici, c'est une certitude. Et si j'ai un coup de mou ou que j'ai envie d'évasion, je pense à mon pays. Mais ma passion, elle est en Europe et dans le monde entier. 

- J'imagine que ça se tient ... On se met devant le feu ?"

Délicatement Daniel propose son bras à Hélène pour l'aider à se relever des transats. La jeune femme attrape la bouteille, les tartines et le fromage, alors que Daniel se charge des chamallow et des couvertures. Le ciel est dégagé et le feu apporte la légère chaleur qu'il manque à cette soirée d'été. 

"À quoi tu penses ? demande Daniel en regardant Hélène qui fixe le feu. 

- Je- Au retour en Europe, au Sud - qui va me manquer, au 40 mails de retard de l'Agence, aux réseaux sociaux...

- Trop de choses dans ta petite tête, rigole Daniel en souriant.

- Je sais pas par où commencer. Il se passe beaucoup trop de choses et ça a été un bonheur de tout oublier pendant tout ce temps passé ici. Mais tout ça me rattrape, et je commence à flipper. 

- Je comprends, valide Daniel en pivotant pour attraper les mains d'Hélène. Alors, point par point : je voudrais que tu viennes habiter à la maison, tu seras tranquille quand je suis en déplacement et on pourra se voir souvent quand je rentre ... Pour ce qui est de l'Agence, qu'ils aillent se faire foutre : ils nous ont dit de couper quelques jours, alors c'est à eux d'assurer une synthèse des mails pour que ce soit plus facile. Tu es en droit de l'exiger, crois-moi. Les réseaux sociaux ? Tu t'es connectée depuis que tu es ici ? 

- Non ...

- Alors parfait, continue comme ça. 

- C'est mon métier d-

- Non, c'est le problème de l'Agence. Tu ne dois pas stresser. 

- Je-

- Viens, propose Daniel en ouvrant grand ses bras. Respire. Regarde le ciel."

La jeune femme se décale, toujours son verre dans la main et se blottit dans les bras du pilote. Elle pense trop, les informations dans sa tête sont beaucoup trop actives : elles buzzent comme une colonie de mouches et la jeune femme s'épuise de les entendre et de tenter de les chasser. Il faut qu'elle réussisse à mettre de côté toutes ces pensées et ces questions et qu'elle profite du moment, de cette dernière soirée avec Daniel en Australie, avant que le TGV du quotidien redémarre. 

"Je peux pas accepter. 

- Accepter quoi ? 

- De vivre dans ton appartement. 

- Je pensais que ça te ferait plaisir, tu as laissé le tien. Tu ne vas pas faire les allers-retours .. ?

- Aller-retour vers quoi ?

- Bah le travail, l'Agence .. 

- L'Agence ne me demande pas d'être domiciliée dans le Sud ... Elle me demande uniquement d'être disponible quand elle claque des doigts ... 

- Je pensais que tu dirais "Oui", pour être avec moi ... marmonne Daniel presque vexé.

- Je- Pardon, excuse-moi. Pardon Daniel. Je voulais pas te froisser.

- Je suis pas froissé. Je pensais simplement que l'idée d'une collocation ne te rebuterait pas à ce point ! 

- Ça serait merveilleux, m-

- Tu dis "mais" et je renverse la fin de la bouteille ! 

- Non, non. Fais pas ça, c'est du velours ce vin. Je- J'ai envie de dire Oui ...

- Alors dis-le et enlève-le de ta liste interminable de problèmes ! C'est moi qui te le propose. Viens. Installes-toi et si ça va pas tu pourras repartir ... 

- Pourquoi ça n'irait pas .. ? demande Hélène en souriant. 

- Pour pleins de raison apparemment. Tu te tortures le cerveau pour rien ! 

- Hum ...

- Peut-être que tu vas rencontrer quelqu'un et que tu voudras vivre avec l-

- N'IMPORTE QUOI. Tu penses que j'ai le temps de rencontrer quelqu'un ? 

- Le temps ? Oui. L'envie : non. Tu es quotidiennement au contact de la perfection, argumente Daniel en se redressant. Comment tu pourrais avoir envie d'autre chose ? 

- N'importe quoi, souffle la jeune femme en appuyant son dos contre Daniel pour qu'il se remette en position. Pourquoi pas alors ..."

Le jeune homme sourit, dans la tempête de l'année dernière, c'est Hélène qui l'a sauvé et il ne se voit pas recommencer une année, sans elle à ses côtés. Il fixe à son tour l'horizon et soupire. La jeune femme se blottit dans ses bras, alors que naturellement il dépose un baiser sur sa tempe.