CHAPITRE 36

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"On s'installe ? demande Hélène.

- J'arrive, crie Daniel depuis la salle de bain. Je mets un tee-shirt, sinon tu vas me sauter dessus."

Hélène, déjà installée, voit fondre sur elle Daniel, lancé à pleine vitesse, qui enjambe le canapé pour s'écraser lourdement juste à côté d'elle. Il passe violemment son bras autour de la jeune femme et la tire vers lui. 

"Daniel ! C'est de la nervosité ? 

- Non. 

- Tu me fais mal là ! 

- Pardon, je suis un peu bizarre ... Je sais pas vraiment comment m-

- On arrête ! s'écrit Hélène. On éteint la télévision et on fait autre chose. On peut aller marcher, on peut all-

- Non, non ! Ça ira. 

- Non mais parce que on fait pas ça pour moi ... Moi je m'en fiche de ça !

- Tu veux dire que tu n'accordes aucune intérêt à la Formule 1 ? blague Daniel. Que mon monde est absolument insignifiant pour toi ?

- Bien sûr, lance Hélène, alors que Daniel mime un coup de poignard et s'effondre sur le canapé. 

- Oh arrête ton cinéma ! C'est pas pour mon amour de la F1 que j'ai été "recrutée"....

- C'est pas non plus pour tes connaissances du domaine ! marmonne Daniel. 

- Ah oui monsieur ? Mais ça c'était ton taff, de m'apprendre les bases ! Au lieu de ça tu m'as blacklistée ! 

- Parce que je ne savais pas ... 

- A quel point j'étais gentille, souriante, agréable, positive, sexy ... 

- Sexy ... répète Daniel. Bon alors ! Ça commence ?

- Ça va commencer, assure Hélène en se redressant pour s'installer épaule contre épaule avec Daniel. Ça va commencer ..."

Délicatement, Daniel attrape la main d'Hélène après avoir rapproché le plateau de snacks. La grille de départ est déroulée et les pilotes sont sur le tour de formation. Alors que les monoplaces prennent place sur la ligne de départ, Daniel se lève brusquement. Inquiète, Hélène le regarde contourner le canapé pour se positionner derrière. 

Il s'accroche sur le dossier et fixe la TV. La veine de son front commence à ressortir et son légendaire sourire laisse place à une grimace. 

"Arrête de sourire, c'est faux. 

- Chut ... Ça va commencer. 

- Daniel, rouspète la jeune femme en se redressant sur ses genoux pour faire face à Daniel. T'es sûr ?

- Oui. C'est bon, assis-toi. Le départ c'est le meilleur moment."

La jeune femme appuie son regard sur Daniel, qui lui rend par un simple geste pour lui indiquer de regarder la TV au lieu de lui. Elle se réinstalle correctement. La jeune femme n'ose pas se retourner et elle fixe l'écran le plus intensément possible. 

Le départ est donné, et les coéquipiers de Daniel gardent la tête de la course. Aucun accident est à déplorer et la course démarre sous les meilleurs hospices. Hélène meurt d'envie de se retourner pour voir Daniel, mais elle a peur de le froisser à force de beaucoup trop s'inquiéter pour lui. Les voitures filent à vive allure et le réalisateur passe d'un virage à un autre comme s'il récitait une partition. La saison est lancée. 

Hélène fixe l'écran si fort que ses yeux la brûlent. Des larmes commencent à couler le long de ses joues quand elle se décide de braver ce qu'elle avait identifié comme interdit : elle se retourne. Daniel n'est plus là. Celui qui lui faisait face il y a moins d'une minute, à tout bonnement disparu. D'un revers de la main, elle efface une larme de colère sur sa joue et se redresse. Daniel est assis, derrière le canapé, la tête dans les bras. 

La jeune femme, coupe le son de la télévision et s'empresse de faire le tour du canapé pour se positionner juste en face de lui, au sol. Doucement, elle pose ses mains sur ses genoux qui sont remontés sur sa poitrine. 

"Daniel ?

- Je ne peux pas, souffle le pilote. 

- C'est pas grave, personne ne t'y oblige, tente de le rassurer Hélène. 

- J'ai essayé ...

- Tu as essayé, et c'est pas pour aujourd'hui. Daniel, regarde-moi, supplie la jeune femme en posant sa main droite sur le poignet du jeune homme. 

- Je suis nul, annonce Daniel en se dégageant de la douce emprise d'Hélène. 

- Ta réaction n'est pas nulle. Tenter de me repousser le devient légèrement ... 

- Désolé, je-

- C'est pas grave. Et si on se relevait ?

- Je, je- Et je vais faire quoi ? Ça fait 15 ans que je vis au rythme de ses voitures, 15 ans que je vois chaque départ, chaque pit-stop puis l'intérieur, 15 ans que je participe à des réunions, des briefs et tout le reste. Et là, d'avoir vu les voitures s'élancer, ça m'a vraiment rappelé à la réalité ...

- Comme un coup de massue.

- Comme un putain de coup de massue. Voilà. Voilà où j'en suis : éclaté derrière un canapé à des milliers de kilomètres de l'action ... "

La jeune femme se redresse, il faut trouver un tout autre sujet de conversation. Il faut sortir Daniel d'une spirale dont, il n'a pour le moment pas les moyens de s'extirper. Elle s'en veut d'avoir cru un seul instant que Daniel était "prêt". 

"Relève-toi, s'il te plait, chuchote la jeune femme en tendant la main. 

- Je peux pas. 

- Fais-le pour moi. J'ai éteins. On fait autre chose. 

- J'ai pas la force, chuchote Daniel. 

- Alors laisse-moi juste te prendre dans mes bras, propose la jeune femme. Laisse-moi t'aider."

Avec beaucoup de précautions et en mesurant chacun de ses gestes, la jeune femme se glisse doucement dans les bras de Daniel qui finit par lâcher ses mains pour la serrer contre lui. Ils restent bloqués là pendant de très longues minutes et Daniel redescend de plus en plus de sa crise de nerfs, grâce aux douces caresses de la jeune femme dans son dos. 

Hélène s'applique à imprimer un rythme qui aide le jeune homme à positionner sa respiration et à mettre de côté toutes ses craintes et appréhension. 

"Je vais chercher de l'eau, murmure la jeune femme. Ne bouge pas."

Hélène se relève et attrape la télécommande. Entre la cuisine et le canapé, elle en profite pour éteindre complètement la TV et cacher sous un coussin le grand drapeau RedBull dans lequel Daniel s'était initialement enroulé. 

Elle revient et tend le verre à Daniel qui le boit entièrement, et attrape la main tendue de la jeune femme, invitation à se relever et passer à autre chose pour la journée. C'était sans compter la différence de force entre les deux jeunes gens ...

Une Histoire de Bonne PresseDonde viven las historias. Descúbrelo ahora