tome 2, chapitre 7

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« Il n'y a pas de plus grande joie que de connaître quelqu'un qui voit le même monde que nous. C'est apprendre que l'on n'était pas fou. » Christian Bobin, La dame blanche

*

― Je suis désolé de t'avoir fait croire que je te jugeais, me marmonna mon père.

― C'est okay, lui dis-je doucement. Je veux juste... comprendre et apprendre à m'adapter à certaines choses. Mais je ne veux pas parler de ça. Un jour peut-être.

― Un jour peut-être.

Il me souriait en guise de réponse. La première fois que j'étais enthousiaste depuis le début que j'avais intégré la S.C.D. J'ignorais encore qu'est-ce qui allait m'arriver ces prochains jours. En ce moment-même, je me focalisais surtout sur la retrouvaille si imprévisible avec mon père. Bizarrement, je ne ressentais presque plus de haine, ni de colère. Il était comme un remède.

― J'ai déjà voulu m'enfuir tu sais... Plusieurs fois... Voir des centaines de fois, dit-t-il. Mais sans succès. Pourtant, avec l'âge, le pouvoir s'intensifie. Je suis fort, puissant, presque indétrônable, mais je me sens tellement faible quand il s'agit de s'enfuir.

― Sans succès ? Vraiment ?

― J'imagine que Sullivan Snow ainsi que le reste de la bande à Lauren Irwin t'as déjà fait le même discours, dit-t-il comme s'il lisait mes pensées.

― Mini Irwin m'a insinué que c'était mission impossible... Mais un jour, quand j'étais gamin, quelqu'un me disait toujours que il suffisait de croire en l'impossible...

Pour que ce soit possible, continua-t-il avec un grand sourire. Je te disais toujours cette phrase avant que tu ailles dormir. Je n'arrive pas à croire que tu t'en ait souvenu.

― Je me souviens de chaque moment que j'ai vécu avec toi et maman. Je m'appuyais sur ça quand j'ai grandi. Tessy n'était pas prête à m'accueillir à l'époque, alors j'étais chez les Walters. Tous les soirs, je me remémorais. Disons, que c'était mon réconfort.

Il baissait la tête. Après tout je disais la vérité. Je ne pouvais rien lui cacher à quel point leur absence a perturbé ma vie et mon enfance. Et je ne pouvais pas dire le contraire. Je ne pouvais pas me mentir à moi-même et prétendre que tout allait bien.

― Crois-moi, j'aurais voulu que ça se passe autrement, Lucas.

― Je le sais. J'en suis conscient. Parfaitement conscient.

― Tu as fais des erreurs. Tu as fais d'énormes erreurs. Mais tu es là. J'avais presque perdu espoir de pouvoir te voir un jour, te parler et apprendre à te connaître... Mais maintenant tu es là. Et pour le moment, je m'en fiche.

― Les retrouvailles typiques, dis-je en lâchant un rire.

― On peut dire ça.

― J'aimerais moi aussi apprendre à te connaître, afin qu'on puisse nouer des liens, mais j'ignore s'il on peut vraiment le faire.

― J'aurais voulu faire ça dans de meilleures circonstances aussi, c'est vrai, je te l'accorde.

― Ça ne veut pas dire que c'est impossible. Il y a des fois où même dans des mauvaises circonstances, on ne perd pas espoir. Et tu n'as pas perdu espoir, dis-je sans le quitter des yeux.

― C'est vrai.

― Un jour je t'en parlerai...

― Quoi dont ?

All Monsters Are Human (EN COURS D'ÉDITION) Where stories live. Discover now